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Moyen Orient et Monde - Vient de paraître

Simone Veil, une icône française

À l'occasion de la 22e édition du Salon du livre francophone de Beyrouth, « L'Orient-Le Jour » a rencontré Sarah Briand, journaliste à France Télévisions et auteure de « Simone, éternelle rebelle », une biographie de Simone Veil.

La couverture du livre.

Derrière son chignon impeccable, son port altier et son regard pénétrant, quelle femme est en réalité celle que le monde a découverte comme fer de lance de la loi sur l'interruption volontaire de grossesse (IVG) en 1974, Simone Veil ? Que ce soit pour son combat en faveur du droit le plus élémentaire des femmes à disposer de leur corps, ou pour rappeler la mémoire des victimes de la Shoah, dont elle est une des rares rescapées, l'ancienne femme politique ne cesse de susciter l'admiration. Une admiration que lui voue, fondamentalement, Sarah Briand, journaliste à France 2, qui, après avoir consacré à cette icône un documentaire télévisé Un jour, une histoire*, livre une biographie émouvante, sans ambages ni omissions.
Dans Simone, éternelle rebelle**, le lecteur s'immisce dans l'intimité d'une femme à la pudeur avérée, et l'auteure tente de briser la carapace forgée par cette grande dame que la vie n'épargnera pas. À travers les témoignages inédits de ceux qui la connaissent le mieux, amis, collaborateurs, jusqu'aux intimes, enfants et petits-enfants, l'auteure relate les épisodes d'une vie remplie de tourments, mais aussi de bonheurs. « Une photographie d'un siècle aussi », à travers le parcours, dévoilé ici en trois points, d'une femme de notre temps.

« Forte pour trois »
1944, Nice. Sous le soleil de la Côte d'Azur, la jeune fille de 16 ans vaque aux occupations des jeunes de son âge. Pourtant, cela fait quatre années déjà que le régime de Vichy a établi une série d'interdictions à l'encontre des juifs. Deux ans auparavant, l'offensive des nazis, la rafle géante d'Israélites, si pernicieusement appelée « Vent printanier », avait démarré. Mais quand les troupes allemandes arpentent les rues du vieux Nice, le 9 septembre 1943, Simone Jacob a le pressentiment que cette date marquera « le début de la tragédie de sa vie ». Sa famille obtient des faux papiers, quand son père mesure enfin la gravité de la situation. Simone Jacob se fera appeler par un nom qui « ne sonne plus juif », Simone Jacquier. Sa famille doit alors se cacher et Simone est accueillie chez de célèbres porcelainiers, la famille Villeroy.
Le 30 mars 1944, au cours d'un contrôle dans les ruelles du centre-ville par deux SS en civil, l'adolescente est arrêtée. S'ensuit alors le départ vers les camps, d'abord à Drancy, principal lieu d'internement pour les juifs de France, puis le tristement célèbre camp d'Auschwitz-Birkenau. Sa mère et sa sœur Milou sont internées avec elle. Mais la jeune Simone prend très vite le rôle de protectrice, et « doit être forte pour trois. À tout prix ». Sa beauté et son audace lui permettent de survivre dans un univers où son identité se verra annihilée. Le matricule 78651 gravé à jamais dans la peau. Rescapée avec sa sœur – sa mère meurt du typhus avant la libération des camps –, Simone Veil n'aura de cesse d'enfouir ce souvenir. Seuls ses anciens amis du camp, Marceline Loridan, Ginette Kolinka et Paul Schaffer, qu'elle verra toute sa vie, comprennent de quel enfer ils sont tous les quatre revenus.

Soit : elle sera magistrate...
Le besoin d'émancipation de Simone Veil est ancré en elle depuis toujours. Sa mère, ayant vu sa carrière prometteuse de chimiste s'évanouir le jour où elle embrassa le métier le plus difficile qu'il soit, celui de mère, a toujours tenu à rappeler à ses filles l'importance d'être indépendantes financièrement. C'est lors d'une escapade à la montagne, invitée par des amis de Sciences Po, qu'elle rencontre son futur mari, Antoine Veil. Sarah Briand révèle que « c'était lui qui était destiné à une carrière politique », mais qu' « il l'a laissée briller ».
Au début de leur mariage, elle gère le foyer, n'est que « la femme de », alors qu'il est voué à une brillante carrière et grimpe rapidement les échelons. Mais « il a su la laisser passer devant lui, afin qu'elle s'accomplisse », refusant toutefois qu'elle embrasse une carrière d'avocate. Soit : elle sera magistrate. De fil en aiguille, et par d'heureux concours de circonstances, Simone Veil va se hisser, à force de persévérance et de conviction, au sommet de la politique française. Ministre de la Santé, présidente du Parlement européen, députée européenne, ministre d'État, et enfin membre du Conseil constitutionnel, elle se retire de la vie politique en mars 2007, à l'âge de 80 ans.

Envers et contre tous
Le 26 novembre 1974, Simone Veil sort de l'Assemblée nationale sous les lazzis des députés après quarante minutes d'un discours qui marquera à jamais les esprits. S'ensuivent alors des débats houleux qui vont durer trois jours entre les pour et les contre la loi sur l'interruption volontaire de grossesse (IVG). Un combat qu'elle mène fermement alors que cela ne fait que quelques mois qu'elle est ministre de la Santé. Les critiques fuseront surtout de son propre camp, la droite. L'un des élus, Alexandre Bolo, va jusqu'à accuser « Madame la Ministre d'instaurer par là un nouveau droit, celui de l'euthanasie légale ». On parle de « Saint-Barthélemy », ou « d'abattoirs où s'entassent les cadavres de petits hommes ».
Le député de la Manche, Jean-Marie Draillet, va jusqu'à faire allusion à ces embryons « jetés au four crématoire ». Les comparaisons macabres ravivent les blessures de l'ancienne déportée d'Auschwitz. Certaines des personnes présentes lors des débats diront plus tard qu'elles « ne savaient pas », qu'elles ignoraient tout simplement le lourd passé de Simone Veil. Le projet de loi sera adopté trois jours plus tard. Une victoire pour des millions de Françaises et une reconnaissance pour Simone Veil, qui inscrit à jamais son nom dans l'histoire. « L'une de ses belles-filles effacera la croix gammée, dessinée sur le bouton d'ascenseur menant à l'appartement des Veil. À plusieurs reprises », révèle Sarah Briand. Mais « elle devient à 47 ans la personnalité féminine la plus populaire de France, et reste aujourd'hui encore la personnalité préférée des Français », ajoute l'auteure, alors que les lettres d'injures antisémites n'ont jamais cessé.

* Un jour, une histoire, Simone Veil : l'instinct de vie, rediffusion ce dimanche 1er novembre sur France 2 à 22h45 (heure française).
** Simone, éternelle rebelle. Sarah Briand, aux éditions Fayard.

 

 

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Simone Veil, ou Simone Courage !

ANTOINE-SERGE KARAMAOUN

10 h 21, le 31 octobre 2015

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Commentaires (1)

  • Simone Veil, ou Simone Courage !

    ANTOINE-SERGE KARAMAOUN

    10 h 21, le 31 octobre 2015

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