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Liban - Tragédie

La terreur frappe deux mosquées sunnites à Tripoli lors de la prière du vendredi

Deux attentats à la voiture piégée à Tripoli ont dévasté en même temps hier une mosquée sunnite des classes populaires et une autre fréquentée par les responsables politiques et les notables de la ville. Ces derniers craignent que le crime ne rallume les conflits interminables entre Bab el-Tebbané et Jabal Mohsen. Le bilan est particulièrement lourd.

Dans les yeux de ce Tripolitain, il y a la détresse de tous les Libanais. Et quelques minutes à peine après la double explosion, ces Libanais ont eu droit, pour une énième fois, à la sempiternelle litanie de condamnations d’une classe politique unanime juste quand le sang coule. On retiendra de tout cela les appels frénétiques à la retenue lancés par tous les leaders tripolitains et la prophétie d’il y a sept mois d’Achraf Rifi, qui a affirmé hier que « ça ne fait que commencer »... Photo Mohammad Azakir/Reuters

En qualifiant l'attentat de Roueiss, avec ses 27 victimes, du crime le plus meurtrier depuis la guerre civile, les médias et responsables libanais s’étaient prononcés un peu trop tôt. Le sinistre record n’a en effet pas tardé à être pulvérisé, dans un double attentat à la voiture piégée à Tripoli, la capitale du Liban-Nord déjà secouée par des heurts fréquents depuis le déclenchement de la crise syrienne. Au total, 42 personnes, selon un dernier bilan en soirée, ont été tuées et 500 ont été blessées. Il s’agit bel et bien de l’attaque la plus sanglante depuis la fin de la guerre civile en 1990. Beaucoup de blessés se trouvent « dans un état grave en raison de brûlures et de blessures à la tête », a indiqué hier Georges Kettané, directeur des opérations à la Croix-Rouge libanaise.


Les deux explosions se sont produites à quelques minutes d’intervalle devant deux mosquées sunnites de la ville distantes l’une de l’autre d’environ deux kilomètres. Dans la grande ville portuaire du Liban-Nord, les déflagrations ont visé un lieu de culte sunnite dans le centre et une autre près du port, un vendredi, jour de prière hebdomadaire. Il est clair que les auteurs des attentats ont voulu faire le plus grand nombre possible de victimes, en visant les fidèles à leur sortie des mosquées, à une heure de pointe.

 

Carte réalisée par Elie Wehbé

 

Des images prises par les caméras de surveillance au moment des explosions montrent les fidèles écouter la prière dans la mosquée avant d’être interrompus par le souffle énorme de l’explosion suivie d’un mouvement de panique avec des gens courant dans tous les sens. Dans la rue, des corps carbonisés, des manifestations de colère, des personnes en pleurs à la recherche de leurs proches, des dizaines de voitures en feu, des devantures d’immeubles dévastées et une immense fumée noire dans le ciel, tandis que des hommes transportent dans leurs bras des blessés, le visage en sang. Racha el-Halabi, correspondante de L’Orient-Le Jour à Tripoli, a indiqué que les explosions ont eu lieu à deux minutes d’intervalle seulement. Les fenêtres de plusieurs immeubles proches des lieux des explosions ont été soufflées. À travers la ville, l’on entendait les sirènes des ambulances se ruant sur les lieux des attentats. Des témoins ont également fait état de tirs intenses après les explosions.

 

(Témoignages : « Je me sens en danger, mais surtout complètement perdu... »)


Une unité de l’armée a été immédiatement dépêchée sur les lieux des explosions et a mis en place un périmètre de sécurité. Plusieurs experts et une unité de la police militaire se sont aussi rendus sur place et une enquête a été entamée, sous la supervision des autorités compétentes, pour dévoiler les circonstances de l’incident et en connaître les auteurs. Dans un communiqué, le commandement de l’armée a appelé les citoyens à « coopérer » pour faciliter le travail des services de sécurité. Cependant suite à un premir mouvement de foule hostile,la troupe a évacué les lieux pour céder la place aux unités des FSI.

Plus de 100 kg de TNT
Dans les détails, le double attentat a eu lieu peu avant 14h. La première explosion a eu lieu devant la mosquée al-Taqwa, dont le cheikh est Salem Rafei, alors que les fidèles sortaient de la prière du vendredi. À l’instar de cheikh Assir, cheikh Rafei avait appelé, en juin dernier, ses partisans au jihad en Syrie contre les forces de Bachar el-Assad. Les médias ont rapporté qu’il était sain et sauf et « en lieu sûr » après l’explosion. La mosquée al-Taqwa se trouve dans le centre de Tripoli, près de la maison du Premier ministre sortant, Nagib Mikati, qui n’était pas dans la ville, de l’ancien directeur général des Forces de sécurité intérieure, le général Achraf Rifi, qui est sain et sauf, et du député Samir el-Jisr, qui s’est aussitôt dépêché d’inspecter le lieu de l’explosion.
La deuxième explosion a eu lieu devant la mosquée al-Salam qui se trouve non loin du port et qui attire généralement les fidèles de classes plus aisées que celles de la mosquée al-Taqwa, et les politiciens de la ville. Selon le ministre démissionnaire de l’Intérieur, Marwan Charbel, la charge explosive devant la mosquée al-Salam était d’une puissance équivalente à près de 100 kilos de TNT. Quelques fidèles qui s’y trouvaient ont rapporté que « la Providence était intervenue pour les sauver, l’imam de la mosquée ayant retardé leur sortie du lieu en leur demandant de répéter une prière ».

