Des Irakiens portant le corps de l’une des victimes de l’attentat perpétré par l’État islamique dimanche à Bagdad. Ahmad al-Rubaye/AFP
Dans quel contexte intervient l'attentat perpétré dimanche par l'EI ?
Cet attentat est le plus meurtrier de ces 13 dernières années et il intervient dans un triple contexte. Premièrement, il fait suite à une série d'attentats perpétrés ces derniers jours par l'EI, qui renvoie à la déclaration du porte-parole de l'organisation, Abou Mohammad al-Adnani, qui avait promis un mois de ramadan sanglant. De ce point de vue-là, l'EI a tragiquement tenu sa promesse.
Deuxièmement, il fait suite à la reprise de Fallouja, opérée par l'armée, les forces spéciales mais aussi les Forces de mobilisation populaire (FDS) et d'autres milices affiliées à l'Iran. La reprise de la ville a donné lieu à des exactions contres les sunnites de la part des milices et à la mise en avant de slogans sectaires. L'attentat de dimanche doit donc être compris comme une campagne de représailles, de violence antichiite, qui répond à la loi du talion.
Troisièmement, l'attentat met en exergue l'incapacité du Premier ministre Haider el-Abadi à assurer la sécurité de la population.
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Aux yeux de la population, Haider el-Abadi est donc tenu responsable de cet attentat...
Son convoi s'est fait caillaisser lorsqu'il s'est rendu sur le lieu de l'attentat. Il n'est plus légitime aux yeux de la population. Les Irakiens en ont ras le bol et veulent un changement au-delà de la lutte contre l'EI. Malgré ses promesses, M. Abadi a échoué dans sa volonté de réforme, dans sa lutte contre le chômage et la corruption. Il y a une réelle demande d'un pouvoir civil, notamment chez les jeunes générations qui sont confrontées au confessionnalisme et à la guerre civile depuis 13 ans.
Ce désir de changement est-il aussi perceptible au sein de la communauté chiite ?
La communauté chiite s'est unie dans l'adversité, mais elle est très diverse. Une partie de la communauté rejette M. Abadi et rejette le parti Da'wa. Mais une autre partie, fidèles au parti, réclame un retour à une pratique plus dure du pouvoir. Ce sont notamment les nostalgiques de Maliki.
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Malgré les pertes de territoire enregistrées par l'EI, on a l'impression que la situation est pire qu'en 2014...
C'est un cercle vicieux. La guerre, la corruption, la répression, l'absence de justice, le poids des milices chiites sont à la base de la militarisation de la contestation sunnite et de l'expansion de l'EI. Or aujourd'hui, aucun de ces problèmes n'a été réglé. À titre d'exemple, l'armée irakienne n'est toujours pas apte à mener des opérations seules et la police est infiltrée par les mouvements miliciens.
Et l'Iran ne contribue pas à améliorer la situation...
L'Iran est le grand gagnant de la guerre d'Irak et de la chute de Saddam Hussein. Aujourd'hui, l'Iran fait obstacle à la construction d'une unité nationale et ne participe pas à la pacification des relations sunnito-chiites. Les Iraniens ont bridé M. Abadi et ont favorisé la montée en puissance des milices qui concurrencent et décrédibilisent les institutions étatiques.
Et les Américains laissent faire ?
Les Américains ont acté le rôle prépondérant de l'Iran en Syrie et en Irak mais ils refusent de coordonner leurs actions avec les Iraniens. Par exemple, ils n'interfèrent pas dans tout ce qui concerne les milices.
*Irak, la revanche de l'histoire : de l'occupation étrangère à l'État islamique, aux éditions Vendémiaire, 2015 et Irak, de Babylone à l'État islamique : idées reçues sur une nation complexe, aux éditions Le Cavalier bleu, 2015.
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PRIERE LIRE DANS MA REACTION : UNE HISTOIRE D,HUMANOIDES ETC... MERCI.
19 h 32, le 05 juillet 2016