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Liban - Environnement

Plaidoyer pour une véritable gestion des forêts

La semaine forestière méditerranéenne vient de s'ouvrir à Barcelone, avec une idée phare : restituer aux sites forestiers leur vraie valeur, notamment économique et patrimoniale. Qu'en est-il du Liban ?

Un des panels de discussion.

C'est dans le magnifique bâtiment de l'Hôpital de la Santa Creu i Sant Pau, joyau architectural du début du siècle dernier, rénové et classé patrimoine mondial par l'Unesco, que s'est ouverte hier la quatrième semaine forestière méditerranéenne. Cet événement majeur se déroule tous les deux ans : il s'était soldé, en 2013, en Algérie, par l'adoption de la déclaration de Tlemcen, qui a assuré un cadre pour l'action en faveur des forêts, à l'intention des pays des deux rives de la Méditerranée.

Cet événement regroupe tous les acteurs concernés de près ou de loin par la préservation et la valorisation de la forêt méditerranéenne qui, malgré sa superficie relativement réduite, reste un sanctuaire de biodiversité. Le Liban y est représenté par des responsables des ministères de l'Agriculture et de l'Environnement, comme d'ONG civiles.
L'idée phare apportée par la première intervention de la conférence s'éloigne quelque peu du catastrophisme commun, malgré un constat sévère sur la situation actuelle. Ignazio Martinez de Arano, représentant l'Efimed, a noté un paradoxe central : le fait qu'on ne reconnaît plus aux forêts leurs principales valeurs, mais qu'on investit lourdement pour les sauver en aval, quand les incendies les ravagent. Il a plaidé pour une véritable gestion des forêts, notamment dans un contexte de changement climatique qui devrait affecter gravement la région méditerranéenne. Il ne s'agira pas seulement de protéger les forêts, mais de reconnaître leur rôle dans la mitigation des effets de ce changement par l'absorption du carbone entre autres.

Si les pays du nord de la Méditerranée souffrent de paradoxes, que dira-t-on des multiples problèmes qui crucifient la forêt libanaise : déboisement pour projets divers, incendies, chaos urbanistique...? Lors d'une intervention sur les actions du Liban depuis l'adoption de la déclaration de Tlemcen, Chadi Mouhanna, directeur du développement rural au ministère de l'Agriculture, a mentionné des projets financés par l'Agence allemande de coopération (GIZ) et par le Fonds français pour l'environnement mondial (FFEM), des projets régionaux implantés entre autres au Liban, où ils ont permis de rédiger une stratégie du ministère pour les années 2015-2019 et un tout nouveau programme national des forêts, tous deux inspirés des axes cités dans la déclaration.

Interrogé par L'Orient-Le Jour sur l'intérêt pour le Liban de faire partie de ce processus, et sur les raisons pour lesquelles il a cité en particulier ces deux projets régionaux pour illustrer les actions de son ministère, M. Mouhanna souligne que « ceux-ci ont permis de former une équipe jeune, qui a appris à sortir de son travail de routine, ce qui est très important pour la suite des projets ».
« Il faut savoir que même si les projets sont régionaux, il a fallu un effort national pour les attirer au Liban », poursuit-il. Il insiste beaucoup sur l'importance du nouveau programme national des forêts, un document-cadre qui était inexistant auparavant, actuellement financé par la GIZ, et qui inclut tous les acteurs concernés, notamment les autres ministères.

La coordination entre les ministères a toujours été perçue comme une faiblesse du système. « Cela est vrai, mais sans avoir comblé totalement cette lacune, nous avons fait des progrès », affirme-t-il. Georges Akl, directeur du département des ressources naturelles au ministère de l'Environnement, également présent au congrès, plaide lui aussi pour une coordination de plus en plus efficace, en vue de conférer un caractère plus durable à la protection nationale des forêts. Il note lui aussi une amélioration à ce niveau.

