Parce que les Libanais vivent dans la grande angoisse de l’insécurité et celle de replonger dans la guerre civile ;
Parce que l’incapacité de l’Etat à assurer ses fonctions dans l’ensemble de ses domaines de responsabilité, sécuritaires, politiques, sociaux, le transforme inéluctablement en « Etat failli » ;
Parce que les acteurs du système politique communautaire imposent aux Libanais l’agenda de leurs divergences et de leurs paris hasardeux ;
Parce que l’illusion de « l’Etat communautaire » s’est effondrée et que le système politique a perdu toute légitimité et toute capacité à perdurer ;
Parce que sauver le Liban suppose de prendre l’initiative de rebâtir l’Etat, ainsi que son système politique, économique et social, sur les bases de la citoyenneté, de la justice, et de la dignité humaine…
Nous vous appelons à participer à la conférence de salut national qui se tient à l’hôtel Monroe, en face du Phœnicia, samedi 15 juin 2013 à 11 heures.
Les signataires de l’appel :
Castro Abdallah, Antoine Abi Haidar, Pierre Abi Saab, Sarkis Abou Zeid, Michel Akl, Hassan Al Abdallah, Youssef Al Achkar, Rony Al Assaad, Nassif Al Azzi, Abderrahman Al Bizri, Marie Al Debs, Ibrahim Al Halabi, Oumaima Al Khalil, Samir Al Makdissi, Zafer Al Moqqadem, Bachir Al Murr, Ziad Al Rahbani, Raghid Al Solh, Ghada Al Yafi, Abdelkader Alameddine, Rafiq Ali Ahmad, Maroun Aoun, Nabil Arja, Sassine Assaf, Hassan Awada, Jean Aziz, Ziad Baroud, Ghaleb Bou Mosleh, Georges Corm, Massoud Daher, Bassam Daou, Ghania Doughan, Rahif Fayad, Sayed Frangié, Raymond Frem, Hanna Gharib, Khaled Hadadé, Grégoire Haddad, Hayyan Haidar, Hassan Hamadé, Kamal Hamdan, Mohammad Hamdan, Jamal Hermez Ghobril, Samah Idriss, Nawwaf Kabbara, Amine Kammourié, Marcel Khalifé, Fouad Khalil, Fadia Kiwan, Albert Mansour, Ghassan Matar, Kamel Mehanna, Adnan Melki, Elham Moubarak, Ezzat Mroué, Issam Naaman, Omar Nachabé, Charbel Nahas, Emilie Nasrallah, Oussama Saad, Elias Saba, Nizar Saghié, Talal Salman, Nasri Sayegh, Khodr Slim, Sleiman Takieddine, Najah Wakim
APPEL POUR SAUVER LE LIBAN ET REFONDER L’ETAT
Le Liban traverse une période très difficile, lourde de menaces pour son ordre social, alors que l’Etat en panne n’est désormais plus capable, même a minima, ni de gérer les conflits qui bouleversent son environnement régional immédiat, ni d’empêcher les conséquences dévastatrices de ces conflits sur la scène intérieure libanaise.
L'approche objective de la situation de notre pays aujourd’hui et de son avenir proche dont les contours sont désormais clairs, nous place face aux réalités suivantes :
1 – L’incapacité de l’Etat à assumer ses fonctions essentielles dans tous ses domaines de responsabilité se confirme de jour en jour, que ce soit en matière de défense, de politique étrangère, de sécurité ou de préservation de l’unité nationale. Sans compter qu’il continue de manquer à toutes ses obligations en matière de provision des services publics, de gestion de l’économie, de protection sociale ; qu’il ne parvient pas à appliquer la loi pour lutter contre le crime, la corruption et les fraudes et que ses institutions formelles ont totalement failli à encadrer les conflits des acteurs politiques.
