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Le Liban en 2015

Quand le Liban se met à jour sur la lutte antiblanchiment

Le Parlement a adopté l'année dernière plusieurs lois permettant au pays du Cèdre de se conformer aux canons internationaux sans renoncer totalement à son secret bancaire.

L’harmonisation des mesures antiblanchiment d’argent est devenue l’un des principaux enjeux de la finance mondiale en 2015. Jo Yong-Hak/Reuters

Entre la nécessité pour des États affaiblis par la crise économique et financière de lutter contre l'évasion fiscale et celle d'assécher les financements des organisations terroristes, l'harmonisation des mesures antiblanchiment d'argent est devenue l'un des principaux enjeux de la finance mondiale en 2015. Une tendance à laquelle le système financier libanais, bâti notamment autour du secret bancaire, est obligé de se conformer afin d'éloigner le spectre de sanctions internationales.

Lois « cruciales »
C'est pourquoi, en novembre dernier, les députés ont finalement adopté plusieurs textes permettant cette mise en conformité, fût-ce a minima. Depuis plusieurs mois, les appels des principaux acteurs du secteur financier – du ministère des Finances à la Banque centrale (BDL) en passant par l'Association des banques libanaises (ABL) et nombre de ses adhérents – pressaient les parlementaires d'adopter un certain nombre de réformes, dont la plupart avaient été déposées en 2012. « Ces lois sont cruciales pour le Liban car nous faisons partie du système financier mondial et nous nous devons d'obéir aux normes internationales en la matière. La BDL, la Commission spéciale d'investigation (CSI), la Commission de contrôle des banques (CCB) luttaient déjà contre le blanchiment d'argent, via de nombreuses circulaires et mémorandums, mais les pays occidentaux exigeaient que nous intégrions des dispositifs de lutte contre l'argent sale dans l'arsenal législatif libanais », explique Samir Hammoud, président de la CCB. Sans ces nouvelles lois, le Liban aurait par exemple pu être réinscrit sur la liste des pays non coopératifs en matière de lutte contre le blanchiment d'argent du Groupe d'action financière (Gafi), qui fixe les normes mondiales en matière de lutte contre le blanchiment d'argent et le financement du terrorisme. Après avoir été retenu dans cette « liste noire » en 2001, le Liban en avait été retiré, un an plus tard, suite à l'adoption de la loi 318 sur le blanchiment d'argent. Il courrait également un risque similaire vis-à-vis du Forum mondial de l'OCDE, un organisme international dont le but est de lutter contre l'évasion fiscale.

Levée ponctuelle du secret bancaire
La première loi votée en novembre a introduit l'obligation de déclarer aux douanes toute somme supérieure ou égale à 15 000 dollars (ou son équivalent en devises) transportée en numéraire (espèces, chèques, titres, etc.) lors du passage des frontières libanaises. « L'objectif n'est pas d'interdire ces transferts mais d'améliorer la traçabilité de ces fonds », souligne M. Hammoud.
Le deuxième texte voté a amendé la loi 318 de 2001 sur le blanchiment d'argent, en définissant ce dernier comme un crime en soi et en élargissant aussi son champ pour y inclure, par exemple, le financement des organisations terroristes, la corruption et le trafic d'influence ou encore les infractions relatives à la propriété intellectuelle. Elle instaure également de nouvelles obligations à certaines professions (notaires, avocats, banquiers, comptables, etc.) qui sont désormais tenues, sous peine de sanctions, de signaler de tels crimes à la CSI dont les pouvoirs ont par ailleurs été étendus.
Enfin, la troisième loi, relative à l'échange d'informations fiscales, permet dorénavant à un pays tiers de demander à la CSI, chargée d'enquêter sur les transactions suspectées de blanchiment, d'étendre son champ d'action pour pouvoir également lever le secret bancaire concernant une personne physique ou morale, sur laquelle pèseraient des soupçons sérieux d'évasion fiscale. « Le Liban ne possédait aucun mécanisme d'échange d'informations fiscales, ce qui à terme aurait largement affecté notre relation avec le reste du monde », explique M. Hammoud. Et pour cause, le Liban est cantonné depuis 2012 dans un club de 10 pays désignés par le Forum mondial de l'OCDE comme inaptes à échanger des informations fiscales. Cette loi lui permettra donc de sortir de ce statut de mouton noir. Pour autant, « il n'est pas question d'abandonner notre secret bancaire, nous y sommes toujours attachés, à condition qu'il ne sert pas à abriter de l'argent occulte », observe M. Hammoud. De fait, si cette loi s'inscrit dans le cadre de la norme commune d'échange automatique d'informations fiscales de l'OCDE, le Liban se limite pour l'instant à la fourniture d'informations fiscales sur demande motivée.

En sus de ces trois lois, les députés ont amendé la loi sur le commerce terrestre pour la rendre compatible avec leurs dispositions ; tandis qu'un autre projet de loi amendant le Code de procédure fiscale, dans le même but, est encore en commission. Enfin, le Parlement a ratifié, le même jour, la Convention internationale pour la répression du financement du terrorisme de 1999. Le Liban était, avec la Somalie, le seul pays arabe n'ayant pas encore ratifié cet accord.

Entre la nécessité pour des États affaiblis par la crise économique et financière de lutter contre l'évasion fiscale et celle d'assécher les financements des organisations terroristes, l'harmonisation des mesures antiblanchiment d'argent est devenue l'un des principaux enjeux de la finance mondiale en 2015. Une tendance à laquelle le système financier libanais, bâti notamment autour du...