(Pour mémoire : Les réserves naturelles libanaises pour tous durant trois jours)

 

Interdiction ou gestion ?
La semaine forestière semble accorder de l'importance à la mise en valeur du potentiel, notamment économique, des forêts, pour parer à leur destruction. Pourquoi, au Liban, les forêts semblent-elles toujours en queue des priorités ? Comment faire pour en améliorer la gestion ? « Il n'y a pas de faute commise par quelqu'un en particulier, nous assumons tous notre part de responsabilité, répond Chadi Mouhanna. Je donne un exemple : dans les années 97-98, une loi interdisant l'abattage de tous les résineux a vu le jour. C'était pour protéger les cèdres entre autres. Elle a par le fait même interdit la coupe des pins brutia. Or les forêts de pins ont besoin d'être allégées de temps à autre, faute de quoi elles deviennent plus vulnérables aux incendies. L'interdiction, dans ce cas, a empêché la gestion. Qui, aujourd'hui, oserait demander une gestion différente des forêts de pins sans risquer de passer pour partisan de l'abattage ? » s'interroge Chadi Mouhanna.

Comment, justement, arrêter l'abattage dans les forêts existantes ? « D'un point de vue de la coupe, la situation n'est pas aussi alarmante qu'on le dit. En cas d'incendie, si la forêt est bien gérée, elle peut se régénérer. Le problème le plus grave réside dans les projets de construction et dans les verdicts laxistes prononcés par certains juges à l'encontre des contrevenants », explique-t-il.
« En bref, pour redonner à la forêt la valeur économique qu'elle a toujours eue, il faut pousser les gens à en tirer profit tout en préservant son équilibre. Voilà pourquoi nous avons commencé à promouvoir les produits forestiers non ligneux (pas le bois) comme le thym et autre », conclut-il.

(Pour mémoire : Chehayeb à « L'OLJ » : Les incendies de forêt menacent et la loi ne s'applique toujours pas)

 

Potentiel économique
Également rencontrée sur place, Sawsan Bou Fakhreddine, directrice générale de l'Association de développement et de conservation des forêts (AFDC), impliquée depuis longtemps dans la lutte contre les incendies de forêt, apporte un jugement plus sévère sur la situation. Elle stigmatise notamment un manque d'intérêt général, et officiel, à leur endroit. « Encourager l'entrepreneuriat pour donner une plus grande valeur aux forêts, cela pourrait marcher au Liban, dit-elle. Nous l'avons essayé à l'échelle de certaines municipalités comme Ramliyé (Aley) et d'autres. L'expérience a juste besoin d'être généralisée. Or rien ne peut être fait sans une base substantielle apportée par l'État et les ministères concernés, ce qui n'est souvent pas le cas. »

Selon Sawsan Bou Fakhreddine, les forêts au Liban, dotées d'une biodiversité remarquable, offrent un net intérêt économique par leur bois (à exploiter de manière durable évidemment), mais aussi par leurs produits non ligneux (pins pignons et autres). « Il faut cependant former les communautés qui les entourent, ainsi que les municipalités, à leur importance », dit-elle.

La semaine forestière méditerranéenne poursuit ses travaux jusqu'à vendredi. Au menu des discussions, des sujets divers tels que le financement, le climat, l'éducation, le genre, les produits forestiers...

 

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commentaires (1)

Effectivement, il vaudrait mieux gérer qu'interdire, surtout qu'une saine gestion est rentable financièrement. On sait d'ailleurs qu'au Liban, tout ce qui est interdit est autorisé, comme c'est le cas pour la chasse. Si l'abattage des arbres est vraiment interdit, comment se fait-il que dans toutes les forêts (prenons par exemple celle qui surmonte la baie de Jounieh), on plante des immeubles à la place des pins?

Yves Prevost

06 h 45, le 18 mars 2015

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Commentaires (1)

  • Effectivement, il vaudrait mieux gérer qu'interdire, surtout qu'une saine gestion est rentable financièrement. On sait d'ailleurs qu'au Liban, tout ce qui est interdit est autorisé, comme c'est le cas pour la chasse. Si l'abattage des arbres est vraiment interdit, comment se fait-il que dans toutes les forêts (prenons par exemple celle qui surmonte la baie de Jounieh), on plante des immeubles à la place des pins?

    Yves Prevost

    06 h 45, le 18 mars 2015

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