Pour la CNIL, Internet et les réseaux communautaires permettent à l’individu de s’exprimer et de devenir «une personne publique», jusqu’au «dévoilement de soi» et au «marketing de soi», et la commission se pose la question du «sens que peut avoir la protection des données» ou d’ « inventer une régulation du “regardeur”» de ces informations confidentielles.
«Depuis le milieu des années 2000, il y a une nouvelle “expressivité”, à travers des manifestations de soi, de monsieur Tout-le-monde, du citoyen lambda, qui est issue du désir d’individualisme contemporain et celui d’être des êtres singuliers dans un univers de relations», a résumé le sociologue Dominique Cardon. Il évoque ainsi une sorte de «format» dans lequel les individus sont amenés à «se présenter, à se mettre en scène». «Bien sûr, on ne montre pas toute son intimité, mais on construit ce qui peut être théâtralisé et mis en scène de soi», précise-t-il.
Pour Christine Balagué, titulaire de la chaire Réseaux sociaux à l’Institut Mines-Télécoms, «le marketing de soi n’est pas un phénomène nouveau, mais découle du traditionnel besoin de l’individu à la gratification».
Et on retombe alors sur le refrain classique «j’ai peur de l’utilisation de mes données, mais je continue de les exposer», renchérit Dominique Cardon. «Peut-on protéger les citoyens contre eux-mêmes, quand ils veulent décider eux ce qui est privé ou public? Il y a une revendication de l’individu à placer lui-même le curseur de ce qui est privé ou pas», tient à souligner M. Cardon, également membre du comité de la prospective de la CNIL.
Se pose ainsi la question de la définition des sphères publiques et privées, et de la frontière entre ce qui est considéré comme une donnée publique ou une donnée confidentielle.
«Nous faisons le constat d’une application difficile du droit. Aujourd’hui, la vie privée n’est pas définie», a résumé Olivier Iteanu, avocat à la cour d’appel de Paris et enseignant en droit numérique.
«On pourrait réguler ces questions, mais l’espace public/privé n’a pas de définition, la frontière entre la vie privée et la vie publique est individualisée» par chaque internaute, renchérit Dominique Cardon. Selon lui, l’espace relationnel que tisse au fil du temps chaque utilisateur sur les réseaux sociaux «est une construction qu’il pense maîtriser, il n’a pas l’impression d’être dans le domaine public».
Christine Balagué estime que ce sont surtout les jeunes qui pensent «qu’ils contrôlent leurs données personnelles, et qui pensent qu’ils savent qui les regarde». «Mais c’est un leurre, ils n’ont pas conscience de ce qui peut être fait avec leurs données personnelles», prévient la coprésidente du «think tank» Renaissance numérique, selon laquelle une des solutions est «l’éducation au numérique, pour faire en sorte que les citoyens comprennent mieux les enjeux».
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