Rechercher
Rechercher

Moyen Orient et Monde - Portrait

Asma Mulet, franco-libanaise et sauveuse de migrants

« J'ai alors commencé à me poser des questions sur ce que je voulais réellement faire de ma vie », raconte à « L'Orient-Le Jour » la jeune femme.

Asma Mulet et ses collègues approchant un bateau de migrants en Méditerranée. Photo Johannes Moths

« N'ayez pas peur, calmez-vous. Nous sommes là pour vous aider. On va vous prendre en Italie, pas vous renvoyer en Libye. » Ces mots, Asma Mulet les répète inlassablement, en anglais, en français. La jeune femme est l'une des premières personnes que les passagers de vieux rafiots surchargés et en détresse voient de l'équipe de l'Aquarius, un navire affrété par l'association SOS Méditerranée en partenariat avec Médecins sans frontières (MSF) pour effectuer des opérations de sauvetage. Elle inspecte le navire, fait le décompte des passagers, fait le tri parmi ces derniers pour les envoyer aux différentes équipes médicales compétentes à bord du bateau de MSF.

Asma Mulet est française, d'origine espagnole et libanaise, et plus précisément de Tripoli. Elle a fait deux ans d'études en psychologie, avant de se rediriger vers les ressources humaines et le management international. Elle travaille dans de grosses entreprises françaises pendant trois ans, en tant que spécialiste de paie. Pendant ses études, elle participe à de nombreuses récoltes de fonds pour des ONG, comme Médecins du monde, Action contre la faim, etc. « J'ai alors commencé à me poser des questions sur ce que je voulais réellement faire de ma vie », raconte à L'Orient-Le Jour la jeune femme, qui entreprend alors des recherches, et découvre que beaucoup d'ONG recherchent des personnes ayant étudié les ressources humaines. Elle postule en Norvège, où elle est embauchée par Médecins sans frontières (MSF).

Elle est alors envoyée en mission en République centrafricaine pour un an et demi, toujours en tant que spécialiste de paie, et travaille sur terrain, où elle vérifie que les salaires de l'ONG correspondent bien à la politique du pays, entre autres. C'est à cette période qu'elle se découvre une passion pour le travail de terrain et décide de continuer. Elle multiplie alors les missions en Haïti, Ouzbékistan et aux Philippines. Après cette dernière, elle s'octroie des vacances de trois semaines, bien méritées après des missions épuisantes.

 

(Pour mémoire : Situation tendue au large de la Libye, où le flux de migrants ne tarit pas)

 

 

À bord de l'Aquarius
Mais au sixième jour, elle est contactée par MSF, qui lui propose alors une mission sur l'Aquarius. Sans hésiter, elle annule ses vacances et rejoint le bateau, pour près de trois mois. C'est alors qu'elle participe aux opérations de sauvetage de migrants qui décident de traverser la Méditerranée pour rejoindre l'Europe.

« MSF s'occupe de la prise en charge médicale des personnes secourues une fois qu'elles sont sur le bateau, tandis que SOS Méditerranée s'occupe de tout ce qui est relatif à l'opération de sauvetage même », explique Mme Mulet. MSF « fournit » la médiatrice culturelle, position officielle d'Asma Mulet au sein de l'ONG. Parmi les responsabilités de la médiatrice culturelle lors du sauvetage, identifier les bateaux en détresse, les inspecter avec une équipe qualifiée, établir le contact avec les personnes à secourir et les rassurer, en plusieurs langues, notamment en anglais. « On a beaucoup de femmes et d'enfants à bord de ces bateaux surchargés, faits pour transporter 20 à 30 personnes maximum, mais où plus de 100 personnes s'entassent, des fois bien plus. Il est nécessaire de les calmer et de les rassurer, parce qu'ils ne comprennent pas nécessairement ce qu'il leur arrive, et le voyage peut virer au cauchemar très rapidement », explique la jeune femme. Certains cas médicaux sont extrêmes, et il arrive que les médecins à bord de l'Aquarius demandent un hélicoptère pour transporter les personnes concernées le plus rapidement possible vers les centres médicaux les plus proches. Certains bateaux de migrants viennent d'Afrique de l'Ouest, d'autres viennent du Soudan, de l'Érythrée, ou encore du Maroc.

 

(Pour mémoire : Journée record au large de la Méditerranée : 6.500 migrants secourus lundi)

 

La jeune femme est également chargée de recueillir les témoignages des personnes secourues, qu'elle retransmet dans les rapports de MSF, ainsi que dans les médias. Très souvent, les personnes interrogées ont subi des violences, sexuelles notamment, et sont prises en charge par des unités psychologiques. La plupart des personnes secourues sont des femmes et des mineurs, dont 80 % sont non accompagnés, et représentent donc des cibles aisées. « La majorité des femmes secourues lors de ces traversées en Méditerranée sont victimes de violences sexuelles », dénonce Asma Mulet. Ces abus ont surtout lieu en Libye, plaque tournante pour nombre de ces migrants désirant se rendre en Europe, et qui passent par des centres de détention, où ils restent plusieurs mois et subissent toutes sortes d'abus, le temps de rassembler la somme nécessaire pour payer le voyage. « J'ai même connu une personne qui est restée deux ans dans ce type de centre », relate la médiatrice, qui affirme que la grande majorité de ces établissements ne sont pas officiels.

Aujourd'hui, la jeune femme a terminé sa mission sur l'Aquarius. Sans prendre de pause réelle, elle vient tout juste de débarquer à Tunis, d'où elle doit se rendre en Libye jusqu'à la fin de l'année. Ce sont les seules informations qu'elle veut bien partager ; elle ne veut pas mettre sa prochaine mission en péril.

 

 

 

Lire aussi

« Ensemble, agissons pour les réfugiés et les migrants »

La crise des migrants, catalyseur des poussées populistes en Europe

« N'ayez pas peur, calmez-vous. Nous sommes là pour vous aider. On va vous prendre en Italie, pas vous renvoyer en Libye. » Ces mots, Asma Mulet les répète inlassablement, en anglais, en français. La jeune femme est l'une des premières personnes que les passagers de vieux rafiots surchargés et en détresse voient de l'équipe de l'Aquarius, un navire affrété par l'association SOS...

commentaires (0)

Commentaires (0)

Retour en haut