2 – Après que le système politique fondé sur le partage communautaire de la population libanaise et des fonctions de l'Etat a perdu les appuis extérieurs qui avaient permis, après la guerre, de le constituer et de l'imposer aux Libanais puis de le proroger artificiellement, il n’est désormais plus en mesure de préserver la légitimité, même formelle, des institutions constitutionnelles de l’Etat. La Chambre des députés perd sa légitimité à partir du 20 juin 2013, car toute prorogation de son mandat équivaut à un coup d'Etat caractérisé. Quant au gouvernement, s’il était formé, il se retrouverait face à un Parlement illégitime dans l’incapacité de lui accorder à son tour une quelconque légitimité. La même équation s’appliquera dans quelques mois à la présidence de la République au moment de l’échéance présidentielle.
3 – La pérennité de l'Etat libanais est menacée, dans les faits et dans la légalité, ce qui induit de nombreuses conséquences dangereuses, parmi lesquelles :
a - L’écrasante majorité des ménages dont les actifs travaillent au Liban et dont les rémunérations sont en livres libanaises, en particulier les fonctionnaires de l’Etat et les employés des institutions publiques (fonctionnaires civils et militaires et contractuels), sont exposés à la perte de leurs revenus et de leur épargne, comme cela s'était passé dans les années 1980 au Liban et comme cela se passe en ce moment même ailleurs dans le monde ; ce qui provoquerait un véritable séisme social.
b – Les Libanais ont désespéré de l’Etat, du recours aux administrations publiques, aux forces de sécurité et aux organes judiciaires, ce qui les pousse toujours davantage à émigrer ou à s'inféoder aux chefs communautaires et à se soumettre aux puissance de l'argent qui détiennent le pouvoir véritable dans le pays. C'est ainsi que les tempêtes régionales se transforment en une dynamique de guerre civile au Liban que personne n'est en mesure de prévenir, ni même de gérer.
c – L'effondrement de l’Etat libanais privera le pays de la protection que lui assurent le droit international et les Nations unies et ouvrira la voie aux ingérences extérieures les plus insolentes et les plus dangereuses.
Face aux tragédies dont souffre la région, les Libanais ne sont pas les seuls otages des passions communautaires ; les chefs communautaires sont désormais eux-mêmes prisonniers des rôles qui leur sont impartis par le système communautaire et des prescriptions liées à leurs engagements extérieurs ; ils ont perdu toute marge de manœuvre alors même que le Liban a besoin de grandes décisions. Le système politique sécrète ainsi lui-même les angoisses dont se nourrissent en retour les passions communautaires.
Ce cycle infernal n’est pourtant pas une fatalité. Au contraire. D'autant qu'il n’a aucune justification constitutionnelle ou légale. Il est important de rappeler à cet égard quelques vérités que les piliers du système n’ont eu de cesse de vouloir faire oublier :
- Le système politique communautaire contrevient aux principes essentiels de la citoyenneté qui supposent l'égalité des citoyens dans leurs droits et devoirs. Il contrevient aussi aux principes essentiels de la constitution libanaise qui établit que le « pouvoir émane du peuple » et qui consacre « la liberté absolue de conscience ». Cela signifie tout simplement que l’appartenance de tout Libanais à telle ou telle communauté ne peut relever que d’une démarche personnelle volontaire. En conséquence, tout système électoral ou administratif classant automatiquement et sans leur consentement les Libanais dans des communautés est nul.
- Les communautés, dans leur acception légale, ne sont pas des entités autonomes. Ce sont des entités sociales que l’Etat a reconnues pour leur conférer le statut d’entités légales, dans la logique de la liberté de croyance et de la tolérance. Mais ces entités se sont transformées en pratique en entités politiques qui se sont substituées à l’Etat.
- Leur emprise n'a pu se renforcer et se consolider en dépit de l’élévation régulière du niveau d'éducation des Libanais et des souvenirs amers de leur expérience du communautarisme que pour deux raisons: la déliquescence de l'Etat et son asservissement aux intérêts des puissants d'une part et, d'autre part, l'obligation pratique pour les Libanais de recourir aux “zuama” communautauraires pour accéder aux services, bénéfices et protections que le système socio-économique injuste, fondé sur les rentes, l'accaparement et le commerce des allégeances, leur refuse.
