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Liban - Objectif « zéro faim »

Le Liban en proie à des effets dévastateurs en cas de hausse mondiale des prix alimentaires

Selon une étude publiée en 2016 par l'Escwa sur l'examen stratégique de la sécurité alimentaire et nutritionnelle au Liban, la pauvreté a augmenté de 4 % au sein de la population libanaise durant les cinq dernières années.

Près de 65% des terres du pays sont arables, mais les surfaces cultivées ne représentent que 231000 hectares, rapporte l’Escwa dans son étude. Dans la Békaa, les constructions poussent comme des champignons, remplaçant les champs agricoles les uns après les autres. Photo Anne-Marie el-Hage

« Si un choc mondial des prix alimentaires devait survenir aujourd'hui, similaire à la hausse des prix de 2007-2008, ses effets seraient dévastateurs pour la sécurité alimentaire et nutritionnelle du Liban. » Par sécurité alimentaire, on entend la disponibilité physique des aliments, l'accès économique et physique à ces aliments, leur utilisation pour une bonne nutrition, mais aussi la stabilité de ces trois facteurs dans la durée.
C'est ce que révèle une étude publiée en 2016 par l'Escwa, intitulée « Examen stratégique de la sécurité alimentaire et nutritionnelle au Liban ». Une étude qui constate la réduction importante de la production agricole, l'augmentation de la pauvreté – vu l'afflux des réfugiés syriens –, le taux élevé de chômage et la baisse des salaires, mais aussi le changement des habitudes alimentaires. Le tout en l'absence d'une stratégie alimentaire définie clairement par les autorités libanaises, réunissant l'ensemble des dimensions de la sécurité alimentaire, et liée à la lutte contre la pauvreté, à l'application d'une politique agricole, à la mise en place d'un réseau de protection sociale et enfin au développement.

Le Liban est pourtant bien nanti en eau et en ressources naturelles. Sa plaine de la Békaa était autrefois considérée comme le grenier de l'Empire romain. Il s'était fixé en 2015 l'objectif « zéro faim », visant à éliminer la faim dans le pays, dans le cadre de l'agenda 2030 pour le développement durable adopté à travers la planète. Lourdement endetté, dépendant en matière d'importation des aliments qu'il consomme le plus, comme le pain et les céréales, le pays du Cèdre parviendra-t-il à cet objectif majeur, alors qu'il fait face à un défi de taille, la présence sur son territoire de plus d'un million et demi de réfugiés syriens en situation de grande vulnérabilité ?

 

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La moitié des Libanais inquiets
Les indicateurs ne vont visiblement pas dans ce sens. Selon les estimations onusiennes, un tiers de la population libanaise est touché par la pauvreté. Une réalité qui a augmenté de 4 % environ durant les cinq dernières années, depuis le début de la crise syrienne. Pire encore, 70 % des réfugiés syriens vivent au Liban dans l'extrême pauvreté, avec moins de 1,25 dollar par jour.

Il faut dire qu'à cause de l'augmentation de l'offre d'une main-d'œuvre syrienne temporaire et peu qualifiée, la compétition pour l'emploi est acharnée et les salaires dégringolent. Les réfugiés syriens dépendent presque totalement des aides alimentaires du Programme alimentaire mondial, sous forme de bons d'achat qu'ils dépensent dans des magasins partenaires. En 2015, seulement 11 % des réfugiés syriens du Liban bénéficiaient d'une sécurité alimentaire, alors qu'en 2013, ce chiffre était de 32 %.

Les Libanais se portent mieux, certes, mais eux aussi commencent à montrer des signes d'insécurité alimentaire et nutritive. Vu le manque d'argent et de ressources, 49 % des Libanais se disent aujourd'hui inquiets quant à leur capacité à assurer assez de nourriture, et 31 % affirment n'avoir pas pu manger des aliments sains et nutritifs durant l'année en cours.

Paradoxalement, l'obésité est en augmentation. Durant les cinq dernières années, elle a augmenté de 10,9 % chez les enfants de 6 à 19 ans et de 28,2 % chez les adultes. Et pour cause, les habitudes alimentaires des Libanais changent. Ces derniers délaissent les régimes riches en micronutriments pour adopter des habitudes alimentaires occidentales, riches en calories, en sucre et en matière grasse.

