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Culture - Exposition

L’art, devoir citoyen d’Alfred Tarazi

Sombre et lumineux, statique et en mouvement, tout en verticalité mais aussi en horizontalité, le travail artistique d'Alfred Tarazi est à l'instar de son auteur, en clair-obscur. « An Empty Plot of Land » habite la galerie Janine Rubeiz jusqu'au 23 mai.

Photos Michel Sayegh.

Clair, comme cette performance artistique et filmique d'Alfred Tarazi (titanesque et lumineuse) visant à éclairer les points sombres de cette guerre compliquée qui a ravagé le pays du Cèdre depuis quarante ans. Une exposition qui a voyagé avec cette même galerie aux foires d'Abou Dhabi et de Singapore.
Obscur, ce défilé d'images de morts, de disparus, ces histoires violentes et cruelles, « parues dans les journaux mais jetées aux oubliettes depuis très longtemps ».
Clair qu'Alfred Tarazi n'essaie pas de s'ériger en historien : « Je ne suis pas habilité à le faire », ni un travail de mémoire, car « qui se souvient vraiment de l'histoire entière, puisque chaque Libanais est témoin d'une histoire différente ? »
Obscur comme cette mémoire floue de la guerre. « Il faudrait essayer de recueillir tous ces récits, tous ces non-dits, sur une seule plateforme. Comme pour occulter le schisme, car au final, chacun a gardé sa douleur pour lui-même. »
Il est clair qu'Alfred Tarazi a perdu son enfance – et avec elle l'émerveillement, la découverte – dans les années 80, alors que la guerre faisait rage.
Mais ce qui est moins clair, c'est qu'en pleine adolescence, dans les années 90, il réalise qu'un silence lourd (parfois plus assourdissant que le bruit des armes) a entouré la guerre. Il s'acharne alors à « démystifier pour comprendre, comprendre pourquoi de tels événements ont eu lieu ».
Il est clair que ce travail est réalisé à la manière des frères Lumière, puisque que l'artiste s'est fait cinématographe pour dérouler sa pellicule d'images avec un scénario qu'il a écrit lui-même. « Une de mes démarches se résume à récupérer ces photos et à les remettre en scène. »
Mais l'obscurité se fait totale dès qu'on apprend que la fiction n'est que réel.
Obscur enfin comme cette noirceur/démolition qui envahit l'espace pictural de l'artiste.
Mais clair comme ces pépites dorées parsemées sur les papiers travaillés.

 

Synopsis d'un film réel, toujours en cours

Aux cimaises de la galerie, de grands encadrements en cuivre, aux parois ciselées telles des moucharabiehs. Derrière la vitre, des images, des photos, des histoires, beaucoup d'histoires, défilent comme un film. Elles racontent la guerre, « non pour condamner, ni contester la véracité ni stigmatiser, mais pour comprendre », martèle l'artiste. Deux manivelles servent à faire tourner les images. Le spectateur doit donc s'impliquer, devenir acteur dans la marche de l'histoire. « C'est ce que le Libanais n'a jamais fait », confie Alfred Tarazi qui, par ce travail, commencé en 2005, regroupe des incidents, glane des récits de tout bord afin de construire un mémorial pour tous ces disparus, partis sans avoir jamais su pourquoi. « Les partis politiques impliqués dans la guerre ont publié, de part et d'autre, les photos de leurs martyrs. Mais qu'en est-il des civils ? Qui les dédommagera de la perte de leur droit à la vie ? » Qui remplira les creux de l'histoire et par conséquent les terrains vides de la ville ? Sur la plupart de ces papiers en mixed media se déroulant sur huit et même sur 30 mètres, les images ne s'unissent pas, ne fusionnent pas. Les histoires ne s'entrecoupent donc pas. C'est pourquoi, au centre de la galerie Janine Rubeiz, sous le faisceau de lumière que renvoie la verrière de la toiture, Alfred Tarazi a planté une « Esquisse de mémorial » toute en verticalité. Afin de rendre un hommage aux disparus. Une démarche toujours en cours, issue d'un acte artistique mais surtout citoyen.

 

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