Assez ! Tous les ans, à la même date, c'est le même cri que s'époumonent à faire entendre les derniers des résistants libanais, ceux qui font de leur colère un devoir de mémoire. Mais tous les ans, à la même date c'est le même cri qui tombe dans l'oreille de sourds, qui se perd dans le vacarme des vociférations.
Assez ! De 13 avril en 13 avril, d'un dimanche fatidique en 1975 à celui d'hier, tout en points d'interrogation, 39 années se sont écoulées mais c'est le même déni qui obstrue les fenêtres de l'espoir, qui claquemure l'intelligence, c'est la même hargne qui perpétue les antagonismes et approfondit les gouffres de l'incompréhension.
Et pourtant, en manifestant tous les ans, en multipliant les gestes de totale abnégation, en essayant à chaque commémoration annuelle de secouer les consciences, l'association Offre-Joie réussit une gageure : empêcher que l'amnésie ne recouvre la culpabilité collective de la chape de l'oubli. Qu'elle en soit donc remerciée, mille fois remerciée pour cette goutte d'eau puisée dans le désert des cœurs, pour le rappel de toutes les aberrations, de toutes les haines qui ont conduit à un suicide librement consenti.
Le « Cela suffit » d'Offre-Joie cible la violence, le confessionnalisme, le sectarisme, mais le slogan omet de dire que la haine et le mensonge changent chaque jour de visage et réussissent ainsi à se jouer de toutes les tentatives de conciliation, de tous les efforts d'apaisement.
Hier, c'était l'antagonisme islamo-chrétien, le « palestinianisme » conquérant, aujourd'hui c'est la fracture au sein des mêmes groupes confessionnels, c'est le réveil des haines ancestrales entre chiites et sunnites, une plongée dans les bas-fonds de la bêtise, un affrontement qui se règle à coups de voitures piégées et dans de nouvelles « guerres de libération », celles qui se déroulent non pas aux frontières d'Israël mais dans des arènes ensanglantées, sur les cadavres de dizaines de milliers de Syriens.
« Plus jamais ça » : un cri réitéré tous les ans, repris en chœur par ceux qui y croient encore. Mais au fil des ans le Pacte originel s'est délité et au vivre en commun s'est substitué le mot coexistence : garder ensemble des gens qui ne se comprennent plus et qui à la première occasion se tirent des balles entre les pattes. Les protagonistes changent, les causes demeurent : inculture, corruption, inféodation à des agendas dictés de l'extérieur.
Et en toile de fond, la même classe politique, les mêmes privilèges, les mêmes batailles homériques pour préserver les spécificités communautaires des uns et des autres. À défaut de se battre on se tourne alors le dos et on ne se rabiboche que pour proroger les mandats, que pour garantir les mêmes emprises sur les mêmes dindons de la farce.
Floués et heureux de l'être : il suffit d'attiser les instincts immémoriaux, ceux qui remontent à la nuit des temps, et le tour est joué. Et pour calmer les ultimes ardeurs, on gratifie les derniers contestataires de pourboires puisés dans leurs propres poches. Très pompeusement, cela s'appelle réajustement des salaires !
Mais que les « disciples » d'Offre-Joie ne désespèrent pas : dans leur besace le devoir de mémoire va peser de plus en plus lourd, les griefs aussi...
Assez ! De 13 avril en 13 avril, d'un dimanche fatidique en 1975 à...
commentaires (5)
Il faut commencer par avoir honte....avant d'aller plus loin...
CBG
04 h 00, le 15 avril 2014