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Dernières Infos - Violences

Des centaines d'exécutions par les deux camps en Côte d'Ivoire

Deux tiers des personnes tuées pendant la guerre civile de l'an dernier en Côte d'Ivoire ont été sommairement exécutées, dont nombre d'entre elles par des combattants favorables à l'actuel président Alassane Ouattara, montre un rapport d'enquête d'une commission gouvernementale que Reuters a pu consulter vendredi.

Cette enquête pourrait ouvrir la voie à des poursuites contre les protagonistes des deux camps dans ce conflit qui a fait plus de 3.000 morts.

S'appuyant sur quelque 16.000 entretiens, la commission nationale d'enquête (CNE) a étudié les violences commises entre octobre 2010 et mai 2011 et recensé meurtres, viols, tortures, disparitions forcées et attaques contre les populations civiles.

"La CNE note que, parmi les 3.248 victimes enregistrées, figurent 2.241 cas d'individus sommairement exécutés pour d'apparentes raisons politiques et/ou ethniques", peut-on lire dans le rapport, qui n'a pas été rendu public officiellement.

Le conflit a éclaté après le rejet par le président d'alors, Laurent Gbagbo, du résultat de la présidentielle d'octobre et novembre 2010 donnant la victoire à son rival Alassane Ouattara, après huit ans de blocage politique consécutif à la guerre civile de 2002 qui a coupé le pays entre Nord et Sud.

Début 2011, les affrontements se généralisent avant de se terminer avec la capture le 11 avril de Laurent Gbagbo, qui est actuellement poursuivi par la Cour pénale internationale pour crimes de guerre, et dont la plupart des alliés politiques et militaires sont détenus en Côte d'Ivoire ou vivent en exil.

La CNE estime dans son rapport que 1.009 exécutions sommaires ont été commises par les forces pro-Gbagbo - armée, milices financées par l'ex-président, mercenaires libériens - et 545 par les Forces républicaines de Côte d'Ivoire (FRCI) pro-Ouattara. Environ 200 autres personnes ont été exécutées par des chasseurs traditionnels dozos, qui ont très majoritairement soutenu Ouattara et combattu au côté des FRCI.

Le reste des exécutions est attribué à des combattants sans affiliation déterminée ou à des groupes locaux d'autodéfense.

Selon la commission, les deux camps ont commis des actes qui constituent probablement des crimes de guerre et crimes contre l'humanité. La CNE ne précise pas si les exécutions visaient des combattants ou des civils.

 

Même si ces conclusions n'ont pas la valeur d'une enquête judiciaire formelle, la commission appelle à "l'ouverture de poursuites contre les auteurs présumés de violations sans égard pour leur statut social".

Cependant, le rapport de 34 pages consulté par Reuters - la version qui devrait être rendue publique - ne mentionne pas les noms des individus soupçonnés d'être directement responsables de ces crimes.

Alassane Ouattara, aujourd'hui à la tête de l'Etat, a été accusé par des groupes de défense des droits de l'homme d'avoir appliqué une "justice des vainqueurs" en arrêtant une centaine de partisans de Gbagbo sans agir contre les partisans de son propre camp également soupçonnés de crimes graves.

Le président ivoirien a assuré à plusieurs reprises qu'il attendait les conclusions de la CNE pour entreprendre d'autres poursuites.

"Une fois que nous aurons les conclusions, quiconque sera impliqué dans ces crimes sera poursuivi. Personne ne sera protégé", a-t-il affirmé la semaine dernière dans une interview à la BBC.

"Je veux l'Etat de droit en Côte d'Ivoire. Nous laisserons les tribunaux faire leur travail. Je n'interférerai pas. Et je pense que c'est le seul moyen de panser les blessures."

La CNE a présenté officiellement son rapport à Ouattara mercredi et selon une source proche de la présidence, le document sera publié sans tarder, peut-être cette semaine.

Un responsable de Human Rights Watch pour l'Afrique de l'Ouest, Matt Wells, estime que "le travail réussi de la commission pour recenser les atrocités commises par les deux camps devrait accélérer la justice impartiale promise par le président Ouattara".

"Cependant, des précisions sur des événements spécifiques et sur la chaîne de responsabilité brillent par leur absence dans la version du rapport qui sera rendue publique. La population ivoirienne a le droit de consulter l'ensemble du travail de la commission", ajoute-t-il.

Deux tiers des personnes tuées pendant la guerre civile de l'an dernier en Côte d'Ivoire ont été sommairement exécutées, dont nombre d'entre elles par des combattants favorables à l'actuel président Alassane Ouattara, montre un rapport d'enquête d'une commission gouvernementale que Reuters a pu consulter vendredi.
Cette enquête pourrait ouvrir la voie à des poursuites contre les...