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À La Une - En dents de scie

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Ziad Doueiri.

Dix-huitième semaine de 2013.
Je verrai The Attack. Le film de Ziad Doueiri. Comme des centaines de milliers de Libanais. Comme, idéalement, des millions de spectateurs.
Je verrai The Attack parce que le film est basé sur un roman d’une beauté et d’une puissance hallucinées. Et hallucinantes. L’Attentat, de Yasmina Khadra.
Je verrai The Attack parce que M. Khadra vaut cent et un M. Huntington. Parce qu’il ne lacère pas les univers des uns et des autres à coup de chocs de culture : il les met à nu, les démonte, les remonte ; il essaie d’en comprendre les labyrinthes, comme une montre. Comme un Lego.
Je verrai The Attack parce que même si le conflit israélo-palestinien n’en finit plus de lasser la planète en même temps qu’il la saigne, il reste l’épitomé de toutes les injustices, de toutes les incompréhensions, de toutes les identités, de toutes ces métastases qui rongent un peuple. Ou deux. Ou dix.
Je verrai The Attack parce que Amine et Sihem, c’est chacun d’entre nous, c’est le je(u), c’est l’autre. Parce que l’intégration (de n’importe quel individu dans n’importe quel collectif) a été, est et restera une des mono-obsessions les plus nécessaires et les plus urticantes à la fois. Parce que le besoin tripal, viscéral, de vengeance meurtrière, au nom de ce concept visqueux et endiamanté qu’est la justice, peut venir n’importe quand et de n’importe où se visser sur n’importe quel ADN – et dynamiter alors une (centaine de) vie(s). Parce que l’amour entre deux êtres humains est un gouffre. Un abysse. Une caverne.
Je verrai The Attack parce que rien n’est aussi troublant qu’un sacerdoce. Qu’un chemin de croix. Qu’une (en)quête. Qu’un entêtement vital. Amine qui court et court et court pour comprendre le geste de Sihem : voilà exactement ce qui aurait fait bander Sisyphe. Et tué Atlas.
Je verrai The Attack pour être sûr, encore une fois, une dernière fois, que rien ne nourrit les extrémismes, les haines, les rancœurs, les suicides, les kamikazes que l’humiliation. Que les poings serrés, à s’en briser les jointures. Que le viol répété ad vitam d’une dignité.
Je verrai The Attack parce que tous les Palestiniens ne sont pas des hommes ou des femmes de secondes zones. Tous les Israéliens ne sont pas des monstres. Tous les Palestiniens ne sont pas des terroristes. Tous les Israéliens ne sont pas d’immondes sionistes.
Je verrai The Attack parce que Ziad Doueiri a su contenir l’empathie innée qu’il éprouve à l’égard des Palestiniens pour éviter ces marécages stupides de manichéisme et de bons sentiments. Et parce que Ziad Doueiri a donné au cinéma quelques-unes de ses plus belles prises, en filmant avec tout l’amour du monde une Leila Karam bigger than life, mère-maquerelle somptueuse, folle, affolante dans ce délicieux West Beirut qui continuera longtemps de faire oublier le très raté Lila dit ça.
Je verrai The Attack parce que son sujet, son objet, sa nature et sa culture touchent à l’universel.
Je verrai The Attack parce que le bureau de censure de la Sûreté générale libanaise a réussi l’immense gageure de devenir le moins intelligent du monde, toutes catégories confondues – s’il faut attendre 150 ans pour avoir un nouveau Farouk Abillama...
Je verrai The Attack parce que nous sommes en l’an de grâce 2013 et que tel est mon bon plaisir.

 

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