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Nos Lecteurs ont la Parole

Mythe et réalité de la révolution libyenne

Par Pierre PICCININ
« Une fois tombées Bani Walid et Syrte, les derniers bastions pro-Kadhafi, le Conseil national de transition (CNT) pourra proclamer la complète libération de la Libye. Pour le moment, les troupes pro-Kadhafi résistent encore à Syrte, tandis que la population, prise entre deux feux, essaie de fuir le théâtre des combats. »
Voilà ce que l’on peut lire et entendre un peu partout dans les médias à propos du conflit qui ravage actuellement l’ouest de la Libye.
En deux phrases, cinq erreurs sont formulées.
À la décharge de ces médias, il faut admettre que le cas libyen fait figure d’exception dans ce « printemps arabe » et s’est rapidement révélé particulièrement compliqué à analyser, comme j’ai pu m’en rendre compte, et notamment lors de ma mission à Benghazi, il y a quelques semaines, et des jours que j’ai passés, sur la ligne de front, en compagnie des combattants de la rébellion.
Et la nécessité de simplifier l’analyse pour ne pas lasser l’auditeur, le lecteur ou le téléspectateur, de plus en plus demandeur d’un fast-food de l’information qui lui permettrait de « s’informer » en quelques minutes de ce qui se passe dans le monde entier, donner bien des cheveux blancs aux journalistes en charge de préparer les plats.
Cependant, ramener la révolution libyenne à un soulèvement de tout un peuple contre le régime dictatorial d’un seul homme confine à l’absurde et à la désinformation. En Libye, j’ai rencontré une tout autre réalité que la réalité virtuelle servie par la presse occidentale.
Premièrement, depuis des mois, le conflit ne s’est pas limité aux deux seules villes de Bani Walid et Syrte. La résistance concerne également tout le Sud-Ouest libyen, tous les oasis, villes et villages du Fezzan. Le conflit est donc bien loin d’être terminé et il se poursuivra, même après la chute de Syrte.
Deuxièmement, il ne s’agit plus d’une guerre de « libération », mais bien d’une guerre de conquête : les tribus de Benghazi et de l’Est libyen sont en train de conquérir des territoires, ceux des tribus de l’Ouest, qui, troisièmement, se défendent plus qu’elles ne soutiennent Kadhafi.
Quatrièmement, la résistance n’est pas le fait de « troupes pro-Kadhafi » ou de « mercenaires », mais surtout des hommes et adolescents des tribus de l’Ouest, selon le principe de fonctionnement de la société libyenne, société tribale clanique, où chaque homme est un guerrier potentiel. La population n’est donc pas « prise entre deux feux » car, cinquièmement, c’est la population, précisément, qui se bat contre les envahisseurs de l’Est et l’OTAN qui les appuie. Et, comme on a pu le constater dans les convois qui quittaient la ville de Syrte, par exemple, seuls fuient les femmes, les enfants et quelques vieillards.
Une réalité bien différente du mythe forgé par le prisme médiatique occidental...
Il est cela dit peu probable que les tribus de l’Ouest résistent longtemps encore, même si, pour l’instant, elles tiennent fermement à Syrte, que les bombardements de l’OTAN ont pourtant réduite à l’état de ruines, et dans tout le Fezzan.
Face à cette rébellion venue de l’Est et soutenue par des puissances étrangères qui ont déployé l’arsenal de l’OTAN, les guerriers des clans de Libye occidentale n’ont effectivement aucune chance de renverser le cours de la guerre et de permettre au gouvernement libyen de reprendre le dessus.
Néanmoins, cette résistance farouche, à laquelle bien peu d’analystes s’attendaient et qui met aujourd’hui le CNT et l’OTAN en échec, fût-il momentané, sans ambiguïté aucune, enlève toute légitimité au nouveau gouvernement libyen autoproclamé et révèle le véritable caractère de l’opération atlantique en faisant de l’OTAN un agresseur au grand jour et nullement plus un libérateur.

Pierre PICCININ
Historien, politologue
« Une fois tombées Bani Walid et Syrte, les derniers bastions pro-Kadhafi, le Conseil national de transition (CNT) pourra proclamer la complète libération de la Libye. Pour le moment, les troupes pro-Kadhafi résistent encore à Syrte, tandis que la population, prise entre deux feux, essaie de fuir le théâtre des combats. » Voilà ce que l’on peut lire et entendre un peu partout dans...

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