- Du point de vue des valeurs humaines et religieuses, la foi est un acte personnel et libre. Le communautarisme, dès lors qu'il s’institutionnalise et qu'il s'impose à tous, contredit ces mêmes valeurs. Les communautés confessionnelles, dès lors qu'elles passent du statut de structures sociales à celui de structures politiques fondées sur la asabiya, le monolithisme et le rejet de l'autre, qu’elles se comportent en entités indépendantes, ayant leurs propres intérêts, ambitions et projets, tant à l'intérieur du Liban qu'à l’extérieur, conduisent à la dislocation de la société et l'effritement de l’Etat. Il faut savoir que les communautés ne sont pas seulement confessionnelles, mais peuvent aussi coller à des particularités linguistiques ou lignagères. L’histoire démontre que les cohésions communautaires ont été des réponses à des systèmes de pouvoir tyranniques, notamment ceux qui ont cherché à se légitimer par la religion. Il est vrai aussi qu'on trouve aujourd'hui dans la région des régimes et des mouvements despotiques qui prétendent se légitimer par la religion et qu'il faut affronter. Mais cette confrontation ne doit pas s'appuyer sur le renforcement du sentiment communautaire. Car le communautarisme nourrit le fanatisme religieux majoritaire d’une part et, de l’autre, pousse les communautés confessionnelles à s'inféoder aux puissances de l’argent et aux puissances étrangères. Ce qui accentue la dislocation de la société et l'effritement de l’Etat. La confrontation ne peut être menée qu’en réaffirmant les fondements de l’Etat civil et démocratique sur la base de la citoyenneté, un Etat qui ne défend pas les intérêts des communautés mais ceux des citoyens. Lui seul protège la liberté de conscience des individus et leur dignité.
C’est pourquoi,
A la lumière de ce qui précède, les signataires de cet appel tiennent à affirmer leur diagnostic du problème et à poser les bases d'une solution :
Premièrement :
Les parties impliquées dans le système politique communautaire imposent au Liban l’agenda de leurs affrontements et de leurs paris. Elles sont désormais globalement devenues incapables de répondre à l'exigence de tranquillité et de dignité des citoyens. Elles ne sont en mesure, au meilleur des cas, que d’ajourner l’effondrement total du système et avec lui la rupture de la paix civile. Même cet ajournement ne peut se produire qu'aux dépens des structures de l’Etat et de sa légitimité. Le Liban a de toute urgence besoin d’un autre ordre du jour.
Deuxièmement :
Pour sauver le Liban, il faut prendre l’initiative de refonder l’Etat et le système politico-économique sur la base de la citoyenneté, de la justice sociale et de la dignité humaine. L’illusion de « l’Etat communautaire » s’étant effondrée, le système en place a perdu sa légitimité et son efficacité, il a défiguré la mémoire des Libanais et dissipé leurs énergies et leurs espoirs.
Pour que l’État soit légitime et efficace, il faut : 1 – asseoir une référence de légitimité civile stable à l’Etat ; 2 – établir des mécanismes efficaces et directs de représentation des citoyens et de contrôle par les citoyens, sans entités intermédiaires telles que les zaamat communautaires et 3 – assurer le fonctionnement régulier des pouvoirs exécutif et judiciaire. Ces trois piliers font aujourd’hui défaut au Liban.
Troisièmement :
Alors que nous assistons à l'effondrement successif des institutions constitutionnelles, à commencer par la Chambre des députés, afin d'éviter celui de l’administration, armature de l’Etat, et en vue d’assurer la gestion de la phase de transition qui nous est imposée en évitant de passer par des séquences de violences et d’attendre des arrangements ou des diktats extérieurs, l’étape décisive sur la voie de la construction d’un nouveau système pour refonder l’Etat est l'émergence d’une « commission constituante transitoire » jouissant de la confiance des Libanais, dans laquelle seront représentées toutes les composantes de la société : celles dont les intérêts sont liés au maintien de l’Etat, en rapport à leurs poids dans la société et en reconnaissance du degré de leur implication dans ses intérêts à long terme ; dans une composition qui sera nécessairement transversale par rapport aux groupements communautaires en place et affranchie des injonctions despotiques
Il faut aussi que cette commission constituante transitoire inclue des compétences intellectuelles, culturelles, scientifiques, ainsi que des représentants de la jeunesse, de manière à faire primer l’intérêt général sur les intérêts des puissants, de leurs paris et de leurs compromissions.
