Les derniers martyrs tombés au cours de l'attaque israélienne de Kuneïtra seront enterrés aujourd'hui. Après la peine, vient la colère. Mais pour le Hezbollah, la vengeance est un plat qui se mange froid. Son objectif est de trouver le moyen de faire mal aux Israéliens, sans prendre le risque d'entraîner la région dans une nouvelle guerre. Il devrait donc s'agir d'une opération grave mais qui soit plus qu'une attaque et moins qu'une guerre.
La riposte du Hezbollah ne peut pas être de moindre importance que le coup qui lui a été porté et qui a provoqué la mort du fils spirituel de Hassan Nasrallah, Jihad Imad Moghnieh, mais aussi celle du chef militaire du secteur du Golan, qui avait pour mission de préparer les forces de la résistance populaire dans ce secteur. D'ailleurs, lorsqu'il a été atteint, le convoi des cadres du Hezbollah et du général iranien était à six kilomètres de la zone du Golan annexée par Israël et qu'il espère élargir en une zone tampon qui lui assurerait une plus grande sécurité en misant sur les habitants druzes de cette région.
Or, c'est justement ce projet israélien que le convoi du Hezbollah tentait de saboter en formant une résistance populaire dans la zone non occupée du Golan. Ce projet avait commencé il y a quelques mois déjà et il commençait à se concrétiser, alors que la résistance à partir du Golan n'attendait qu'un signe pour commencer. Le président syrien y avait fait allusion dans une des récentes entrevues, alors que le secrétaire général du Hezbollah en avait parlé assez clairement dans l'interview qu'il a accordée à la chaîne al-Mayadeen. Si l'attaque israélienne est certainement un coup dur, elle n'est toutefois pas de nature à bloquer un tel projet en préparation depuis des mois. Au contraire, l'agression israélienne ne fera qu'accélérer le début de la résistance à partir du Golan et les Israéliens pourraient revivre le cauchemar vécu pendant plus de 20 ans d'occupation du Liban-Sud avant d'être contraints de se retirer sans la moindre contrepartie en mai 2000. D'une certaine façon, on peut dire qu'en voulant créer « une bande frontalière pacifiée » dans le Golan dans le genre de celle qui existait au Liban entre 1978 et 2000, Israël a finalement réussi à élargir le champ de confrontation avec la résistance qui s'étend désormais de Naqoura sur la mer Méditerranée jusqu'aux confins du Golan et à la frontière jordanienne. Sans oublier Gaza puisque les unités Nasser Salaheddine (bras armé de la résistance populaire à Gaza) ont déclaré leur solidarité avec le Hezbollah à la suite de l'agression au Golan.
Les milieux proches du parti chiite estiment que désormais les choses ont le mérite d'être claires et que la confrontation indirecte, qui se déroulait en territoire syrien, a lieu maintenant directement, en territoire syrien. En même temps, l'attaque israélienne confirme, si besoin est, la collusion étroite entre les groupes de l'opposition syrienne et les Israéliens. On sait que 1 400 blessés du Front al-Nosra ont été soignés dans les hôpitaux israéliens, mais maintenant, les Israéliens ont franchi un pas de plus dans l'aide fournie aux combattants extrémistes de l'opposition syrienne, en frappant un convoi transportant des Iraniens et des cadres du Hezbollah. Il ne s'agit donc plus de raids assez fumeux visant en principe des convois d'armes non confirmés, mais d'une attaque en bonne et due forme, qui profite essentiellement aux groupes jihadistes.
Or, aujourd'hui, et depuis les tragiques attaques terroristes en France ainsi que le démantèlement de leurs cellules en Belgique et en Allemagne, l'Occident est lui aussi en guerre contre ces groupes. Certaines sources diplomatiques occidentales vont encore plus loin puisqu'elles estiment que selon les rapports des services secrets occidentaux, les seules forces armées capables de lutter contre Daech et ses semblables, ce sont l'armée iranienne, l'armée irakienne, l'armée syrienne et le Hezbollah. Par conséquent, à part le général israélien Ayalon, peu de responsables occidentaux posent encore la question de savoir ce que font les combattants du Hezbollah en Syrie. Au contraire, leur intervention fait désormais l'objet d'un silence complice.
Dans la même perspective, même le courant du Futur en général si prompt à critiquer le Hezbollah n'a que mollement réagi à la présence des combattants du parti au Golan. Il y a bien eu quelques voix pour rappeler qu'il faut savoir réellement qui décide de la guerre et de la paix au Liban, dans une allusion à la possibilité qu'une nouvelle guerre soit déclenchée à la suite de la riposte probable du Hezbollah... Mais sur fond de dialogue entre le Hezbollah et le courant du Futur, nul ne s'attend à ce que le débat s'envenime et qu'on en revienne aux tensions qui régnaient dans les rues sunnite et chiite il y a quelques semaines encore. Là aussi, le projet israélien de créer une nouvelle polémique entre les sunnites et les chiites au Liban, et de saboter le dialogue entamé entre le courant du Futur et le Hezbollah aura échoué. Avec beaucoup de sagesse (une fois n'est pas coutume) de la part de ses dirigeants, le Liban a visiblement dépassé la période où chaque camp faisait feu de tout bois contre l'autre. Le premier test a eu lieu lors du double attentat de Jabal Mohsen et le second se déroule actuellement avec les retombées et les réactions à l'attaque israélienne contre le convoi libano-iranien au Golan.
Pour mémoire
commentaires (12)
MOINS QU'UNE HABITUDE ! PLUS QU'UNE HÉBÉTUDE !
LA LIBRE EXPRESSION
09 h 44, le 25 janvier 2015