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Moyen Orient et Monde - Crise humanitaire

Les civils paient au prix fort la guerre yéménite

Sur le terrain, les ONG sont confrontées à des obstacles d'ordre sécuritaire et peinent à intervenir auprès de la population dans le besoin.

Ibrahim, père de sept enfants, est assis à l'entrée de son abri dans les faubourgs de Hodeidah, en décembre 2016. Florian Seriex / Action contre la faim

Le conflit yéménite va entrer à la fin du mois de mars dans sa troisième année. Alors que le pays était déjà considéré comme le plus pauvre de la péninsule Arabique avant d'être ravagé par la guerre, la situation humanitaire est aujourd'hui alarmante. Un rapport d'experts onusiens rendu public fin février confirme que le Yémen est aux portes de la famine. L'ONU considère que 1,7 milliard de dollars seraient nécessaires pour contrer ce fléau, tout en soulignant que « la réponse humanitaire ne sera pas suffisante ».

L'approvisionnement est rendu de plus en plus difficile par l'extension des combats dans les zones portuaires, comme à Hodeidah par lequel transitent 70 % des denrées alimentaires. Les rebelles houthis, alliés à l'ex-président Ali Abdallah Saleh, s'opposent aux troupes loyalistes soutenus par la coalition arabe, notamment le long des côtes de la mer rouge. Près de 50 000 personnes ont déjà été déplacées à la suite de ces combats, selon l'ONU.

Depuis mars 2015, l'ONU déplore 10 000 civils tués. Le 26 janvier dernier, le secrétaire adjoint des Nations unies, Stephen O'Brien, a tiré la sonnette d'alarme. « Le conflit au Yémen constitue à présent la plus grande urgence pour la sécurité alimentaire dans le monde. Sans action immédiate, la famine est un scénario possible pour 2017 », s'était déjà inquiété le britannique. Les chiffres parlent d'eux-mêmes. Près de 14 millions de Yéménites souffrent de malnutrition, soit 80 % de la population. Le mois dernier, le ministère de la Santé publique du Yémen a décompté 14 000 personnes touchées par une diarrhée aiguë ou par le choléra, épidémie qui se propage dans le pays depuis octobre 2016. Cette situation critique touche particulièrement les enfants. Près de 2,2 millions d'enfants souffrent de malnutrition, les rendant d'autant plus vulnérables face aux maladies environnantes.

Père de sept enfants, Ibrahim a témoigné de ses conditions de vie en décembre dernier aux volontaires d'Action contre la faim. « Nos enfants sont tellement faibles. Ils ne mangent qu'une fois par jour et la plupart du temps uniquement du pain qu'un boulanger nous donne le matin. La dernière fois que nous avons mangé de la viande, c'était en septembre », a expliqué l'homme, qui vit à Hodeidah.

La liste des besoins s'allonge chaque jour. L'accès à l'eau potable, à la nourriture ou encore à l'électricité est devenu très limité. « Tout le système de santé s'est effondré, à cause du conflit et de la crise économique, on est retourné dix ans en arrière », a affirmé le 31 janvier à Reuters la représentante de l'Unicef au Yémen, Meritxell Relano.

 

(Lire aussi : Près de 1 500 enfants soldats recensés par l'ONU au Yémen)

 

Obstacles majeurs
Le constat est d'autant plus inquiétant que le champ d'action est, lui, limité. Le conflit ne permet pas aux institutions gouvernementales d'assurer un service de base pour la population. Le pays est officiellement classé parmi les crises de niveau trois par le Comité permanent interorganisations (CPI) depuis juillet 2015, soit les plus urgentes et les plus graves. Les ONG tentent de combler les besoins en renforçant leurs effectifs sur place. Le docteur Narcisse Wega, responsable adjoint de la cellule d'urgence pour Médecins sans frontières (MSF), dénombre près de « 1 600 personnes travaillant en ce moment pour l'ONG au Yémen, ce qui en fait une des missions les plus importantes de MSF en termes de personnel ». Mais leur chemin est souvent semé d'embûches. « Il nous est arrivé de devoir quitter le nord du pays, car aucune garantie de sécurité ne pouvait nous être donnée », regrette M. Wega.

Accéder au Yémen est déjà une difficulté à part entière. Les lignes commerciales sont suspendues et « les visas sont assez compliqués à obtenir », explique Lucile Grosjean, référente humanitaire pour Action contre le faim. Les problèmes de mobilité se posent également à l'intérieur du territoire. « Les volontaires sont régulièrement retenus des heures aux check-points pour des contrôles interminables. », relate la volontaire.

À la suite du blocus ordonné par la coalition arabe, menée par l'Arabie saoudite, ayant pour but de priver les rebelles houthis d'armement, les vivres et les médicaments se retrouvent immobilisés des semaines, voire des mois. Les importations, conséquentes au Yémen, sont donc réduites de moitié et la production alimentaire est largement affaiblie, ce qui a pour effet de faire monter les prix.

Sur le plan sanitaire, les obstacles sont tout aussi considérables. Non moins de 55 % des structures médicales ne fonctionnent plus actuellement. Un million de fonctionnaires ne sont plus payés et désertent les structures. Un quart de la population en subit les conséquences. Le cruel manque de fuel rend hasardeuse l'utilisation des appareils médicaux. Et dans le cas où les civils accéderaient aux soins, les bombardements réguliers obligent les « bénéficiaires des soins à fuir les structures médicales, interrompant par conséquent les traitements en cours », se désole Lucile Grosjean.

Les structures de MSF n'ont pas été épargnées par la guerre. « Quatre structures gérées ou soutenues par MSF ont été touchées par des bombardements au cours des onze derniers mois », indique M. Wega. « L'ensemble des parties au conflit mènent des attaques indiscriminées sur les civils et les infrastructures civiles, y compris les hôpitaux, les marchés et les écoles. Les civils paient donc le prix fort du conflit », conclut le docteur.

 

 

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