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Culture - Cimaises

Les jeux de caméra et de pinceaux de Richard Estes

On pourrait pousser la porte métallique du fast-food « Diner », saisir une belle orange à « L'Étal » et saliver devant les gâteaux d'une « Pâtisserie ». Jeux de caméra ou de pinceaux ?

Le fast-food « Diner ».

Jeux de caméra et de pinceaux à la fois, magistralement manipulés par Richard Estes dont une cinquantaine d'œuvres sont actuellement en vue au Smithsonian American Art Museum. Reconnu comme le maître de l'hyperréalisme contemporain, cet artiste américain (83 ans aujourd'hui) a réussi une longue et belle carrière (de 1960 à 2013) avec sa perception aiguë de la dynamique des grandes villes, en particulier New York. Il amalgamait savamment les techniques de la photographie et de la peinture dans le but de donner à voir plus de détails picturaux que l'œil n'est pas capable de saisir et qui sont réels, amplifiant ainsi la ressemblance de la représentation. Il commençait par faire de multiples photos de la scène choisie avant de s'installer devant son chevalet pour les fusionner et offrir des visions denses et plus vraies que vraies. Et tellement réalistes que le public en vient à se demander : peinture ou photographie ? Témoins, notamment, les œuvres suivantes : Diner (mettant en relief son architecture géométrique et rutilante), Quincaillerie (où tout est répertorié), Times Square (toujours en éveil), Brooklyn Bridge (presqu'à l'infini), Escalator (vertigineux), Magasin de sucreries (des bonbons à satiété) et Cabine téléphonique (claustrophobique). Car cet artiste est fasciné par le cadre de vie urbain qu'il restitue, tel quel à première vue, mais enrichi par la visualisation de son tréfonds. Certes, grouillant de diversités architecturales et opérationnelles, mais vidé de ses acteurs. Ses rues, ses autobus, ses immeubles, ses magasins sont déserts. Comme pour accentuer l'étrangeté des métropoles.

Portrait de Marguerite Yourcenar
Et si Estes pose parfois un personnage ou deux dans ses toiles, c'est pour montrer le gigantisme de l'infrastructure de la société de consommation. Ce n'est pas pour autant qu'il en ignore le caractère humain, car il a à son actif une série de portraits, néanmoins traités avec une certaine distanciation. Il avait réalisé celui de Marguerite Yourcenar, en 1980, quand elle avait été élue à l'Académie française. Il l'avait représentée debout devant son bureau, meuble qu'il a peint avec son attention scrupuleuse du détail : de la machine à écrire aux notes et aux dossiers, en passant par la panoplie de crayons, rubans adhésifs, etc. Au mur, un accrochage vertical de tableaux. Il avait rencontré la célèbre écrivaine à l'îIe des Monts déserts (État du Maine) où elle vivait et où il venait souvent, fasciné par la solennité et l'épure des paysages de ce lieu. Il peindra cette nature intrinsèquement comme il a restitué la vérité profonde des villes. Ici aussi, les flots, les arbres, les bois sont beaucoup plus réels que ce que l'œil nu peut capter.
Richard Estes est une ressource inépuisable de visions découvertes au fur et à mesure que l'on regarde chacune de ses créations. Sa technique pointue va au-delà de la photographie afin de créer des structures et des perspectives complexes qui semblent simples à première vue. À noter que sa connaissance de la caméra remonte à une enfance dans l'État de l'Illinois. Suivront des études à l'Art Institute de Chicago avant qu'il ne s'affirme sur la scène artistique comme un peintre hyperréaliste. Après New York, sa passion pour l'existence urbaine l'amènera à aller voir ce qui se passe dans les rues de Paris, Florence et Tokyo. Sous ces latitudes, il jouera aussi à la transmutation du réel pour donner la vedette à l'environnement citadin familier. Remettant cent fois son ouvrage de peintre sur la photographie pour volontairement mettre en avant le travail de la main.

Jeux de caméra et de pinceaux à la fois, magistralement manipulés par Richard Estes dont une cinquantaine d'œuvres sont actuellement en vue au Smithsonian American Art Museum. Reconnu comme le maître de l'hyperréalisme contemporain, cet artiste américain (83 ans aujourd'hui) a réussi une longue et belle carrière (de 1960 à 2013) avec sa perception aiguë de la dynamique des grandes...

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