Rechercher
Rechercher

Du Rhin aux conflits hydrauliques du Moyen-Orient : quelles leçons tirer ?

De l’eau pour la paix

De nombreuses industries se trouvent toujours près du fleuve, qui dessert aussi plus de 40 millions d’habitants. D’où la nécessité d’une surveillance rapprochée, qui traverse les frontières.

On entend souvent dire que l’eau sera l’une des principales causes de conflits futurs. Certains ne l’entendent pas de cette oreille. Pour eux, les accords sur l’eau peuvent représenter, au contraire, une voie vers la paix. Cette idée est à l’origine de l’initiative « Blue Peace for the Middle East » (Paix bleue pour le Moyen-Orient), mise en place par le « Strategic Foresight Group », une organisation basée en Inde. Le projet bénéficie d’un financement suisse qui se poursuit pour deux années supplémentaires. Objectif : aider les pays de la région à trouver des compromis pour régler leurs différends sur l’eau.
Comme l’a bien expliqué, au cours de la tournée en Suisse et en Allemagne, Sundeep Waskelar, président du Strategic Foresight Group, l’initiative a été lancée en 2010 dans un Moyen-Orient qui était encore radicalement différent et sur le point de connaître de grandes transformations. « Dans les bouleversements qui ont suivi, toutes les initiatives de ce genre ont été interrompues, seule Blue Peace a démontré sa résilience en demeurant sur les radars des hommes politiques », a-t-il constaté.
L’ancien ministre Mohammad Chatah, membre du Groupe de haut niveau de Blue Peace, se dit convaincu que cette idée est « fondée sur une réalité avérée, celle que le dossier de l’eau est source de grands conflits dans la région et que ces conflits sont appelés à s’aggraver à l’avenir ». « Blue Peace a été conçue comme une initiative préventive pour la promotion d’une option de coopération autour des bassins transfrontaliers, poursuit-il. Cette coopération aux niveaux technique et scientifique éloigne l’option des conflits comme cela a été prouvé en plusieurs parties du monde, étant donné que les pays y voient leurs intérêts communs. Le tout est de définir un cadre de coopération viable. »
Il revient sur l’historique de l’initiative. « Une étude exhaustive sur le dossier de l’eau a été faite pour la région, rappelle-t-il. Dans les réunions qui ont eu lieu après cela, non seulement les techniciens de ces pays étaient conviés, mais également des figures politiques et des journalistes. Il ne s’agit en effet pas d’un problème purement technique, il est crucial que ces informations soient disséminées dans les sociétés de ces pays et qu’elles fassent partie du débat politique. »
Et Blue Peace se poursuit dans des activités qui se veulent de plus en plus concrètes. Sundeep Waskelar a annoncé, durant l’une de ses interventions, le lancement prochain d’un document qui se présentera comme un fondement pratique pour la coopération autour de l’eau au Moyen-Orient. Il sera intitulé « Coopération autour de l’eau pour un monde sûr : focus sur le Moyen-Orient », et bénéficiera d’un soutien de l’Agence internationale suédoise de développement et de coopération. Il comportera de nombreux chapitres pratiques sur les moyens de lancer la coopération, s’attardant sur les accords déjà en place dans le monde et sur les mécanismes permettant d’assurer la réussite de cette entreprise. Avec cette idée chère à M. Waskelar : deux pays qui collaborent sur la gestion de ressources hydrauliques
communes ne penseront plus à la guerre comme une option pour régler leurs différends.

L’Irak dans la tourmente
Durant l’une de ses interventions, M. Waskelar s’est d’ailleurs attaqué à l’un des problèmes d’eau les plus épineux au Moyen-Orient, celui qui oppose l’Irak à ses voisins, notamment la Turquie et l’Iran, sur le Tigre et l’Euphrate. Il a proposé aux représentants d’Irak et de Turquie, présents au cours des débats (même s’ils ne sont pas des représentants officiels des pays), de lancer des négociations plus poussées en vue de s’entendre sur une solution qui satisferait les deux parties, sous l’égide de Blue Peace.
Interrogé par les journalistes sur la gravité de la situation dans son pays, Bakhtiar Amine, ancien ministre irakien des Droits de l’homme, brosse un tableau très noir. « L’essence du conflit vient du fait que les pays où se trouvent les sources des fleuves essentiels affichent une attitude insolente et intraitable, déplore-t-il. La Turquie et l’Iran devraient nous tendre la main et changer d’attitude. »
Il évoque la pollution chronique de l’Euphrate, de neuf fois supérieure aux taux mondiaux, selon lui, sans compter les inondations subies par plusieurs mohafazats d’Irak. « Nous devons coopérer pour y mettre fin », dit-il. Le problème est aussi celui des quotas non respectés : selon M. Amine, la part de l’Irak de ces deux fleuves devrait totaliser 700 mètres cubes par seconde, selon les accords en place. « Avec la centaine de barrages construits par la Turquie, nous n’en recevons que 200, dit-il. La capacité de stockage de l’eau dans ce pays équivaut au débit du Tigre et de l’Euphrate pour trois ans. Quant à l’Iran, il a détourné 24 cours d’eau. »
Les négociations sont aujourd’hui au point mort, selon l’homme politique irakien. « Ils font leur intérêt, c’est leur seul argument, souligne-t-il. Que pouvons-nous opposer à cela ? Mais il est vrai que le Tigre et l’Euphrate sont en danger. Dans les perspectives les plus optimistes, ils devraient s’assécher en Irak d’ici à 2050, alors qu’ils y coulent depuis la nuit des temps. »
On entend souvent dire que l’eau sera l’une des principales causes de conflits futurs. Certains ne l’entendent pas de cette oreille. Pour eux, les accords sur l’eau peuvent représenter, au contraire, une voie vers la paix. Cette idée est à l’origine de l’initiative « Blue Peace for the Middle East » (Paix bleue pour le Moyen-Orient), mise en place par le « Strategic Foresight...