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Moyen Orient et Monde - Afghanistan

Kunduz aux mains des talibans : le spectre d’un nouveau Mossoul

Un certain parallèle peut être établi entre l'attaque talibane et la ville irakienne prise par l'EI l'année dernière.

Un combattant taliban discutant avec des résidents de Kunduz sur la place principale de la ville, hier. Photo Reuters

Washington veut croire que Kunduz, la ville afghane reprise par les talibans, n'est pas une nouvelle Mossoul, la ville irakienne tombée en juin 2014 aux mains des extrémistes de l'État islamique (EI) et jamais reprise depuis.
Les talibans se sont en effet emparés de Kunduz lundi en quelques heures, débordant apparemment facilement les 5 000 à 7 000 soldats présents alors qu'ils étaient bien moins nombreux, de 400 à 2 000 selon diverses estimations. Une contre-offensive était en cours mardi et hier, avec l'appui notamment d'un bombardement américain. Mais la défaite éclair du premier jour ravive de vieilles plaies aux États-Unis, et notamment le souvenir de la chute de Mossoul, la deuxième ville d'Irak. En juin 2014, cette ville était tombée en quelques heures aux mains de l'EI alors que les forces irakiennes prenaient la fuite. Comment ces armées locales, pour lesquelles Washington a dépensé des dizaines de milliards de dollars, peuvent-elles ainsi se laisser dépasser par des groupes moins nombreux et moins bien armés? « C'est vraiment un parallèle effrayant avec Mossoul, c'est vraiment troublant », a commenté Patrick Skinner, du Soufan Group, une société spécialisée dans l'analyse des risques liés au terrorisme. « Une décennie à dépenser des sommes incroyables, à proclamer que l'armée locale s'améliore, une insurrection naissante. Les talibans n'étaient pas supposés prendre Kunduz », comme l'EI n'était pas supposé prendre Mossoul, a-t-il estimé. « La réponse immédiate c'est "nous reprendrons la ville", a-t-il ajouté. Mais ce n'est pas le problème : le gouvernement était supposé être capable de tenir la ville. »
Pour Stephen Biddle, expert militaire et professeur à la George Washington University, à Mossoul comme à Kunduz les forces de sécurité ont souffert d'un même mal, la corruption. « L'efficacité militaire, c'est bien plus qu'avoir de bonnes armes et avoir suivi des formations », a estimé cet expert, qui travaille notamment sur les efforts américains de formation d'armées locales. « Quand la chaîne de commandement est politisée ou corrompue, il est très difficile pour elle de susciter de l'esprit combattant dans les rangs. »

Armée nouvelle
Dans un certain nombre de pays comme l'Irak ou l'Afghanistan, les gouvernements se méfient de leurs propres armées, « rivales naturelles et menaces potentielles », selon M. Biddle, qui a travaillé sur les difficultés américaines à former des forces locales. Toutefois, certains militaires américains n'hésitent pas à dire qu'il ne faut pas sous-estimer les qualités combattantes des militaires afghans. « Je suis assez optimiste sur le fait que l'armée nationale afghane pourra conduire des opérations sans l'aide de forces de la coalition (...) ce n'est pas un problème militaire, c'est un problème politique », déclarait récemment à l'AFP un officier américain participant à la mission de l'Otan en Afghanistan.
L'armée afghane ne souffre pas non plus des divisions confessionnelles dont souffre l'armée irakienne. À Mossoul, l'armée irakienne pouvait être considérée par les sunnites comme une force d'occupation chiite. Mais en Afghanistan, le conflit entre le gouvernement afghan et les talibans ne se joue pas, ou beaucoup moins, sur des critères religieux ou ethniques. L'armée afghane a des quotas théoriques d'officiers reflétant la composition de la population : 40 % Pachtounes, 30 % Tadjiks, 10 % Hazaras, 8 % Ouzbeks, même si les Pachtounes tendent dans la réalité à être sous-représentés.
La chute de Kunduz est « bien sûr un revers pour les forces de sécurité afghanes », a souligné mardi le porte-parole du Pentagone, Peter Cook. Mais celles-ci « ont su répondre ces dernières semaines aux défis » des talibans, et « nous avons confiance dans leur capacité à reprendre Kunduz aux talibans », a-t-il assuré.

Laurent BARTHELEMY avec Guillaume DECAMME à Kaboul/AFP

Washington veut croire que Kunduz, la ville afghane reprise par les talibans, n'est pas une nouvelle Mossoul, la ville irakienne tombée en juin 2014 aux mains des extrémistes de l'État islamique (EI) et jamais reprise depuis.Les talibans se sont en effet emparés de Kunduz lundi en quelques heures, débordant apparemment facilement les 5 000 à 7 000 soldats présents alors qu'ils étaient...
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