C’était il y a deux ans, quelques mois et quelques jours. Chaque jour compte désormais et se vit comme un cadeau. Beyrouth, avant sa guerre, était déjà bavarde, roublarde et frénétique. Durant les années 70 et 80 de sinistre mémoire, elle portait le deuil le jour et s’adonnait la nuit à des fêtes fébriles. Les Libanais réinventaient le concept des réjouissances contre l’angoisse et des basses contre les obus de mortier. Mais Damas, ce double inversé de la capitale libanaise, aussi confinée que Beyrouth est ouverte, aussi calme et raisonnable que Beyrouth est folle, aussi méfiante que Beyrouth est provocante, Damas, dans sa guerre, était programmée pour souffrir en silence. Il faut croire que non. Quelque chose a changé. Les guerres vous changent. On rapporte que désormais, dans le bruit sourd des canonnades, là-bas les gens dansent et boivent la nuit venue. Ils dansent leurs angoisses et scandent leurs terreurs. Ils dansent pour se rassurer, pour rattraper toutes les années où ils n’ont pas dansé et ils clament qu’ils « aiment la vie ». Ça aussi, on croyait l’avoir inventé. Comme si les guerres, dans les longues agonies qu’elles imposent, avaient obligatoirement la vertu de vous faire aimer la vie, de cet amour hystérique et libanais. La vie la nuit. L’Orient n’a pas fini d’adorer.
Nuits d’Orient
OLJ / Par Fifi ABOU DIB, le 19 septembre 2013 à 00h26
C’était il y a deux ans, quelques mois et quelques jours. Chaque jour compte désormais et se vit comme un cadeau. Beyrouth, avant sa guerre, était déjà bavarde, roublarde et frénétique. Durant les années 70 et 80 de sinistre mémoire, elle portait le deuil le jour et s’adonnait la nuit à des fêtes fébriles. Les Libanais réinventaient le concept des réjouissances contre l’angoisse et des basses contre les obus de mortier. Mais Damas, ce double inversé de la capitale libanaise, aussi confinée que Beyrouth est ouverte, aussi calme et raisonnable que Beyrouth est folle, aussi méfiante que Beyrouth est provocante, Damas, dans sa guerre, était programmée pour souffrir en silence. Il faut croire que non. Quelque chose a changé. Les guerres vous changent. On rapporte que désormais, dans le bruit sourd des canonnades, là-bas les gens dansent et boivent la nuit venue. Ils dansent leurs angoisses et scandent leurs terreurs. Ils dansent pour se rassurer, pour rattraper toutes les années où ils n’ont pas dansé et ils clament qu’ils « aiment la vie ». Ça aussi, on croyait l’avoir inventé. Comme si les guerres, dans les longues agonies qu’elles imposent, avaient obligatoirement la vertu de vous faire aimer la vie, de cet amour hystérique et libanais. La vie la nuit. L’Orient n’a pas fini d’adorer.
Superbe description des deux villes!
13 h 27, le 19 septembre 2013