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À La Une - Polémique

"Qu'est-ce qu'ils imaginent? Que les lions mangent des choux de Bruxelles ?"

Les Danois agacés par la polémique autour du sort réservé au girafon du zoo de Copenhague.

Le public assiste à la dissection, le 9 février 2014, de Marius, le girafon abattu sur décisions des responsables du zoo de Copenhague. REUTERS/Kasper Palsnov/Scanpix Denmark

Les internautes danois se montraient agacés lundi sur Twitter par la vague d'indignation mondiale ayant suivi l'euthanasie d'un girafon, Marius, au zoo de Copenhague pour des raisons génétiques. Pour de nombreux Danois, cette réaction du reste du monde est hypocrite et politiquement correcte.

 

Parce qu'il n'avait pas un patrimoine génétique intéressant, Marius, girafon d'un an et demi, a été euthanasié dimanche au zoo de Copenhague, malgré la colère des amoureux des animaux. L'Association européenne des zoos et aquariums (EAZA) a jugé qu'il risquait d'engendrer des girafes consanguines.
L'animal, bien qu'en parfaite santé, a été exécuté avec un pistolet d'abattage, avant une autopsie à laquelle ont assisté des visiteurs, dont des enfants. L'animal a fini dépecé devant les caméras des médias danois, pour nourrir les fauves.

 

 

 


"Le monde entier est devenu dingue. Qu'est-ce qu'ils imaginent? Que les lions mangent tous les jours sans festin comme Marius ? Qu'ils mangent des choux de Bruxelles ?", écrivait un journaliste du quotidien de référence Politiken, Kristian Madsen.
"Marius a eu un bon endroit pour vivre au zoo pendant un an et demi. Il a vécu, et maintenant les lions sont heureux aussi et rassasiés", jugeait Mikkel Dahlqvist, un consultant en relations publiques.
"Comment les gens peuvent-ils se mettre dans des états pareils alors que le cancer, la guerre en Syrie et le Parti populaire danois [opposé à l'immigration, ndlr] existent toujours ?", s'interrogeait, pour sa part, Dorte Dejbjerg Arens, une responsable de projet dans le tourisme.
Certains étaient moins cléments encore. "Je suis végétarien depuis plus de 10 ans. J'ai rarement eu autant envie de manger de la viande que ce week-end", confiait ainsi Sune Blom, président des supporters du club de football de Brøndby.

 

"Disneyïfication" des zoos
Le peu d'émotion au Danemark face à la scène de ce girafon autopsié peut s'expliquer par des raisons culturelles, dans ce pays à forte tradition d'élevage, explique à l'AFP Peter Sandøe, professeur de bioéthique de l'université de Copenhague. "Le sentiment général ici est qu'il est normal d'avoir et de tuer des animaux tant qu'on les traite bien", a-t-il relevé, rappelant la faiblesse relative du militantisme en faveur des animaux dans ce pays.
Il a critiqué la "Disneyïfication" des zoos, où la mortalité des bébés animaux est très faible comparé à celle de leurs congénères sauvages. "On donne cette image très romantique des animaux (représentés) comme des gens recouverts de plumes ou de poils", a-t-il regretté.

Pour M. Sandøe, le zoo de Copenhague, en refusant de castrer ou de donner des contraceptifs à ses animaux, n'a pas perdu de vue que le rôle d'un zoo est de préserver des espèces plutôt que des individus et de contribuer à la connaissance de la vie sauvage. "Je pense que le zoo de Copenhague est en pointe dans ce domaine parce qu'en faisant cela il [imite] la vie naturelle des animaux", a-t-il estimé.


Lundi, le zoo de Moscou a été le premier à ouvertement condamner l'euthanasie de Marius. "Nous ne partageons pas une telle approche de la conservation des animaux. (...) Nous considérons que cette méthode de sélection est extrêmement cruelle", a-t-il écrit sur sa page Facebook.


Le zoo de Copenhague n'est pas le premier à montrer des autopsies d'animaux. Le musée d'histoire naturelle d'Aarhus a l'habitude d'en organiser pendant les vacances scolaires. Il a indiqué à Politiken qu'il offrait cette semaine de voir la dissection d'un raton-laveur, d'un blaireau et d'une antilope, ce qui attire 7.000 à 8.000 visiteurs en général, a-t-il indiqué à Politiken.


"C'est toujours le droit des gens de protester. Mais bien sûr nous avons été étonnés", a souligné le porte-parole du zoo de Copenhauge, Tobias Stenbaek Bro. Il a ajouté que des membres du personnel du zoo avaient reçu des menaces de mort, notamment le directeur scientifique Bengt Holst qui "a reçu un appel de ce genre au milieu de la nuit" de samedi à dimanche.


Le zoo avait longuement expliqué sur son site internet mercredi, en danois, qu'il n'avait pas d'autre choix que de ne pas laisser le girafon devenir adulte. Dimanche, il a traduit ce plaidoyer en anglais. "Nous ne sommes pas propriétaires des animaux (...) Nous devons donc suivre les directives de l'EAZA" qui est le véritable propriétaire, a précisé M. Stenbaek Bro.
Les autres solutions que l'euthanasie ont été écartées: la castration, jugée plus cruelle et qui aurait "des effets indésirables", et la réintroduction dans la nature, processus qui a peu de chances de réussir et qui, dans le cas des girafes, n'est pas souhaité par les pays africains.

 

Après l'euthanasie, beaucoup se disaient choqués que le zoo de Copenhague ait refusé son transfert.
Le parc animalier du Yorkshire à Doncaster (Angleterre), membre de l'EAZA, a indiqué à l'AFP avoir contacté en urgence samedi ses collègues danois pour proposer d'adopter Marius, mais ne pas avoir reçu de réponse.
En septembre 2012, un girafon du même âge à peu près, Palle, avait pris un ferry de Copenhague à Kingston upon Hull pour aller vivre dans ce même zoo, où l'on peut toujours le voir.

Interrogé par Expressen, un responsable de l'Association des zoos suédois, Jonas Wahlström, a dit comprendre l'euthanasie, mais s'étonner du sort réservé à la dépouille. "Si on annonçait ça dans les zoos suédois, je crois que le personnel se ferait presque lapider", a-t-il estimé.

 

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