 

Une vidéo postée par la chaîne LBC montrant les fidèles prier dans la mosquée al-Salam quelques secondes avant l'explosion.



À la suite des attentats, des centaines de personnes en colère se sont rassemblées près de la mosquée al-Taqwa et ont scandé des slogans hostiles au Hezbollah et au régime Assad. Selon une source proche du 8 Mars, « les individus armés ont vite fait de se déployer dans la ville après l’attentat, empêchant même les forces de l’ordre de se rendre sur les lieux de la première explosion en soirée ». « Les tensions confessionnelles sont palpables. Les rues sont vides. La panique sévit, surtout que des rumeurs à propos de voitures piégées qui n’ont pas encore explosé circulent », a ajouté la source.

Concertations intensives...
La rencontre nationale islamique, les comités islamiques, les députés et notables de la ville se sont réunis hier en fin d’après-midi en présence des cheikhs Salem Rafei et Bilal Baroudi, pour discuter de la situation sécuritaire. Le Haut Comité de secours a, pour sa part, affirmé que les commissions d’évaluation des dégâts de l’armée ont été chargées d’inspecter les lieux des explosions à la demande du Premier ministre démissionnaire Nagib Mikati, qui a aussi annoncé qu’aujourd’hui samedi sera un jour de deuil national à la mémoire des victimes.

 

(Lire aussi: Pour la énième fois, la classe politique condamne, unanime...)


Le ministre sortant de la Santé, Ali Hassan Khalil, a quant à lui tenu une réunion de travail au cours de laquelle il a formé une cellule de crise chargée de secourir les blessés dans les différents hôpitaux de Tripoli et du Nord. Il a demandé aux hôpitaux d’accueillir les blessés et de ne pas refuser les cas qui se présentent, insistant sur la nécessité pour les blessés « de recevoir les soins et les traitements aux frais du ministère de la Santé ».

Le député Kataëb, Samer Saadé, le directeur général des FSI par intérim, le général Ibrahim Basbous, et le chef des gendarmes, Joseph Doueihi, ont en outre rendu visite au général Achraf Rifi pour s’enquérir de sa santé. Le PDG d’Ogero, Abdel Menhem Youssef, a pour sa part inspecté les dégâts à la centrale de Mina, affectée par l’explosion, et s’est enquis de l’état de santé de ses employés, dont neuf ont été blessés.


En soirée, les ministres sortants Mohammad Safadi et Ahmad Karamé, les députés Mohammad Kabbara, Samir el-Jisr et Badr Wannous et le conseiller politique de l’ancien Premier ministre Saad Hariri, Abdel Ghani Kabbara, ont tenu une réunion au domicile du député Mohammad Kabbara pour discuter des retombées du double attentat à la voiture piégée sur le pays. Un communiqué lu par le député Kabbara au terme de la réunion a appelé la population au calme et au refus de l’autosécurité . « L’État et l’armée sont le seul recours des Tripolitains », a-t-il déclaré.

 

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En qualifiant l'attentat de Roueiss, avec ses 27 victimes, du crime le plus meurtrier depuis la guerre civile, les médias et responsables libanais s’étaient prononcés un peu trop tôt. Le sinistre record n’a en effet pas tardé à être pulvérisé, dans un double attentat à la voiture piégée à Tripoli, la capitale du Liban-Nord déjà secouée par des heurts fréquents depuis le...

commentaires (4)

NE CHERCHEZ PAS TRÈS LOIN. TOUS SAVENT QUI EST DERRIÈRE ! LES VESTIGES DU "PARDONNEUR" BOUCLÉ ET DES "PARDONNEURS" ENCORE EN CIRCULATION...

SAKR LOUBNAN

09 h 47, le 25 août 2013

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Commentaires (4)

  • NE CHERCHEZ PAS TRÈS LOIN. TOUS SAVENT QUI EST DERRIÈRE ! LES VESTIGES DU "PARDONNEUR" BOUCLÉ ET DES "PARDONNEURS" ENCORE EN CIRCULATION...

    SAKR LOUBNAN

    09 h 47, le 25 août 2013

  • Choquant triste révoltant de découvrir le vrai double visage libanais l’un qui sourit mais l ’autre qui triomphe et qui cache la haine de la confession .Paix pour leurs âmes . Antoine Sabbagha

    Sabbagha Antoine

    09 h 56, le 24 août 2013

  • L'horreur ordinaire au quotidien....nous revenons au années 70' ....ou à Alamut à l'assemblée des hachichines... qui allaient assassiner les Calife de Bagdad en 608 après J.C.....

    M.V.

    07 h 03, le 24 août 2013

  • En deuil...nous sommes en deuil. Mais ce n'est pas un deuil résigné. C'est un deuil rageur, qui demande que les "autorités" se décident enfin à exterminer cette engeance si nuisible au Liban, au lieu de faire dans les habituelles finasseries arabo-libanaises. Des fils du Liban sont tombés par dizaines au champ de l'horreur. C'est la même horreur qui doit frapper les assassins, toute couverture politique levée. Les Libanais ne se laisseront pas entraîner dans cette discorde. La manœuvre est trop évidente.

    GEDEON Christian

    03 h 46, le 24 août 2013

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