Les terribles scènes de hooliganisme et les agressions de Marseille, entre supporteurs russes et anglais, ont d’abord donné une image catastrophique de l’Euro. Mais une fois cette séquence évacuée, les scènes de joie et de fête ont pris de plus en plus de place et marqueront les mémoires. Ainsi, hier, un fan inattendu est venu encourager les Bleus : Obélix en personne ! Matthieu Alexandre/AFP
Alors, c'était bien, l'Euro en France ? Hier, c'était l'heure du premier bilan et il est globalement positif : des buts, des stars, de belles histoires, la fête, même si de terribles images de hooliganisme ont noirci le début du tournoi.
Sur le terrain, l'Euro est déjà réussi. Certes, le 1er tour n'a pas toujours été palpitant, conséquence du passage à 24 équipes au lieu de 16 auparavant. Mais ensuite, les matches à élimination directe ont apporté l'enjeu, le suspense et le frisson propres à ces grands tournois. Avec des affiches de rêve : Allemagne-Italie et son invraisemblable séance de tirs au but en quarts (1-1, 6 t.a.b. à 5) ou Allemagne-France en demie (0-2). En plus de ces classiques, l'Euro a eu ses deux belles histoires avec les parcours inespérés de l'Islande, quart de finaliste et tombeuse de l'Angleterre en 8es, et du pays de Galles, demi-finaliste et bourreau de la Belgique en quarts. Quelles performances pour une première participation ! David qui fait chuter Goliath : le scénario a beau être immémorial, il séduit à tous les coups.
Avant la finale, 107 buts ont été inscrits en 50 matches, soit 2,14 buts par match. Moins qu'à l'Euro 2012 (2,45), qui se jouait à 16 équipes, ou qu'au Mondial 2014 (2,7), où 32 sélections étaient en lice. Mais les joueurs ont eu le mérite de marquer sur des pelouses décriées pour leur mauvais état. Au-delà des chiffres, il y a les gestes de classe : frappe sensationnelle dans la lucarne du Français Dimitri Payet contre la Roumanie, talonnade incroyable du Portugais Cristiano Ronaldo face à la Hongrie ou superbe retourné acrobatique du Suisse Xherdan Shaqiri contre la Pologne.
Quand on parle de records, c'est le signe qu'un tournoi est sportivement réussi. Ronaldo a égalé le record de buts du Français Michel Platini dans l'histoire de l'Euro : 9, signés dans la seule édition 1984 pour le Français alors que le Portugais les a mis en quatre tournois. Et avant la finale, le Français Antoine Griezmann a marqué 6 buts en 6 matches.
Les nouveaux hooligans
La menace terroriste, après les attentats de 2015, était la crainte n° 1 et la vigilance ne s'est pas relâchée avant la finale. Près de 1 300 policiers et gendarmes ont été déployés au Stade de France, hier, près de 1 400 dans la fan zone de Paris et 700 dans les transports en commun. Ils seront 3 400 sur les Champs-Élysées après le match.
Mais un autre péril a refait surface : le hooliganisme. Oubliez l'image des supporteurs ivres et bedonnants en train de se bagarrer. Le hooligan moderne est jeune, travaille et touche de bons revenus, soigne sa condition dans les salles de gym, ne boit pas, se déplace en meute et filme ses exactions sur caméra portable pour les poster sur le net. C'est le profil-type des Russes qui ont agressé des Anglais à Marseille dès le 2e jour de l'Euro. Ces scènes de violence inédites, en tout cas dans l'organisation quasi militaire dont ont fait preuve les agresseurs, ont conduit le procureur de Marseille à parler de « chasse aux Anglais ». Depuis l'élimination de la Russie au 1er tour, il n'y a plus eu d'incident notable.
Les terribles agressions de Marseille ont d'abord donné une image catastrophique de l'Euro. Mais une fois cette séquence évacuée, les scènes de joie et de fête ont pris de plus en plus de place et marqueront les mémoires. Au top de la popularité dans les villes où ils sont passés, les supporters de l'Éire, de l'Irlande du Nord ou du pays de Galles.
L'une des séquences cultes de cet Euro des supporteurs est celle où, à Bordeaux, des fans de l'Éire chantent dans un tunnel Stand up for the french police sur un air des Pet Shop Boys. Au mégaphone, les policiers leur répondent, sur le même air, Go home for the french police. Autre tube, l'hymne Will Grigg's on fire, calqué sur un vieux hit « dance » des années 1990 en hommage à un attaquant nord-irlandais... qui n'a finalement pas joué une seule minute. Surprenante quart de finaliste, l'Islande a aussi séduit grâce à ses supporteurs, leur bon esprit, leur fameux « Huh ! », cri de communion avec leur équipe rythmé par des claquements de main, ensuite imité par les Français. « Nous sommes de gentils Vikings », s'était amusé l'un de ces fans islandais, Arni Gardar.
Enfin, le bon parcours de l'équipe de France a réveillé ses supporteurs. Fan zones bondées, Marseillaise entonnée à tue-tête, concert de klaxons et drapeaux tricolores dans les rues : la France a renoué avec des images qui rappellent la liesse populaire du Mondial 1998. Au plus bas dans les sondages et à moins d'un an de la présidentielle, le président François Hollande peut-il bénéficier dans l'opinion du bon parcours des Bleus ? C'est ce qui était arrivé à Jacques Chirac après le titre mondial de 1998, qui lui avait valu 11 points de popularité en plus, de 48 % à 59 % selon l'institut Ifop. Reste que le bon parcours des Bleus peut permettre, au moins temporairement, de regonfler le moral d'un pays qui souffre sur de nombreux fronts : crise économique, défiance envers les politiques, climat social dégradé et craintes d'attentats terroristes après les drames qui ont endeuillé l'année 2015.
(Source : AFP)