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Moyen Orient et Monde

Un monde sans l’Amérique

Richard N. Haass est président du Conseil des relations extérieures et l’auteur de « Foreign Policy Begins at Home : The Case for Putting America’s House in Order » (« Une politique extérieure qui commence par les affaires intérieures : plaidoyer pour mettre de l’ordre dans les priorités américaines ».

Je voudrais d’emblée avancer l’idée assez peu répandue que les principales menaces avec lesquelles les États-Unis doivent composer maintenant ou dans un proche avenir ne découlent pas de la montée de la Chine, du comportement irrationnel de la Corée du Nord, d’un Iran doté de l’arme nucléaire, des nouvelles formes de terrorisme ou des changements climatiques. Même si ces facteurs constituent des menaces potentielles ou réelles, les enjeux les plus importants auxquels les États-Unis doivent faire face gravitent autour de sa dette galopante, de ses infrastructures en décrépitude, de la qualité médiocre de son système d’enseignement primaire et secondaire, de son système d’immigration désuet et de la faiblesse de sa croissance économique : des éléments qui affectent directement les forces vives de la nation américaine.
Les lecteurs dans d’autres pays pourront être tentés de se réjouir, un tant soit peu, des difficultés des États-Unis. Une telle réaction ne devrait surprendre personne. Les États-Unis et ceux qui les représentent ont été accusés d’arrogance, car les États-Unis peuvent souvent être considérés comme une nation incontournable, mais il serait préférable si c’étaient les autres pays qui attiraient l’attention sur ce point. De plus, les exemples d’incohérences entre ce que les États-Unis pratiquent et ses principes suscitent à juste titre des accusations d’hypocrisie. La source de ressentiment réside dans le fait que les États-Unis n’appliquent pas les principes que ses propres représentants prêchent aux autres. Mais, comme pour d’autres tentations, il est de mise de résister à l’envie de se réjouir des imperfections et des difficultés des États-Unis. Les gens du monde entier doivent prendre garde de ne pas souhaiter trop fort que les États-Unis ne réussissent pas à résoudre ses problèmes intérieurs, car le prix d’un tel dénouement pourrait bien être exorbitant. En fait, le reste du monde a presque autant intérêt au succès des États-Unis que les Américains eux-mêmes.
Une partie de la raison est économique. L’économie américaine compte encore pour le quart de la production mondiale. L’accélération de la croissance américaine augmentera le pouvoir d’achat des États-Unis pour des biens et services d’autres pays, améliorant du même coup les perspectives de croissance mondiale. Au moment où l’économie de l’Europe est à la dérive et où celle de l’Asie se refroidit, les États-Unis (ou, plus précisément, l’Amérique du Nord) ont le potentiel de remettre l’économie mondiale sur les rails de la relance.
Les États-Unis sont encore un formidable creuset d’innovations. La plupart des citoyens du monde communiquent par l’entremise d’appareils portables dont la technologie est issue de Silicon Valley; comme Internet qui a pris son essor en Amérique. Plus récemment, de nouvelles technologies créées en Amérique augmentent grandement la capacité d’extraction de pétrole et de gaz naturel. Ces technologies de forage sont en train de faire le tour de la planète entière, ce qui permet à d’autres sociétés d’accroître leur production énergétique et de diminuer leur dépendance des importations tout en réduisant leurs émissions de carbone.
Les États-Unis sont également une source inépuisable d’idées. Leurs universités de classe internationale forment une forte proportion des futurs dirigeants du monde. Plus fondamentalement, les États-Unis ont été à la fine pointe de tout ce que les économies de marché et la démocratie politique peuvent accomplir. Les gens et les gouvernements du monde entier seront d’autant plus ouverts que le modèle américain sera perçu comme une réussite.
Enfin, la communauté internationale fait face à plusieurs défis importants : elle doit stopper la prolifération des armes de destruction massive, lutter contre les changements climatiques et maintenir un ordre économique mondial qui facilite le commerce et l’investissement. Elle doit aussi se préoccuper de la réglementation des pratiques dans le cyberespace, de l’amélioration de la santé dans le monde et de la prévention de conflits armés. Ces problèmes ne s’en iront pas de sitôt et ne se régleront pas d’eux-mêmes.
Même si la « main invisible » d’Adam Smith est ce qui fait fonctionner le libre marché, elle est inopérante dans le monde de la géopolitique. Pour atteindre un certain équilibre dans les affaires mondiales, une main dirigiste visible est nécessaire pour formuler et réaliser des solutions mondiales aux problèmes mondiaux.
Ne nous méprenons pas !
Rien de tout cela ne veut dire que les États-Unis peuvent vraiment régler tous les problèmes du monde. L’unilatéralisme produit rarement l’effet désiré. Ce n’est pas simplement que les États-Unis n’en ont pas les moyens ; la nature même des problèmes mondiaux contemporains nous permet de penser que seules les mesures collectives ont de bonnes chances de réussite.
Évidemment, il est plus facile de faire l’apologie de solutions multilatérales que de les formuler et de les mettre en œuvre. Pour l’instant, un seul candidat est prêt à jouer ce rôle : les États-Unis. Aucun autre pays n’a la combinaison requise de la capacité et de la volonté de le faire.
Ce qui me ramène à l’argument que les États-Unis doivent remettre de l’ordre dans leurs affaires intérieures, sur les plans économique, matériel, social et politique, pour que le pays puisse disposer des ressources requises pour assurer la paix dans le monde. Tout le monde devrait espérer que l’Amérique y arrive : la perspective d’un monde mené par les États-Unis n’est pas un monde dirigé par la Chine, l’Europe, la Russie, le Japon, l’Inde ou tout autre pays, mais plutôt un monde qui serait à la dérive où crises et conflits chroniques régneraient fort probablement. Une situation dont les Américains pâtiraient certainement, mais également la grande majorité des habitants de la planète.