 

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Un secteur agricole laissé pour compte
Autre indicateur dans le rouge, celui du secteur agricole, qualifié par l'Escwa de « laissé-pour-compte », alors que le pays du Cèdre importe plus de 80 % de ses besoins alimentaires. Représentant 23 % de la production nationale à la fin de la guerre civile, en 1990, ce secteur ne représente plus désormais que 4 % environ du produit intérieur brut (PIB). Et dans la plaine de la Békaa, des habitations poussent comme des champignons, remplaçant les champs agricoles, les uns après les autres. Touchés par la pauvreté, délaissés par les autorités, nombre de paysans abandonnent les champs, migrent vers les villes ou partent pour l'étranger.

Si les travailleurs agricoles sont considérés comme étant les travailleurs les plus pauvres de tous les secteurs de l'emploi, environ 40 % des fermiers vivent dans la pauvreté et ne bénéficient d'aucune prestation sociale ou de prise en charge médicale, constate le rapport. À leur instar, 40 % des Libanais percevant un salaire ne bénéficient pas de la couverture de la Caisse nationale de Sécurité sociale (CNSS).
Le potentiel agricole du Liban est certes non négligeable. Près de 65 % des terres du pays sont arables, mais les surfaces cultivées ne représentent que 231 000 hectares, dont seulement la moitié est irriguée, vu l'échec des grands projets étatiques d'irrigation. Paradoxalement, ce secteur représente encore le quart de l'emploi dans le pays et jusqu'à 80 % de la production économique des régions rurales.

 

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Le Liban doit engager des réformes
Dans cet état des lieux, et alors que le prix des aliments et des matières premières demeure relativement bas, le Liban est invité par l'Onu à mettre en place les réfomes nécessaires pour renforcer la sécurité alimentaire et nutritionnelle. Pour ce faire, il doit développer une stratégie de production locale rationnelle et à long terme, et faire des choix en matière de production et d'importation. Il doit aussi élargir à l'ensemble de la population son système de prise en charge sociale, développer le marché de l'emploi et lutter contre la pauvreté. Sans terre, aucune renaissance de l'agriculture n'est possible : les autorités libanaises doivent donc empêcher les constructions sauvages et mettre en place une politique d'aménagement du territoire.

Salué pour sa grande générosité à l'égard des réfugiés syriens, le pays du Cèdre ne peut, sans le soutien de la communauté internationale, gérer la crise actuelle, conclut le rapport. Il est, toutefois, invité à assouplir les restrictions à l'égard des réfugiés syriens, afin de leur permettre d'améliorer leur sécurité alimentaire.
Il ne peut certes prétendre à l'autosuffisance alimentaire et nutritionnelle, dans un futur poche, mais au moins peut-il devenir souverain. Il en a le potentiel. Encore faut-il qu'il en ait la volonté politique.

 

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commentaires (2)

IL Y A TOUJOURS LES MARCHANDS PROMOTEURS DIT-ON QUI IMPORTENT LES PRODUITS POURRIS ( PUISQUE TOUS LES PRODUITS LOCAUX SONT INFECTES PAR LES EAUX SALES AVEC LESQUELLES ON LES ARROSE... DONC LA REGLE EST SAUVEGARDEE ) ET REFUSES AILLEURS... POUR GARDER LES PRIX BAS... AU PROFIT DU CONSOMMATEUR ET AU GRAND DESAVANTAGE DE SA SANTE !

LA LIBRE EXPRESSION

22 h 21, le 07 septembre 2016

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Commentaires (2)

  • IL Y A TOUJOURS LES MARCHANDS PROMOTEURS DIT-ON QUI IMPORTENT LES PRODUITS POURRIS ( PUISQUE TOUS LES PRODUITS LOCAUX SONT INFECTES PAR LES EAUX SALES AVEC LESQUELLES ON LES ARROSE... DONC LA REGLE EST SAUVEGARDEE ) ET REFUSES AILLEURS... POUR GARDER LES PRIX BAS... AU PROFIT DU CONSOMMATEUR ET AU GRAND DESAVANTAGE DE SA SANTE !

    LA LIBRE EXPRESSION

    22 h 21, le 07 septembre 2016

  • Il nous restera toujours le mjaddara.

    FRIK-A-FRAK

    20 h 45, le 06 septembre 2016

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