La crise libano-saoudienne irait vers une décrispation, selon des sources françaises bien informées qui ont confirmé hier l'envoi à Beyrouth d'un émissaire du ministre de la Défense, Louis Vassy – qui est un des proches conseillers du ministre et qui avait accompagné tout récemment à Riyad Jérôme Bonnafont, directeur de la section Maghreb-Moyen-Orient au Quai d'Orsay.
Cette détente est confirmée à Yarzé par l'homologue libanais de M. Le Drian, Samir Mokbel, qui a fait part à l'agence al-Markaziya d'un optimisme prudent qui conduirait à une détente progressive entre Beyrouth et Riyad.
Le ministre – qui rejoint par ailleurs des commentaires d'observateurs français crédibles – a laissé entendre que la position saoudienne ne saurait être irréversible à partir de l'affirmation par M. Adel al-Jubeir, ministre saoudien des Affaires étrangères, lors de son tout récent séjour à Paris, que le matériel militaire français destiné au Liban dans le cadre du DONAS devrait être livré au commanditaire et non au Liban. Comprendre que si Riyad voulait prendre une mesure irrévocable, il aurait demandé à la France de livrer les équipements français à un pays tiers (le Yémen ou le Soudan, par exemple)...
Le ministre libanais se base sur les liens fraternels entre le Liban et le royaume wahhabite pour affirmer qu'il ne s'agit que d'un nuage passager qui ne retarderait même pas les prochaines livraisons des armes françaises prévues dans trois mois. La durée totale prévue dans le cadre tripartite a été fixée à 5 ans et six mois, comme annoncé au moment de la signature de l'accord tripartite.
Rappelant l'adage « Aide-toi et le ciel t'aidera », M. Mokbel a invité les Libanais à compter sur eux-mêmes pour le relèvement du pays par le moyen d'une unité nationale renouvelée et une solidarité autour de l'armée afin de consolider son moral et de stimuler son courage dans son combat contre le terrorisme.
Le vice-président du Conseil a ajouté qu'au cours d'un entretien hier avec le président Nabih Berry, il avait évoqué avec lui le plan quinquennal élaboré durant le mandat Sleiman d'un montant d'un milliard et demi de dollars pour équiper l'armée libanaise, plan qui permet à nos forces armées de ne pas dépendre du seul don saoudien.
Affirmant qu'il n'avait parlé de la suspension des livraisons d'armes françaises au Liban avec aucun responsable étranger, M. Mokbel a indiqué que son pari se base sur l'amitié que vouent les pays du Golfe et en particulier l'Arabie saoudite à l'égard du Liban, qui fera en sorte que le matériel militaire français reprendra son cheminement initial. Il a rappelé que l'Iran avait proposé plus d'une fois au Liban des aides militaires mais que nous avions refusé qu'elles se concrétisent tant que les sanctions internationales contre l'Iran n'auraient pas été totalement levées. Auquel cas le Conseil des ministres serait saisi de ces propositions.
(Lire aussi : Entre Riyad et Téhéran, le cœur des entrepreneurs libanais refuse de balancer)
Le ministre de la Défense a constaté que l'aide militaire américaine fournie actuellement au Liban permet à l'armée de garder sa combativité dans sa confrontation avec les organisations terroristes à notre frontière est. Il a rappelé que la prochaine livraison de matériel militaire US au Liban prévue dans trois mois comprendra des avions d'assaut « Super Tucano » destinés à la couverture aérienne des opérations offensives au sol.
On sait que des ministres européens de la Défense se réuniront la semaine prochaine à Vienne pour traiter de la question de la protection des aides humanitaires aux réfugiés syriens et de l'aide à l'armée libanaise, et que M. Mokbel a été invité à cette conférence. Le ministre a déclaré à cet égard qu'il ne répondrait à cette invitation qu'après avoir eu la certitude de résultats positifs et réels dans l'intérêt du Liban « car il nous faut, a-t-il dit, des gestes concrets d'autant que les besoins du Liban sont connus, et qu'il est inutile de les détailler encore une fois ». Le vice-Premier ministre a expliqué par ailleurs qu'il discutera de ce dossier le 24 de ce mois avec le secrétaire général de l'Onu, Ban Ki-moon, qu'il accueillera à Yarzé pour un déjeuner officiel.
M. Mokbel a demandé par ailleurs que l'armée soit mise à l'abri des querelles politiques, laissant entendre au passage que la troupe n'a pas vocation de protéger les convois de bennes à ordures, comme réclamé par certains, et que cette tâche devrait plutôt être confiée aux FSI.
Enfin, au sujet des prétendues divergences entre lui et le commandant en chef de l'armée sur les nominations au sein du Conseil militaire, le ministre a affirmé que ces allégations sont mensongères, puisqu'il avait lui-même signé le décret de ces nominations. Il a annoncé qu'il se rendra prochainement en Angleterre pour y discuter de l'aide militaire britannique au Liban, déjà entamée par l'édification de tours de contrôle et de surveillance des frontières est du pays.
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Chi va piano va sano ?
ANTOINE-SERGE KARAMAOUN
18 h 40, le 08 mars 2016