Traduit de l’anglais par Pierre Castegnier
© Project Syndicate, 2013.
Je voudrais d’emblée avancer l’idée assez peu répandue que les principales menaces avec lesquelles les États-Unis doivent composer maintenant ou dans un proche avenir ne découlent pas de la montée de la Chine, du comportement irrationnel de la Corée du Nord, d’un Iran doté de l’arme nucléaire, des nouvelles formes de terrorisme ou des changements climatiques. Même si ces...

commentaires (3)

Alors que les Americains foutent la paix a la planete entiere et qu'ils reglent tous leurs problemes internes! Comment ca, tout le monde sera content et la paix regnera dans le monde entier...

Michele Aoun

15 h 42, le 07 mai 2013

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Commentaires (3)

  • Alors que les Americains foutent la paix a la planete entiere et qu'ils reglent tous leurs problemes internes! Comment ca, tout le monde sera content et la paix regnera dans le monde entier...

    Michele Aoun

    15 h 42, le 07 mai 2013

  • Je préfère de loin un monde sans le Hezbollah !

    Robert Malek

    04 h 01, le 05 mai 2013

  • Ce que le yankyland a perdu c'est sa credibilite en s'alignant sur des politiques injustes et nefastes, cet article est entrain de nous prendre en chantage, disant que meme si les yanky font des erreurs et du tort au monde, nous autres citoyens du monde on devrait souhaiter qu'ils reussissent parce que personne au monde ne pourra les suppleer. Les civilisations passes ont disparu d'autres ont pris la releve, avec des transitions douloureuses certes , mais l'histoire se repetera em begueyant peut etre, mais l'amerique est a bout de soufflé et en decadence totale, d'autres assureront la continuite pour un monde plus juste.Richard N, Haas est le seul qui ne voit pas qu'on est en plein changement d'ere.

    Jaber Kamel

    01 h 49, le 05 mai 2013

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