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Liban - Tourisme interne

La visite de Pharaon au Akkar, pour la randonnée de la LMTA, fait renaître les espoirs de développement

La marche annuelle du Lebanon Mountain Trail a démarré samedi du Akkar. Le ministre du Tourisme, Michel Pharaon, était présent pour mettre en valeur une région encore « délaissée » par l'État. Reportage.

Le ministre du Tourisme, Michel Pharaon, en tête de la marche.

Équipé d'un bâton de randonnée et chaussé de baskets, le ministre du Tourisme, Michel Pharaon, a inauguré, samedi, la marche lancée par l'association de Lebanon Mountain Trail (LMTA) dans le Akkar. Cette marche durera un mois. Elle parcourt le Liban du nord au sud sur 470 km, et vise à promouvoir le tourisme rural et la préservation de l'environnement naturel et archéologique.
Pendant deux heures, le ministre Pharaon et Hady Hobeiche, député du Akkar, ont parcouru les quelques kilomètres qui séparent le village de Andqet de celui de Kobeyate. Dans une atmosphère chaleureuse, détendue et conviviale, archéologues, spécialistes du tourisme durable et amateurs de randonnées ont eu tout le loisir de discuter avec les deux hommes politiques de questions liées au tourisme et à la protection de l'environnement dans la région.
La visite du ministre du Tourisme a représenté un événement dans cette partie nord du pays, à la limite de la Syrie et qui subit de plein fouet les conséquences de la crise syrienne. L'enthousiasme des villageois témoignait de la symbolique de cette visite, qui est une première dans le Akkar. La veille, vendredi soir, l'heure était aux festivités. Invité par le président du conseil municipal de Andqet pour un dîner officiel, le ministre Pharaon saluait l'initiative de l'association de randonneurs. Une occasion d'évoquer les richesses naturelles oubliées de la région et d'apporter pour la première fois des solutions à un tourisme durable.

Déclarations d'intentions
« La région du Akkar regorge de richesses, mais elle ne bénéficie pas d'une attention suffisante de la part de l'État », reconnaît Michel Pharaon devant l'assemblée attablée, composée de villageois, de parlementaires et de randonneurs. « Elle a pourtant un potentiel touristique gigantesque », insiste-t-il. Sous un tonnerre d'applaudissements, le ministre annonce le projet d'aménagement d'un parc national dans la vallée de Oudine, un projet réclamé depuis plusieurs années par les villageois et certaines ONG, dont la LMTA. Une façon de reconnaître « la formidable diversité du parc », qui se distingue notamment par la variété d'oiseaux qu'il abrite.
Interrogé par L'Orient-Le Jour, Michel Pharaon souligne que « le projet de l'association LMTA permet de mettre en évidence le besoin crucial de protection de l'environnement, mais également celui du développement touristique ». « La mission du département dont j'ai la charge est de mettre en valeur le potentiel touristique existant, pour un tourisme respectueux de la nature. Nous avons lancé dernièrement une stratégie sur cinq ans pour le tourisme rural, notamment dans le Akkar. Nous devons poursuivre sur cette voie », souligne M. Pharaon.

Une autoroute Tripoli-Akkar
Si la région a été délaissée, c'est en partie à cause de « l'insécurité », souvent « pointée du doigt par les médias », selon le ministre. « La sortie de Tripoli est un peu délicate et jugée dangereuse, mais elle a été en partie résolue avec le lancement du plan sécuritaire l'année dernière », observe-t-il. Michel Pharaon conclut en soulignant la nécessité d'œuvrer en collaboration avec les autorités locales et les députés « pour attirer les donateurs et les ONG ». Un avis partagé par Hady Hobeiche. Fier des richesses naturelles de sa région, le député note avec regret qu'elle est « trop éloignée du centre politique, Beyrouth », ce qui dissuade les acteurs économiques de participer à son développement. Pour y remédier, le parlementaire annonce la « construction d'une autoroute reliant Tripoli au Akkar ». D'un budget de « 140 millions de dollars », les travaux d'aménagement de l'autoroute seraient prévus pour début 2016. Cette nouvelle voie permettrait, selon lui, d'attirer les investisseurs « dans tous les secteurs, notamment industriel ».

