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Culture - Dubaï Design Week

Des objets, des idées et des Libanais aussi...

Ils avaient le pétrole, on avait les idées. Mais ça, c'était avant. Les émirats du Golfe, Dubaï en tête, veulent miser désormais sur leur propre potentiel créatif. Et ils mettent tout en œuvre pour le développer. Patiemment, mais sûrement. Preuve à l'appui, une Dubaï Design Week 2016 axée sur la quête de l'innovation.

Au cœur du d3, l’installation «Hexalite» de Zeinab al-Hachemi. Photo ZZ

C'est par d'impressionnantes animations lumineuses nappant les 828 mètres de hauteur de Burj Khalifa*, l'une signée Yusuke Mrakami & Tangent et l'autre Hani Abyad de Studio Mr. White (une compagnie libanaise de design visuel), qu'a été lancée la deuxième édition de la Dubaï Design Week. Un bouquet d'expositions, de conférences, d'ateliers et d'installations disséminés du 24 au 29 octobre sur différents spots de la ville.
Il y a un an, la cité émiratie inaugurait son Design District (d3): un quartier à l'architecture stylisée, conçue par Norman Foster & Partners, pour abriter l'ensemble des composants de la communauté créative (studios, ateliers, showrooms...). Le lancement de ce projet immobilier s'était accompagné d'une semaine entièrement dédiée au design. L'objectif étant, clairement, de mettre en place l'infrastructure nécessaire au développement d'une plateforme qui ferait de Dubaï le hub design de la région. Un an plus tard, l'ambition des autorités de la ville n'a pas faibli. Même si, a priori, le d3 n'est pas aussi grouillant que prévu, la métropole du désert poursuit son irrésistible marche en avant. En y mettant les moyens, financiers certes, mais aussi éducatifs. Dans un projet visant, à long terme, non seulement à créer sur place de beaux objets, mais à y concevoir et réaliser de nouvelles idées à applications fonctionnelles. C'est ainsi que les deux événements majeurs de cette seconde édition de la Dubaï Design Week étaient d'ordre universitaire.

DIDI
D'une part, l'annonce par la présidente du Conseil de Dubaï pour la conception et la mode, Amina al-Rustamani (à la tête de Tecom, elle est 9e au classement des femmes arabes les plus puissantes), et par le très médiatique libanais Ali Jaber – directeur général du groupe de chaînes MBC, doyen de la faculté de communication de l'American University in Dubai (AUD), et membre du même conseil – de l'ouverture, à l'automne 2018, d'un Institut de design et d'innovation (DIDI) en partenariat avec deux des meilleures universités du monde: la Massachusetts Institute of Technologie (MIT, dont le doyen est le fameux architecte libanais Hachem Sarkis) et la New School's Parsons School of Design (Parsons).
Et, d'autre part, l'importance accrue donnée au Global Grad Show, qui s'est élargi cette année à 135 projets d'étudiants issus de 50 des plus importantes universités ou écoles de design des six continents.

Porter son abri en manteau...
Ce Salon des créateurs à venir, qui défend une approche du design comme pratique d'innovation, était, sans conteste, l'exposition phare de cette semaine. En offrant un aperçu des concepts expérimentés par la nouvelle génération de designers, c'est une image du monde de demain qu'elle contribue à révéler. Des partitions électroniques, des livres s'imprimant au fil de la lecture, des enregistreurs de mémoires... Un monde évidemment toujours plus ultraconnecté mais, semble-t-il, plus solidaire, plus écologique et (on l'espère vivement, particulièrement au Liban) plus propre. À en juger, du moins, par certains prototypes, comme: le Tippy Talk, une application qui permet à des personnes souffrant de troubles d'expression de communiquer par la traduction d'images en messages textuels (Limerick Institute of Technologie/Irlande); le Wearable Shelter, une sorte de cape transformable en tente et sac de couchage conçue par la Libanaise Gabriella Geagea en partenariat avec Anne-Sophie Geay en réponse, évidemment, à la crise des réfugiés syriens (Royal Academy of Art/Londres); le Algae-Eating, un drone qui nettoie les eaux usagées en fonctionnant au bio fuel directement produit par les algues qu'il collecte (Unea Institute of Design/ Suède); le Window Socket (une prise de courant à énergie solaire); la bouteille purificatrice d'eau à UV qui, dans l'obscurité, fait office de lampe de poche (Université de Wuppertal/Allemagne); le Hugsy, sorte de lange imprégné des battements de cœur, de l'odeur et du souffle de la mère, dans lequel on enveloppe les prématurés mis en couveuse (Eindhoven University of Technologie). Évidemment, ce n'est là qu'une infime et très subjective sélection de projets pouvant capter l'intérêt des investisseurs.

Le Caire, ville iconique et incomplète
Sinon, à l'exemple de toutes les Semaines du design, celle de Dubaï aura offert à ses visiteurs, outre un Salon (relativement restreint) du meuble baptisé Downtown Design, son lot d'expositions et d'installations disséminées à travers la ville. Même si les plus importantes restaient concentrées au cœur du d3. À l'instar d'Abwab, rassemblement de 6 pavillons nationaux (Algérie, Bahreïn, Inde, Irak, Palestine et Émirats arabes unis) qui présentaient, chacun, son interprétation du thème des «Sens humains». Et dont on retiendra celle d'un duo de frères palestiniens, Élias et Youssef Anastas, tous deux architectes et designers, qui ont réinterprété, en structure souple à éléments modulables, le bois d'olivier utilisé dans l'artisanat traditionnel de Bethléem.
C'est au d3, également, qu'un groupe de jeunes designers égyptiens proposaient, à travers une centaine de meubles, d'objets et d'illustrations graphiques, leur vision, un brin décalée, un brin désenchantée, mais toujours très haute en couleur du Caire, qu'ils qualifient de cité incomplète... d'un point de vue design. Une exposition hommage à cette ville iconique, qui succède à celle qui avait été consacrée à Beyrouth, l'an dernier.

