« Depuis septembre, les rapts d'enfant se sont accrus. Nous connaissons au moins dix cas, mais en réalité, il y en a bien plus », affirme le chef adjoint de la police régionale, le général Torhan Youssef. « Deux ont été libérés par nos forces, un enfant a été relâché après paiement d'une rançon, trois autres l'ont été après négociations directes entre les parents et les ravisseurs, et quatre, dont deux filles, sont toujours séquestrés », a-t-il ajouté. Les quatre jeunes encore détenus sont un sunnite de 12 ans enlevé le 23 octobre, un Kurde de 16 ans kidnappé le 27 octobre et deux Turcomanes de 13 et 14 ans enlevées les 29 octobre et 1er novembre, selon la police. En général issus de familles aisées, ils ont tous disparu sur le chemin de l'école. « Beaucoup de familles n'osent pas nous signaler la disparition de leur enfant soit par peur des ravisseurs, soit parce qu'ils n'ont pas confiance dans nos services, ou encore pour des convenances sociales quand il s'agit de filles », assure le général Youssef.
La semaine dernière, la police avait annoncé la libération de deux écoliers turcomans de 14 ans, enlevés le 20 octobre alors qu'un chauffeur les conduisait dans une école turque du centre-ville. Le premier, Ahmad Mohammad Noureddine, est le fils d'un célèbre ophtalmologue, et le second, Judat Sonay, appartient à une riche famille. Les parents d'Ahmad ont refusé de payer une rançon alors que ceux de Judat ont déboursé 50 000 dollars, selon la police.
Le général Youssef assure que « les ravisseurs n'agissent pas pour des motivations politiques, mais pour des rançons », dans une ville où les tensions sont vives. Les Kurdes, qui s'estiment majoritaires, sont accusés par les Arabes et les Turcomans de s'installer en masse pour modifier l'équilibre démographique.
Pour le psychologue Abdel Karim Khalifa, « les familles sont traumatisées car les mafias croissent en l'absence d'autorité gouvernementale et à cause de la faiblesse des forces de sécurité ». « Les auteurs des rapts crapuleux appartiennent à toutes les confessions, et ils choisissent des étudiants et des élèves car il s'agit de proies faciles », note-t-il.
Cheikh Othmane partage cet avis. « Les bandes criminelles et les tueurs vivent en bonne intelligence en dépit des problèmes ethniques et confessionnels car ils partagent les bénéfices du crime alors que nos hommes politiques sont incapables de se mettre d'accord », dit-il. Pour son fils, l'enlèvement restera une épreuve qui le hantera pendant longtemps. « Je suis encore sous le choc car j'ai vécu avec la mort, raconte Mohammad. Ils m'avaient enchaîné et me frappaient. J'étais dans l'obscurité car ils m'avaient bandé les yeux. Ils ne me donnaient qu'un morceau de pain et un peu d'eau. »
La psychose des enlèvements pousse les parents à prendre des précautions. « Nous avons peur. Je conduis moi-même et je vais chercher ma fille de 14 ans à l'école. J'ai les numéros de téléphone des enseignants en cas d'urgence », explique Oum Rouha, une mère de famille qui préfère taire son nom.
Marwan IBRAHIM (AFP)
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