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Culture - Festival international de Baalbeck - Concert

Marcel Khalifé, au nom de la musique et de l’amour

« La mer est pleine, mais je passe mes jours à la remplir de mon regard », disait le poète catalan Joan Vinyoli. Samedi soir, à la Magnanerie de Bauchrieh, Marcel Khalifé a rempli la Méditerranée de son regard et de sa musique. Pleinement. Intensément.

Le violoncelle de Sary répond au oud de son oncle Marcel.

Même si le oud impose au musicien qu’il reste dans la position assise, Marcel Khalifé, ce fils de Amchit, du Liban, mais fils aussi de la terre entière, a montré une fois de plus (outre les centaines de concerts donnés à travers le monde) qu’il était à la fois un musicien et un homme debout.
Bil Bal Oughniya, ce concert traduisant son parcours – depuis ses débuts d’enfant du terroir à sa carrière mondiale –, il l’a offert en toute humilité, pudeur ainsi qu’avec une grande chaleur au public venu nombreux l’applaudir et partager des moments uniques avec ce compositeur-interprète talentueux. Des instants volés au temps ravageur, carnassier.

Défier le temps
Ni les rides qui ravinent légèrement son visage, ni les cheveux blancs, ni les dures expériences qu’il a traversées n’ont eu raison de la voix de Marcel Khalifé, de sa créativité qui parcourt ses doigts et de son âme qui circule dans son oud et surtout, surtout, de sa témérité et de sa persévérance. Apparaissant depuis quelques années avec une longue écharpe de couleur autour du cou, le chanteur avait choisi, pour l’occasion, la couleur blanche sur son habit noir. Signe de deuil pour les victimes des attentats de Tripoli à qui il a rendu hommage au début de la soirée par des vers récités et une minute de silence. Mais aussi signe d’espoir par cette phrase si belle qu’il leur adresse : « Tisbahou ala watan. » Tous ces martyrs endormis dans un sommeil profond hantent Marcel Khalifé dont le travail musical a toujours pris naissance dans ces deux pôles antagonistes : la vie et la mort.


Comme le dit si bien sa chanson, « avec une branche d’olivier dans la main et un cercueil sur les épaules », le musicien continue à marcher. Entraînant avec lui une foule de pacifistes qui croient encore à cette « Mare Nostrum » où l’on vit. Un berceau de civilisations, un carrefour de croyances et une mosaïque linguistique et culturelle multiforme. Malgré toutes les violences et les guerres qui les ont meurtris depuis des âges, les cicatrices et les blessures, la mer et ses rivages demeurent cet espace de dialogue et de rencontre entre les peuples. Et Marcel Khalifé continue à être le chantre de cette mer, à en traduire ses tourments. À chanter l’amour, la nature et tous les marins qui ont réussi à transmettre l’alphabet au monde entier et à transporter les parfums d’ambre et de vins ainsi que le papyrus, le blé et la couleur pourpre.


Son répertoire, composé de ballades, de complaintes d’amoureux, d’hymnes à la liberté, de poèmes de Mahmoud Darwish et même d’inspirations de chants liturgiques, il l’a présenté avec générosité à l’audience captivée et émue, faisant revivre le Liban d’antan et rappelant que tel est son vrai visage et que personne n’a le droit de le défigurer. Accompagné de son neveu Sary au violoncelle, un jeune talent à suivre (il a poursuivi ses hautes études au Conservatoire en France), Marcel Khalifé a fait briller des myriades d’étoiles.


Il faisait bon ce soir-là à la Magnanerie de Bauchrieh. Il faisait même doux. Malgré la tristesse ambiante, les promesses de jours noirs et la nostalgie du temple de Bacchus que l’artiste n’a cessé d’évoquer en promettant que l’année prochaine le public, tout le public, y sera, remerciant au passage les organisateurs du festival de l’avoir invité et d’avoir tenu à ce que cette manifestation artistique ait lieu. Malgré tous ces fantômes et ces spectres qui enveloppent le pays du Cèdre jusqu’à l’étouffement, le musicien – en totale osmose avec son oud, auquel le violoncelle du jeune Sary donnait une résonance plus intense – a été ce bol d’air pur, cet espace de plénitude, de paix et de sérénité que rien ne pouvait ébranler.

 

 

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