Une star de cristal en ruche d'abeilles
Autre star du même district, Hexalite, la surprenante installation de la jeune artiste émiratie Zeinab al-Hachemi, n'aura pas manqué d'attirer l'intérêt. Composée de 33 structures hexagonales, combinant acier et cristaux Swarovki, cette sculpture aux allures de ruche d'abeilles a la particularité de jouer avec les variations de la lumière pour offrir un kaléidoscope d'illusions d'optique... Comme une version contemporaine des mirages du désert.

Icônes françaises et créateurs libanais
Un peu plus loin, dans le même quartier, l'espace occupé par l'Institut français des Émirats arabes unis valait le détour, histoire de réviser, modèles originaux à l'appui, les icônes du design hexagonal. Depuis la deux-chevaux de Citroën jusqu'aux algues des frères Bourroulec, en passant par la chaise longue de Charlotte Perriand et du Corbusier, le fauteuil Ribbon Chair de Pierre Paulin, le tabouret Tam Tam d'Henri Massonet et, évidemment, les multiples créations de Philippe Starck...
Un tour rapide de l'exposition Ikea marquant les vingt-cinq ans (déjà !) de présence de la compagnie suédoise à Dubaï et, passage obligé, par celle de Nadine Kanso qui, sous la houlette du designer Samer al-Amin, célèbre, elle, les 10 ans de création de sa ligne de bijoux «Bil Arabi». Cette photographe et graphic designer libanaise installée à Dubaï, reconvertie en créatrice de bijoux, exprime sa passion pour la culture arabe à travers l'ensemble de ses œuvres inspirées de la calligraphie et des caractères orientaux.
Justement, côté libanais, le stand du Beirut Design Week, présent au sein du Salon Downtown, mettait en lumière le souci du développement durable de la nouvelle génération de jeunes designers de chez nous. À travers une série d'objets réalisés par Muriel Kai, Paola Sakr et Tamar Barrage, avec des ressources locales et des textures inédites tels des contenants biodégradables en grains de café, des pelures de fruits ou encore des tables d'appoint en pétales de roses sous résine transparente.
Sinon, pour admirer les pièces des designers libanais, il fallait se rendre au O'de rose, concept store du quartier de Jumeriah, dont la propriétaire (libanaise évidemment), Nadine Kassem, défend l'art, l'artisanat et le design du pays du Cèdre. Et qui, pour cet événement, avait choisi de mettre en lumière une sélection de pièces mobilières de la série « Khayzaran Feyrouz » de Richard Yasmine, une vitrine de bijoux de Karma Salman ainsi que des tableaux photographiques de Roger Moukarzel.

*La plus haute tour du monde.

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Tashkeel, ruche créative, et Alserkal, quartier de galeries
Lentement mais sûrement, une industrie créative se met en place dans cet émirat abonné jusque-là (mis à part son artisanat traditionnel) à l'importation de produits de luxe. Tashkeel, une organisation d'art contemporain qui soutient la communauté créative de Dubaï à travers des résidences d'artistes, des ateliers, un système de compagnonnage et l'organisation d'expositions, présentait, cette année, au d3, une belle sélection de pièces mobilières, textiles et luminaires issus du travail d'un groupe de jeunes designers émiratis. Ceux-là mêmes qui sont en train de poser les fondements d'une scène créative locale...
Un petit tour à Alserkal Avenue, quartier de galeries et d'entrepôts, confirme cette tendance. Si les galeries restent pour la plupart occidentales et « occidentalisantes », à en juger par les sculptures de Bernard Venet qu'expose la galerie française Custot, ou les pièces d'ameublements dessinées par Dali et Gaudi et éditées par une compagnie catalane présentées chez Odd, les ateliers de fabrication de toutes sortes de produits créatifs s'y installent progressivement. Graphic design revisitant plaques d'immatriculations exotiques ou chocolaterie locale soignant autant le contenu de ses tablettes relevées d'épices que leur packaging, le made in Dubaï contemporain et stylisé se met en marche.

Une cheikha aux commandes
La Dubai Design Week est une initiative de Son Altesse la cheikha Latifa bint Mohammad bin Rashid al-Maktoum, vice-présidente de la Dubaï Culture and Arts Authority, sous l'égide de laquelle cet événement est placé. Il est organisé en partenariat avec le Dubai Design District (« d3 »).

Santiago Calatrava et Naji el-Mir, orateurs vedettes
Si la conférence de l'architecte star espagnol Santiago Calatrava, sur sa vision de l'avenir urbanistique de Dubaï, a enregistré un record d'audience parmi les activités annexes de cette Semaine du design à Dubaï, les master class du designer graphique franco-libanais Naji el-Mir, sur le design basé sur les pratiques typographiques et narratives, ont également été assidûment suivies.

 

Pour mémoire
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