Après différentes expositions au palais de l'Unesco et à l'ambassade de France au Liban, Siham Ajram décide enfin d'aborder le sujet de la guerre libanaise qu'elle reproduit en demi-teinte.
Il plane encore une atmosphère de guerre dans les toiles de Siham Ajram. L'artiste, qui a vécu le passage, voire le glissement de son pays, de l'état de Suisse du Moyen-Orient aux ruines qui affectent jusqu'à présent l'infrastructure et l'être libanais, ne pouvait y rester indifférente. Ses toiles traduisent à la fois le désespoir et l'espoir, la volonté d'aller de l'avant avec un recul involontaire à grands pas. Est-on un peuple qui se cache la face et qui se laisse vivre au gré du bon désir de ses dirigeants ? Et que prépare-t-on pour l'avenir de nos enfants ?
« J'aime raconter des histoires à travers ma peinture, les couleurs et les formes viennent après », avoue l'artiste. Elle parle de cet escalier en ruine qui trône dans une toile grand format à la galerie Art on 56th, des masques imposés aux enfants dès leur jeune âge afin qu'ils affirment leur place dans la société, dictée par les religions et les classes sociales. Mais elle s'attarde aussi sur d'autres masques déchirés comme un désir soudain de ne plus se voiler la face et de se révolter contre l'état des lieux. Et plus loin, sur ces enfants qui sont assis devant un immeuble en ruine qu'ils ne regardent plus car ils veulent regarder au-delà.
Le travail de Siham est réaliste. Mais il emprunte à la poésie son besoin de sublimer le réel. Sa vision se résume dans cette toile baptisée Against all odds (Malgré tout).
Focus sur la toile « Against all odds »
Un couple est installé dans deux barils d'ordures et tente de s'embrasser malgré les bouts de tissu qui dissimulent leurs visages. Ils sont debout au premier plan d'une ville apparemment détruite et déserte. Il y a donc un saut effectué dans le passé. Car pour l'artiste, même si tout a été reconstruit, les rues de ce centre-ville, autrefois cœur battant de la cité, sont vides. La ville est en état d'apnée.
Le couple traduit par sa posture un acte de désespoir infini. Debout dans les bennes, un couple tente de s'embrasser malgré les bouts de tissu. « La femme enlace d'un bras son bien-aimé, explique Ajram. Lui reste immobile. Il l'aime mais ne peut se prononcer, s'engager dans ce monde où les horizons sont fermés. » Et de poursuivre : « Je m'inspire de mon fils en particulier et de toute cette génération en général qui ne trouve pas de travail après avoir terminé les études. » Pourtant, au-dessus de ces immeubles qui recouvrent la toile et qui semblent être une prison, un huis clos, puisque l'horizon est bouché, un petit carré d'azur apparaît, éclaircissant ainsi l'espace. L'espoir existe donc encore. Il peut être récupéré. Et pourquoi pas s'élargir, pour envelopper les toiles de Siham Ajram ?
Art on 56th jusqu'au 3 décembre, Gemmayzé. Tél. : 01/570331.