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À La Une - Reportage

Quand le « jihad » en Syrie atteint les Balkans...

Certains ont combattu lors des conflits sanglants des années 1990 dans les Balkans, d’autres ont grandi sous l’influence d’un islam radical qui a depuis gagné du terrain auprès de la communauté musulmane dans cette région pauvre d’Europe. Mais tous n’ont qu’un seul but : se joindre aux rebelles syriens.

Combattants expérimentés ou jeunes volontaires, nombreux sont ceux qui rentrent chez eux dans un cercueil, leurs familles ne découvrant qu’à cette occasion qu’ils avaient pris les armes.

 

En Albanie, Migena Maliqaj de Prush, près de Tirana, n’avait plus de nouvelles de son époux Halil depuis novembre, lorsqu’il lui avait dit qu’il partait en Turquie chercher du travail. Elle a reçu en juin un texto provenant d’un numéro inconnu, qui l’informait que Halil avait été tué en Syrie. « Laissez-moi tranquille, je n’ai rien à vous dire », a-t-elle lancé d’une voix tremblante, en poussant ses deux enfants à l’intérieur de sa maison. Un autre Albanais, Ermal Xhelo, 35 ans, de Vlora, avait prévenu sa mère qu’il allait lui aussi chercher du travail en Turquie. Deux mois plus tard, son cadavre était rapatrié de Syrie. « Mon fils n’avait aucun lien avec les extrémistes », a affirmé sa mère jointe par l’AFP par téléphone, avant de raccrocher.


Au Kosovo voisin, un rapport des services de sécurité décrit le parcours des « extrémistes islamiques » qui se rendent en Syrie pour « aider leurs frères ». « Ils prennent l’avion de Pristina pour Istanbul, puis se rendent en autocar jusqu’à la frontière avec la Syrie (...) en petits groupes de deux à trois personnes », indique ce document. Illir Kulla, expert albanais en matière de sécurité, estime qu’« au moins 300 Albanais d’Albanie, du Kosovo et de Macédoine se sont rendus en Syrie pour y combattre au nom de la “guerre sainte” ». « Il ne s’agit pas de mercenaires, mais de volontaires convaincus qu’ils luttent pour une bonne cause (...) croyant aux manipulations religieuses que la guerre en Syrie est vraiment une guerre sainte », a expliqué M. Kulla.


Au Sandzak, région du sud-ouest de la Serbie où vit une importante communauté musulmane, des dizaines de faire-part placardés en mai dans les rues de la ville de Novi Pazar annonçaient le décès en Syrie d’Eldar Kudakovic, 27 ans. Kudakovic serait tombé lors d’une attaque des rebelles contre la prison de Sham. « Nous sommes tous des moujahidine », dit un message posté sur un site Internet de musulmans radicaux du Sandzak, pour lequel les victimes sont des « martyrs ». Sans se soucier de ces décès, un quadragénaire, ouvrier du bâtiment au chômage de Podujevo, dans le nord du Kosovo, passe en revue les derniers préparatifs en vue d’un voyage illégal en Syrie. « La Russie, l’Iran et le Hezbollah n’hésitent pas à défendre le régime (du président syrien Bachar) el-Assad qui tue ses propres citoyens.

 

Alors pourquoi hésiterions-nous à aider les Syriens ? » s’interroge ce père de trois enfants. L’appel à la prière de midi couvre ses propos alors qu’il glisse que sa décision est prise. « Une fois parti, je ne retournerai qu’à la fin de la guerre », affirme-t-il sous le couvert de l’anonymat, en expliquant qu’il confiera à ses deux frères le soin de veiller sur sa femme et ses enfants en bas âge. Un ancien tireur d’élite de la guérilla kosovare qui avait combattu contre les forces serbes pendant le conflit de 1998-99 au Kosovo s’apprête lui aussi à prendre la route vers la Syrie. Cet homme, qui affirme avoir déjà passé deux semaines à Alep pour « évaluer la situation », rejoindra les rebelles « accompagné d’une dizaine d’anciens camarades d’armes si les pourparlers de paix échouent ».


Expert en matière de religion, Visar Duriqi explique qu’un réseau géré par une secte salafiste, connue pour son interprétation stricte de l’islam, a déployé un « véritable réseau » au Kosovo pour recruter des combattants. Pour sa part, la Communauté islamique du Kosovo (CIK), qui prône un islam modéré auprès de la majorité des musulmans kosovars, assure n’avoir aucune implication dans cette affaire. « Je suis favorable à aider le peuple syrien pour s’en sortir de ce carnage, mais de la manière dont cela a été fait en Libye et pas individuellement », fait valoir un représentant de la CIK, Resul Rexhepi.


Selon des analystes, la crise économique et le chômage qui, dans la plupart des pays de la région, dépasse les 20 %, ont contribué à la radicalisation des jeunes musulmans. La présence des salafistes est la plus forte en Bosnie, de nombreux étrangers qui avaient rejoint les forces bosniaques pendant le conflit de 1992-1995 s’y étant installés après la guerre. Esad Hecimovic, expert bosniaque en matière de sécurité, a indiqué que les volontaires soulignaient qu’ils étaient « motivés par la lutte pour ce qu’ils décrivent comme leur “patrie islamique”, depuis la Bosnie, jusqu’en Palestine et même en Irak ».

 

 

 

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