Trésors cachés
Si cette visite d'un ministre représente « un début », elle n'est pas « suffisante », estime Gilbert Moukheiber, spécialiste du tourisme durable et fin connaisseur de la région. Rares sont en effet les Libanais qui s'aventurent dans l'extrême nord du pays. Le tourisme y est peu développé et la région trop méconnue par les étrangers. « Le Akkar est une région vaste et extrêmement riche en termes de capital naturel et archéologique, souligne Gilbert Moukheiber. La végétation couvre la zone qui s'étend de la côte à la montagne, et nous avons le devoir de protéger ces ressources naturelles. » Membre actif de la LMTA, Gilbert Moukheiber déplore qu'elle ne soit pas suffisamment mise en valeur. « Aucune promotion n'est faite pour mettre en valeur la région », poursuit-il, avant de dénoncer l'absence de « soutien au niveau des projets locaux et nationaux », qui valoriserait le potentiel de ce caza du Liban-Nord. « C'est le cas par exemple de la forteresse Akkar el-Aatiqa ou encore Wadi Johanar. C'est vraiment dommage », s'exclame-t-il.
Sa collègue, Alia Farès, est archéologue. Elle évoque le « manque de moyens financiers » pour la préservation des sites historiques. « La Direction générale des antiquités mais aussi les ONG peinent à préserver ces sites. La communication avec les municipalités s'avère parfois difficile », ajoute-elle. La spécialiste signale en priorité le délaissement des « églises historiques », dont la construction remonte au IVe siècle de notre ère. « Les habitants et les municipalités de la région ont besoin d'être conscients de la richesse que représentent ces sites archéologiques. » L'un d'entre eux a d'ailleurs été découvert « il y a trois ans seulement » par les autorités locales. Il s'agit du site de Mar Seba dont les ruines dateraient du IVe ou du Ve siècle après J.-C. et laissent deviner la forme de l'église romaine et les outils d'époque pour la fabrication de l'huile d'olive. « La protection du patrimoine passe par l'éducation, conclut Alia Farès. Il faut que les acteurs de la région organisent des marches pour faire connaître de près ce patrimoine, en commençant par y associer les premiers concernés : les villageois. »

Des légendes à nourrir
Si les villageois évoquent avec fierté la richesse de leurs terres, de leurs forêts de cèdres, de pins et de genévriers, ils regrettent l'émigration des jeunes vers le centre. Ils sont en effet de plus en plus nombreux à quitter leurs villages d'origine. « Il n'y a pas d'économie dans notre région. D'ailleurs, la plupart des soldats de l'armée sont originaires du Akkar », raconte le président du conseil municipal de Andqet, Omar Massoud, avant de préciser avec satisfaction que « 47 % de mon village est recouvert de verdure ».
Certaines initiatives, pourtant, sont bel et bien lancées. En témoigne cette belle histoire de l'église Mar Challita, à Kobeyate. L'origine de sa construction remonte à 363 de notre ère. L'histoire dit que c'est une femme volontaire qui l'a restaurée, « il y a une quinzaine d'années ». Priant Dieu pour qu'il guérisse son fils malade, elle lui promet de reconstruire l'église sur ses ruines s'il écoute ses prières. Son enfant miraculeusement rétabli, la mère se met au travail et rebâtit, avec l'aide de villageois, l'église romaine. C'est la dernière escale de Michel Pharaon qui regagne ensuite la capitale.
Les villageois du Akkar espèrent, eux, un nouveau souffle économique de la part de l'État et attendent une reconnaissance de la valeur historique de leur patrimoine. L'attention apportée par le ministre du Tourisme à la région leur donne une lueur d'espoir.

 

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