Le dernier livre de Georges Malbrunot, Les chemins de Damas (qu'il a cosigné avec Christian Chesnot) est un véritable document, tant il contient de révélations sur la politique française en Syrie, son cafouillage et ses erreurs, ainsi que ses paris perdants sur une chute imminente du régime syrien. Le dossier libanais y est aussi évoqué, notamment l'affaire Hariri et l'insistance du président de l'époque Jacques Chirac à accuser la Syrie. Si le contenu de ce livre peut séduire un camp politique au Liban et en Syrie, tel n'est pas l'objectif des auteurs qui ont voulu simplement se pencher sur les relations franco-syriennes, complexes et tourmentées, mais qui ont aussi connu des périodes d'éclaircies, avant de sombrer dans « un aveuglement » sur la capacité du régime syrien à se maintenir en place.
Sans complaisance, les auteurs ont mené une enquête minutieuse et se sont basés sur des documents inédits pour raconter comment le Quai d'Orsay s'est laissé entraîner dans une politique « jusqu'au-boutiste » avec le régime syrien, en dépit de l'avis des Français qui étaient sur place en Syrie, notamment l'ambassadeur Éric Chevalier. Ce livre a sans doute déplu dans certains milieux du pouvoir en France et, selon Georges Malbrunot, il n'a pas été très commenté dans la presse française, mais il a quand même fait un tabac en France et au Liban.
Georges Malbrunot raconte que l'idée de ce livre est venue au printemps 2013, après le succès du précédent ouvrage des deux journalistes sur le Qatar (Le vilain petit Qatar). « Il s'agissait, dit-il, de voir comment les relations entre la France et la Syrie sont passées de l'amour à la haine. Certes, ces relations ont souvent été tourmentées, mais la France s'est quand même beaucoup trompée, bien que des voix en France s'opposaient au diagnostic officiel et appelaient à faire preuve de pragmatisme. Nous voulions donc essayer de comprendre les raisons de ce déni de la réalité ». Selon Malbrunot, il s'agissait essentiellement au départ, pour le Quai d'Orsay et pour le pouvoir en général, de faire oublier l'échec en Tunisie et en Égypte ; ensuite, la France voulait faire plaisir au Qatar et à l'Arabie saoudite, sans vouloir comprendre que la Coalition nationale syrienne était frappée « d'une malformation congénitale, due à l'influence prédominante des Frères musulmans ».
Malbrunot avait déjà eu une expérience en ce sens avec la mort du caméraman de France2 Gilles Jacquier, dont on avait accusé le régime alors qu'il avait eu une information qui disait qu'il avait été tué par erreur par les forces de l'opposition à Homs. Il avait publié d'ailleurs un article dans Le Figaro qui avait causé un choc dans les médias français tant il allait à l'encontre de ce qui se disait. Il a fallu attendre six mois pour que les SR français confirment cette information. « Ce n'était pas politiquement correct de dire cela en janvier 2012 », précise aujourd'hui Georges Malbrunot qui note qu'il y a un effet de miroir entre la presse et le Quai d'Orsay. De son côté, il considère que lorsqu'il a une information « en béton », confirmée et recoupée, son devoir est de la publier, même si elle « n'est pas politiquement correcte. C'est ce que font d'ailleurs de grands spécialistes du terrain comme Samy Ketz, Patrick Coburn, Robert Fisk, bref ceux qu'on appelle les anciens. Nous pressentions qu'il y aurait une exception syrienne et que la Syrie ne sera pas comme la Tunisie ou l'Égypte. Mais les autorités ne voulaient rien entendre. Même les spécialistes de la Syrie comme le général Philippe Rondot ou Jean Claude Cousseran n'ont pas été consultés ». « Les responsables français ne voulaient pas voir la réalité, dit encore Georges Malbrunot. Ils étaient dans le dogme et dans l'irréalisme politique, selon le mot de l'ancien ministre des Affaires étrangères Hubert Védrine. C'est un peu le moment néoconservateur que nous vivons près de dix ans après les États-Unis. »
Malbrunot affirme que ce livre n'est nullement un règlement de comptes, mais une enquête poussée et bien documentée pour essayer de comprendre pourquoi la France s'est tellement trompée sur le dossier syrien, surtout que, selon des dépêches de WikiLeaks datant de 2010, la France avait un accès unique au régime syrien. « Elle aurait donc pu agir au lieu de souffler sur les braises. Il fallait donc tenter avec les Russes et les Iraniens une médiation pour obtenir des réformes moyennant la sécurité pour Assad et sa communauté. Mais Fabius a même menti aux Russes, dans le cadre de Genève 1 en 2012, car la France à l'époque était contre la solution politique, croyant que le régime allait tomber... La politique française sur le dossier syrien a donc été un véritable fiasco car la France a en quelque sorte sous-traité le dossier au Qatar, lequel envoyait de l'argent à Istanbul pour pousser les membres de l'opposition à former des groupes armés ayant une connotation islamique. Au point qu'aujourd'hui, une partie des membres de la CNS appuie Daech. Par exemple, les Américains ont été plus perspicaces. Ils ont rapidement vu l'axe jihadiste entre Fallouja, Homs et Alep... » Pour Malbrunot, la France est actuellement dans une impasse sur le dossier syrien. Elle a été trop loin pour pouvoir reculer. Mais on commence à dire qu'il faut garder la structure du régime. « Il y a bien eu une tentative d'ouverture avec la visite en 2013 d'une délégation française chez Ali Mamlouk, mais elle a été éconduite. »
Selon Malbrunot, le dossier syrien est géré comme un dossier de politique interne, c'est-à-dire avec émotion. « Maintenant, la France lance l'idée des frappes ambiguës, mettant Bachar el-Assad et Daech sur le même plan. Pourtant, il est faux d'affirmer que c'est Bachar qui a créé Daech. Cette organisation est née en Irak et Bachar l'a instrumentalisée... »
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Pour mémoire
commentaires (13)
Ils ont autres choses à faire que de biaiser comme ils le font généralement si bien car, pour eux, être "journaleux", c’est exprimer juste une banale opinion rien de plus. Mais la différence entre des jugements de valeur, ce n’est pas leur auteur n'est-ce pas, mais leur substance. Et rien ne saurait troubler leur parfaite félicité, au moment de leur indépassable et inénarrable passage au devant de l’actualité. Ce contentement permanent hyper béat leur joue d’ailleurs souvent plein de mauvais tours. Ainsi, quand certains Niais s’interrogent sur le bien-fondé d’être quelqu’un de Sain, ils réagissent avec de grands éclats de rire ! Il ne leur passera jamais à "l’esprit?, l’idée!" d’admettre qu’ils auraient dû se faire violence et réagir en tant que "Journalistes" ! Et loin de quiconque l’idée de les accabler, mahééék. Chez eux, l’autopromotion sans complexe ne dure que le temps d’une simple éternité, et qui ne s’arrête que quand les lumières auraient fini par s’éteindre. En général, les journaleux pourront sans crainte continuer l'autopromotion sur et dans des sortes de "Papiers?", pour y présenter en toute quiétude des produits de très moyenne qualité. Aucune remarque impertinente ne viendra perturber leur publicité. Heureusement pour les éléments Sains du reste de la population indigène, il reste Internet où, pour le meilleur et pour le pire, personne n’hésite par contre à donner son Sain avis ; "hygiénique", lui !
ANTOINE-SERGE KARAMAOUN
18 h 08, le 09 décembre 2014