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Culture - Théâtre

Le couple, une association de manipulateurs ?

Dans « Bte2toul », Joe Kodeih remet sur le tapis – et sur la scène du Théâtre Gemmayzé – les questions de conjugalité et d'amour. Avec un duo de comédiens chevronnés évoluant sur le fil du rasoir.

Lequel des deux est le manipulateur  ? le plus dépendant  ? le plus amoureux  ? Photo Jalal Khoury

Un couple vient de retrouver son appartement après la sortie du mari de l'hôpital. Une mauvaise chute dans l'escalier a rendu ce dernier amnésique. À nouveau chez lui – mais est-ce vraiment chez lui ? –, il lutte pour essayer de retrouver ses souvenirs, ses marques, ses habitudes, ses sentiments, sa personnalité.

Des étagères débordantes de livres sont-elles nécessairement la preuve qu'il était, « qu'il est », un écrivain ? Et toutes ces toiles accrochées au mur, est-ce bien lui qui les a peintes ? Pourquoi était-il si attaché à ce canapé rouge élimé et au ressort défoncé ? Comment pouvait-il à la fois imposer son avis sur tout, ne boire que du thé, accompagner sa femme comme un toutou dans les boutiques et se conduire en séducteur patenté ? Était-il vraiment cet homme paradoxal que lui décrit son épouse ? Et d'ailleurs, qui est-elle réellement, cette femme qui prétend être sa douce moitié ?

Jusqu'au 5 mars, la scène du Théâtre Gemmayzé sert de cadre à ce huis clos amoureux d'une démoniaque subtilité. Alliant un suspense quasi policier à une psychologie des personnages d'une piquante lucidité, Bte2toul (Elle tue, au double sens du terme), la toute nouvelle pièce de Joe Kodeih, signe les retrouvailles sur les planches de deux comédiens aussi complices que chevronnés.

 

À coups de griffes
Elle, Leyla, femme au foyer, campée par Bernadette Houdeib, est terriblement sexy « pour son âge » : gambettes fuselées, taille de guêpe et tête de Cléopâtre... à petit nez, elle se déplace sur les planches avec la souplesse d'une chatte sur un toit brûlant.
Lui, Farid, auteur de romans, interprété par Talal el-Jurdi, a le charme indicible des intellos-machos : à la fois doux rêveur et dur à cuir qui se la ramène un peu en complet trois pièces et Borsalino, il est d'une extraordinaire mauvaise foi.
À leur actif, quinze ans de mariage au compteur et son inévitable lot de Petits crimes conjugaux (titre du texte dramaturgique d'Éric-Emmanuel Schmitt adapté en arabe et mis en scène par Joe Kodeih). Un couple comme tant d'autres ? Oui et non. Car ces deux-là ne sont pas du genre à abdiquer face à l'inévitable érosion du sentiment amoureux. L'amour, ils le veulent toujours vivace, toujours vivant, quitte à le fuir ou à... le tuer. Quitte à se livrer à un véritable combat de fauves. Mais dans l'arène de la relation conjugale, celui qui montre les crocs n'est pas nécessairement celui qui sort les griffes et assène les coups de patte en premier !
Tantôt à fleurets mouchetés, tantôt avec effusion, Leyla et Farid vont s'affronter, se mesurer, se mentir, se provoquer l'un l'autre dans un inaltérable désir de se retrouver et se (re)séduire.
Lequel des deux est le plus dépendant ? Le plus lâche ? Le plus cruel ? Le plus manipulateur ? Le plus sensible ?

Le plus amoureux ? Le plus amnésique ?
Car, vous l'aurez deviné, ce qui fait le sel de Bte2toul, c'est le double (voire le triple) jeu de chacun des protagonistes. Un jeu de rôle (mettant en valeur le talent de ce duo d'acteurs) qui, d'impostures en revirements, tient les spectateurs en haleine tout au long des 75 minutes de scène. Une pièce douce amère qui délivre du rire et invite à la réflexion tout à la fois. Du bon Éric-Emmanuel Schmitt en somme, repris avec maestria par Joe Kodeih et son équipe. À découvrir.

*Jusqu'au 5 mars, de jeudi à dimanche, à 20h30. Réservations : 76/409 109 et Librairie Antoine.

Fiche technique
Marie-Christine Tayah : traduction et assistante à la mise en scène
Solange Trak : le très soigné décor
James Chéhab : lumière, son et vidéo

 

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