Quatrièmement :
Les missions urgentes de la commission constituante transitoire seront :
a – de promulguer une déclaration constitutionnelle provisoire qui assure les conditions d'émergence d'un Etat civil et démocratique et qui organise la gestion de la période transitoire d'une manière ordonnée et sereine.
b – sur la base de cette déclaration constitutionnelle provisoire, d’organiser l’élection d’une « assemblée constituante » chargée de rédiger une constitution permanente fondée sur les principes de la citoyenneté, de la démocratie et de la justice sociale que les Libanais seront appelés à adopter par voie de référendum.
A la lumière de ce qui précède, les signataires de cet appel s’adressent à toutes les forces, tous les individus, tous les mouvements, associations, organismes civils, scientifiques, juridiques, aux syndicats, aux ordres professionnels, ainsi qu'à toutes les forces populaires soucieuses de l'intérêt du pays, pour les inviter à se joindre à ce processus salvateur.
Il ne sera possible de former cette commission constituante transitoire et de lui conférer la légitimité nécessaire qu’à condition de lui rallier la majorité des Libanais à travers des combats politiques et sociaux sur l’ensemble des terrains de la vie publique. Seul un projet politique clair et rassembleur est en mesure de renforcer l’esprit de confrontation sur les divers espaces syndicaux, intellectuels, juridiques ou parmi les jeunes. Les mobilisations sur ces espaces alimenteront à leur tour le mouvement de salut national. C’est ainsi que l’angoisse et la dispersion des Libanais se transformeront en espérance, en prise de conscience et en volonté organisée pour sauver la patrie et refonder l’Etat.
Le processus de salut national passe par deux étapes décisives :
- La première consiste à organiser une « conférence nationale de salut » en vue d’asseoir les fondements et le diagnostic du problème et de dessiner les contours et les conditions de la solution, non seulement sur le plan constitutionnel ou sur le plan de la représentation, mais aussi à tous les niveaux qui sont nécessaires à l’établissement d’un nouveau contrat social. Son ordre du jour portera sur les préoccupations réelles des citoyens et leurs aspirations.
- Dans une seconde étape, la conférence nationale se chargera d’organiser les « journées des choix nationaux » afin de lancer des chantiers de discussion et de trancher les choix essentiels dans les grands domaines de la vie publique, juridiques, sociaux, économiques, institutionnels, en fonction des intérêts supérieurs de la société, et ce avec le concours des experts et des personnes concernés.
Nous sommes entrés dans une période de grands changements, sur la scène mondiale et régionale. Cette ébullition affecte notre environnement social et mobilise notre jeunesse. Il est désormais possible et même nécessaire de ressusciter l’héritage politique de cette société, dans toutes ses composantes, de l'affranchir des accusations réciproques et de clôturer une phase de quarante ans de souffrances et d'errements, de ranimer et de réhabiliter l'action politique.
Le danger est réel et imminent, le système failli s'effondre, l’initiative est un devoir, et le changement possible.
La conférence nationale à laquelle nous vous appelons à participer est une première étape sur la voie du salut et de la refondation de l’Etat. Un plan d'action pour réaliser les objectifs énoncés ci-dessus y sera présenté et un comité de suivi émanant de la conférence sera constitué.
Votre participation active à cette conférence sera la garantie de son succès.
Parce que l’incapacité de l’Etat à assurer ses fonctions dans l’ensemble de ses domaines de responsabilité, sécuritaires, politiques, sociaux, le transforme inéluctablement en « Etat failli » ;
Parce que les acteurs du système politique communautaire imposent aux...
J'avoue n'avoir pas tout lu, pouviez pas la faire plus courte, mais pourquoi pas, bonne initiative !
12 h 57, le 10 juin 2013