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Culture - Exposition

Qui veut découper la milice pacifique et élégante de Chawki Chamoun ?

Entre installation et peinture participative, les « œuvres sur papier, découpées à la demande »,
du peintre septuagénaire jouent la carte du happening et de l'art désacralisé.

Chawki Chamoun a gardé sur l’art un regard espiègle. Photos Michel Sayegh

C'est une œuvre picturale sur papier de 66 mètres de long que Chawki Chamoun « déroule » sur les cimaises de l'espace Mark Hachem, jusqu'au 16 décembre*. Présentée sous forme de frise (de 60 cm de hauteur), elle ceinture sans discontinuer tous les murs de la galerie. Déployant, dans une palette de couleurs d'une belle gaieté, une succession de silhouettes en mouvement. Des personnages miniatures dominés, presque écrasés par d'amples masses monochromes verticales, que l'on retrouve pris, un peu plus loin, dans une tourbillonnante pluie de couleurs confettis, parfois aussi traversant des plages jaunes comme le désert ou encore pétrifiés sous de nuageux enchevêtrements de lettres pas vraiment calligraphiques... Mais aussi de plus grandes silhouettes, intemporelles et indistinctes, croquées par touches vives et élancées qui semblent avancer au rythme d'une procession infinie... « C'est ma milice », affirme cet artiste septuagénaire au regard espiègle. Une milice pacifique, élégante et sensible. Car en observant avec attention cet incessant défilé d'hommes, de femmes, d'enfants, de cavaliers – toujours représentés de dos – qui peuplent sa peinture, on y décèle plutôt des références à la vulnérabilité de l'être humain, à son impuissance face aux forces verticales qui le surplombent, mais surtout à cette éternelle marche de l'humanité sur les chemins de la vie.

Mis à part une série de nus féminins, reproduits en silhouettes verticales accolées les unes aux autres à la manière de Paul Guiragossian – l'ami auquel il a voulu rendre hommage –, Chawki Chamoun reprend dans cette œuvre, réalisée au cours de ces deux dernières années sur un même grand rouleau de papier, ses thèmes majeurs. On y retrouve la femme, « qui a toujours été l'un de mes sujets de prédilection », soutient l'artiste, les ensembles de silhouettes cadencées, les calligraphies en liberté mais encore l'abstraction ou encore ces sinueux enchevêtrements de couleurs vives évocatrices du dripping de Jackson Pollock. « C'est vrai qu'il a été, avec Manet, Matisse ou encore Gauguin, l'un des maîtres qui ont influencé mon travail », reconnaît-il.

Cette sorte de « rouleau rétrospectif » de ses grands thèmes, Chawki Chamoun l'a entamé dans un esprit de travail expérimental. « Au bout de près de 50 ans de métier, je suis arrivé à une étape où ce n'est plus la comparaison aux autres qui fait avancer mais le fait de se mesurer à soi-même, de creuser toujours plus loin, plus profondément, son propre style », confie-t-il.

De l'art à la découpe...

« D'habitude, quand je prépare une grande exposition, je commence toujours par faire des sketches au pastel, à l'aquarelle, à l'encre ou encore à l'acrylique... J'ai des milliers de dessins entassés dans des tiroirs que je n'ai jamais pensé exposer. Cette fois, j'ai voulu tenter l'expérience d'un travail continu. Et je me suis rapidement pris au jeu. En voyant la cohésion de l'ensemble, malgré la diversité des dessins et des techniques, je me suis dit qu'il faudrait en faire une installation. Et pourquoi pas laisser aux acheteurs le loisir de choisir eux-mêmes la tranche de peinture – et la dimension – qu'ils souhaitent. C'est une façon de permettre au plus grand nombre d'accéder à mon art, même avec un budget limité. Mais aussi de participer en quelque sorte à l'élaboration du tableau qu'ils acquièrent. D'ailleurs, chaque partie découpée comprendra au côté de ma signature celle de l'acheteur », affirme Chawki Chamoun. Avant de conclure qu'il voudrait, par cette expérience nouvelle, agréable, rafraîchissante, introduire chez les gens, les amateurs de peinture, un nouveau rapport à l'art : plus simple, plus évident, « voire même désacralisé ».

* Mina el-Hosn, rue Salloum, imm. Capital Garden, rez-de-chaussée. Horaires d'ouverture : de lundi à samedi, de 10h à 20h. Tél. : 70-949029.

C'est une œuvre picturale sur papier de 66 mètres de long que Chawki Chamoun « déroule » sur les cimaises de l'espace Mark Hachem, jusqu'au 16 décembre*. Présentée sous forme de frise (de 60 cm de hauteur), elle ceinture sans discontinuer tous les murs de la galerie. Déployant, dans une palette de couleurs d'une belle gaieté, une succession de silhouettes en mouvement. Des personnages...

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