À six jours de la fin du mandat présidentiel, la « peur » du vide, exprimée avec de plus en plus d'insistance par le 14 Mars, pourrait motiver deux scénarios dans les prochains jours : l'appui à la candidature du chef du Courant patriotique libre, le général Michel Aoun, que finirait par lui concéder le leader du Futur ; ou l'entente sur un candidat qui préserverait « les constantes nationales du 14 Mars », tout en parvenant à obtenir l'aval du 8 Mars.
Le 8 Mars s'étant abstenu jusque-là de nommer un candidat, son action sur le dossier de la présidentielle peut se résumer par les points suivants : l'attente patiente du CPL des résultats de l'ouverture qu'il a initiée avec l'ancien Premier ministre Saad Hariri ; les réactions virulentes, instrumentalisant une mémoire sélective, contre la candidature du leader des Forces libanaises, Samir Geagea, et enfin, le silence marqué du Hezbollah, quand bien même « il soutiendrait dans les coulisses la candidature de Michel Aoun », comme le révélait Samir Geagea hier.
Un silence entrecoupé des rappels ponctuels, mais fermes, comme celui du chef du bloc du Hezbollah, le député Mohammad Raad, sur « l'obligation » pour le prochain président de la République de protéger la résistance et d'honorer le triptyque qui la consacre, pourtant abandonné par le président Michel Sleiman.
Les deux scénarios envisageables donc pour éviter le vide conduisent d'abord à mesurer le degré exact où se trouveraient aujourd'hui les chances du chef du CPL auprès de Saad Hariri. « Aujourd'hui, les chances de Michel Aoun sont négatives », assure un député du 14 Mars à L'Orient-Le Jour, sans toutefois rejeter l'ouverture en direction du CPL, qui a permis jusque-là de marquer des avancées positives pour le pays, notamment au niveau du gouvernement, des plans sécuritaires et des nominations. À cette position constante du Futur s'est ajoutée, à l'issue de l'entretien Hariri-Geagea à Paris, une insistance sur la solidarité avec l'allié chrétien sur la présidentielle, soudée par les valeurs du 14 Mars.
L'entretien, qui a eu lieu en présence du chef du bloc du Futur Fouad Siniora, aurait abouti à un plan interne au 14 Mars sur le dossier présidentiel, selon des milieux du Futur. La teneur des échanges a été rapportée par Samir Geagea lors d'une conférence de presse qu'il a tenue hier dans la capitale française. Celui-ci a expliqué avoir examiné avec son interlocuteur toutes les options envisageables pour éviter le vide, dont la candidature du général Michel Aoun. « Celui-ci s'est présenté comme un candidat consensuel, mais arrêtons-nous donc un instant pour évaluer sa qualité de candidat consensuel. C'est ce que nous avons fait avec le président Hariri, et j'avais un point de vue très objectif sur la question », a déclaré Samir Geagea, avant de contester le consensualisme invoqué par Michel Aoun comme une assise de sa candidature. « Comment le général Aoun peut, après avoir exercé pendant neuf ans une politique diamétralement opposée (au 14 Mars, ndlr), devenir soudain un candidat consensuel ? », s'est-il demandé.
Alors que certains médias ont déformé ces propos, leur ajoutant un détail selon lequel Saad Hariri aurait avancé la candidature consensuelle de Michel Aoun, avant que Geagea ne la rejette, le bureau de presse des FL a immédiatement diffusé le contenu audiovisuel de la conférence démontrant que rien n'a été mentionné sur un quelconque appui de Saad Hariri à Michel Aoun.
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« Le Futur ne donnera jamais de réponse à Michel Aoun », a affirmé à L'OLJ Nabil de Freige, qui a appelé le CPL à donner des réponses sur la politique qu'il envisage et sa position sur les armes du Hezbollah et les accords de Taëf. En même temps, « nous ne suspendons pas le dialogue, au contraire. Mais il faut comprendre qu'il existe des conflits très anciens qui ne peuvent prendre fin du jour au lendemain. Il faut du temps pour bâtir la confiance ».
De son côté, le député du bloc du Changement et de la Réforme, Alain Aoun, évoque lui aussi la nécessaire lenteur du processus. « Rien ne presse », affirme-t-il à L'OLJ. Le vide nourrirait donc les espoirs que les échanges avec le Futur aboutissent. « Nous n'avons pas de stratégie de vide », répond-il, précisant qu'aucun consensus entre les parties chrétiennes n'a pu être obtenu jusque-là sur un nom précis. Si le camp aouniste répétait hier que « nul candidat n'est capable aujourd'hui de recueillir la majorité absolue des voix au Parlement », il tend à amoindrir les chances d'un candidat qui ne soit pas polarisé, dont le nom serait propice au consensus. « Pour l'instant, nous avons notre candidat, s'ils ont un nom à proposer, qu'ils le fassent », déclare-t-il.
Le rejet par Samir Geagea de la candidature « faussement consensuelle » de Michel Aoun, appuyé samedi par « le lapsus » du chef du Front de lutte nationale lors de la réconciliation de Brih, a conforté une approche à laquelle faisait déjà allusion certains députés du Futur. Selon ces députés, Saad Hariri refuserait de se laisser prendre à la situation d'embarras où voudrait le placer le 8 Mars en l'incitant à refuser la candidature de Michel Aoun.
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Sur ce point, Alain Aoun est catégorique : « C'est de Saad Hariri que nous voulons entendre la réponse. Les positions de Samir Geagea et de Walid Joumblatt étaient prévisibles. » Qu'est-ce qui adviendrait si la réponse s'avère négative ? « Je ne répondrai pas à des questions hypothétiques, mais chaque étape a son influence, positive ou négative. L'étape de la présidentielle est très importante à ce niveau », répond le jeune député.
Alors que le Futur a déclaré son appui à Samir Geagea jusqu'au 25 mai, des noms de candidats acceptables par tous continuent d'émerger. Dans l'attente que ces noms soient officialisés, le CPL maintiendra son boycottage des séances électorales, la prochaine séance étant prévue jeudi. « Nous ne nous rendrons au Parlement que si de nouvelles données émergent », a réaffirmé hier Alain Aoun, rompant avec la volonté exprimée par certains de ses collègues de se rendre au Parlement jeudi afin d'honorer leur engagement à Bkerké.
Alors que l'ambassadeur US mettait en garde contre les conséquences du vide, « à l'heure où la communauté internationale est disposée à aider le pays à surmonter ses crises », le Premier ministre a entamé sa visite de deux jours en Arabie saoudite, où il a été reçu à dîner par Saad Hariri. Il a veillé à situer sa visite loin de la présidentielle, insistant sur l'aide saoudienne à l'armée.
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commentaires (10)
Il faudra en fin de compte que les chretiens se detournent un peu des propositions allechantes venues des pays du golfe qui ignorent tout de ce que le mot democratie veut dire . Ils doivent s'ancrer solidement au sol libanais , et ca , ca a un prix inquantifiable !
FRIK-A-FRAK
16 h 04, le 20 mai 2014