Des centaines de personnes, venues des quatre coins du Liban, ont répondu hier à l'appel d'Offre-Joie et se sont retrouvées place du Musée pour exprimer leur désir de vivre en paix.
« Plus jamais un 13 avril, et que ça soit exprimé haut et fort », a dit Melhem Khalaf, responsable de l'ONG organisatrice de la manifestation devenue annuelle.
Le programme ne devait commencer qu'à 16 heures, mais dès 15h20 la musique a retenti devant les marches du musée avec « Bhebbak ya lebnan » de Fayrouz, comme pour annoncer l'ordre du jour.
Il y avait là des familles et des promeneurs du dimanche, les uns venus munis de drapeaux et de pancartes, les autres, de passage, sont restés en voyant la foule se rassembler.
Avec pleins de ballons multicolores, une musique entraînante et des jeunes qui se coloriaient le visage en y inscrivant des mots tels que « paix », l'ambiance était davantage celle d'une kermesse plutôt que d'une manifestation.
Depuis vendredi, deux énormes affiches pendaient du haut du musée avec un seul mot, « Bikaffé » ( « Ça suffit ») et encadraient le drapeau libanais.
Le rassemblement témoignait de ses origines diverses. La foule était composée de jeunes et de moins jeunes, dont bon nombre était vêtu de tee-shirts blancs avec le logo d'Offre-Joie : une colombe blanche avec le cèdre libanais en son sein.
Femmes voilées, hommes druzes se distinguant par leurs coiffes traditionnelles, un groupe d'handicapés venus de Tripoli, bambins aux cheveux bruns, blonds ou roux, dont certains au visage poussiéreux et aux habits tachés de sable : tous sont venus exprimer leur opposition à tout ce qui peut entraîner une guerre.
(Dans nos archives : 31 morts hier à Aïn el-Remmaneh)
Break dance et rap
Sur la petite centaine de tabourets soigneusement arrangés sur les marches du musée, les couleurs libanaises sont scotchées. En face, les drapeaux portés par une foule, qui croit à chaque minute qui passe, virevoltent. Mais il n'y a pas que le drapeau libanais, place du Musée : étudiants, bénévoles, troupes de scouts et ONG brandissent leurs étendards et écriteaux qui montrent le rôle qu'ils assument dans leurs communautés respectives.
Ici et là, un prêtre, un imam, une religieuse. Tout autour, rires et embrassades sont de rigueur.
Tambour battant, la fanfare d'al-Makassed ouvre la manif et ne s'arrête que pour céder la place à Jahida Wehbé qui entonne l'hymne national. « C'est ce qu'on fait tous les matins aux chantiers ou en colonie », affirme Clara Fabre, une bénévole française auprès d'Offre-Joie.
(Voir dans nos archives ici aussi)
La musique reprend. La foule frappe des mains en unisson. Puis c'est au tour des jeunes de s'exprimer. Sept écoliers se relaient sur la tribune pour lire des mots qu'ils ont écrits pour l'occasion, chacun terminant son discours par le refrain « mets ta main dans ma main, pour que le Liban puisse durer ».
Ils sont suivis d'un groupe de break dance, puis d'un autre de rap. « One Voice Team » présente une chanson sur le thème « Bikaffé », vêtus de tee-shirts noirs avec l'inscription « Waja3né ».
« Apprenons du Christ en ce dimanche des Rameaux », a commenté le père Souheil Saoud de l'Église évangélique. « Il a pris des décisions difficiles, mais elles avaient toutes pour but la paix. Écoutez-le, car Jésus n'était pas entré à Jérusalem sur un cheval, animal de guerre. Il nous est venu sur un âne », a-t-il ajouté.
Jeunes et moins jeunes, civils et hommes religieux, tous répétaient un même message commun : « Le Liban est une démocratie : qu'il y ressemble ! »
Cheikh Ali Bitar, l'imam de la mosquée de Basta Tahta, a partagé l'estrade avec cheikh Mohammad Iyad de Khandak el-Ghamik. « Nous aimons ce Liban », a dit cheikh Bitar « et nous continuerons d'y vivre, musulmans, chrétiens, et de toutes appartenances religieuses », a-t-il ajouté avec ferveur.
Quatorze représentants de différentes communautés religieuses, musulmanes et chrétiennes, entonnent d'une même voix une bénédiction en faveur de la paix.
La foule entame ensuite la marche annuelle, encadrée par les forces de l'ordre. Elle longe la rue de Damas et traverse le quartier Sodeco, pour se diriger enfin vers le Parlement.
Cinq enfants et deux jeunes déposent sur les marches du Parlement une couronne de fleurs, avec ces mots : « Bikaffé », ça suffit : « la haine », « les conflits », « l'égoïsme », « le désespoir », « la violence », etc.
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commentaires (4)
Beau folklore libanais dans un pays qui manque de patriotisme et surtout du sérieux.
Sabbagha Antoine
14 h 43, le 14 avril 2014