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Mode - Portrait

Mounir Moufarrige, un visionnaire de la mode

L'accent aidant, longtemps il s'est prétendu italien. « J'ai quitté le Liban en 1975, au premier coup de feu. Tout de suite, j'ai senti que le pays était trop petit pour moi », révèle Mounir Moufarrige. Né dans une famille de commerçants spécialisés dans les articles pour fumeurs, son coup d'essai est la transformation du gros stylo Masterstück de Montblanc en must have. « Ce stylo viril, phallique, laid, est devenu un symbole intellectuel, le talisman de tous ceux dont le métier est d'écrire ou de signer », explique l'homme d'affaires libanais. L'engouement pour cet objet improbable n'est pas près de retomber. « Une fois le succès atteint, le tout est de perdurer », ajoute-t-il. Une devise.
Pour « rester vivant », Moufarrige n'hésite pas devant les obstacles. Parachuté à la tête de la  maison Chloé, dont Karl Lagerfeld est le directeur artistique, il se résout non sans culot à une séparation à l'amiable de ce dernier, remplacé par Stella McCartney qui apporte à la griffe le souffle qui lui manque. « Depuis, Stella McCartney travaille sous sa propre signature. Je l'ai remplacée par Phoebe Philo, qui est devenue une star et qui est désormais la styliste en chef de Céline », raconte Moufarrige. Une expérience qui lui a donné une vocation de découvreur de talents.
Copropriétaire de la maison Ungaro, il met son flair à profit pour, d'une part, promouvoir les talents féminins, « chose rare dans la mode depuis que Charles Worth en a fait un domaine masculin dès 1890 », et, d'autre part, rejoindre le cercle très fermé des créateurs de tendance. Deux objectifs qui se traduisent par la désignation de Estrella Archs - une grande styliste qui entretient un profil bas - à la direction artistique et de Lindsay Lohan comme ambassadrice de la griffe.
L'image lisse, l'élégance feutrée et bon teint de la maison Ungaro ne manqueront pas d'être chahutées par la sulfureuse Lohan dont la presse people ne véhicule que frasques (et frusques). « Cures » à répétition, liaisons féminines, un côté phalène aux ailes sans cesse roussies, Lindsay Lohan a commencé sa carrière chez Disney (Parents Trap, Freaky Friday) avant de devenir une icône de l'âge ingrat, de la fragilité, de l'audace et des contradictions adolescentes.
Moufarrige explique : « Jusqu'à la fin des années soixante, le cinéma, encore usine à rêves, produisait des "stars". Des Grace Kelly, des Sophia Loren, des Brigitte Bardot, auxquelles toutes les femmes voulaient ressembler. C'était elles qui donnaient le "la" de la mode et inspiraient les grands couturiers.
« Quand ces figures ont disparu, la mode des années 80 a vu apparaître un nouveau type d'idéal : le top model. On s'est mis à la recherche de femmes très grandes, répondant à des mensurations exceptionnelles, légèrement androgynes. La plupart étaient recrutées dans les pays nordiques ou africains, la femme méditerranéenne ne correspondant pas aux critères établis par les créateurs. Mais la carrière d'un top est courte. Sept, huit ans tout au plus. Aussitôt les mannequins sortis du circuit, le marché a bénéficié de la manne des superbes filles de l'Est qui ont déferlé au lendemain de la chute du mur de Berlin. Pas de rareté, pas de rêve.
« En quête de nouveaux moyens de se démarquer, le monde de la mode, maisons de prêt-à porter et presse spécialisée, ont inventé un nouveau concept : la célébrité. Une célébrité est une femme (rarement un homme, mais c'est une autre histoire) qui ne fit rien d'autre dans la vie que voyager, écumer les magasins, se faire photographier avec des sacs de shopping griffés et passer du bon temps. Elle donne à ses congénères, des femmes actives, soumises à des horaires de travail contraignants, à des responsabilités familiales harassantes, une nouvelle forme de rêve : celui de consommer sans limite, de faire des bêtises sans en être pénalisée et d'être en perpétuelles vacances. »
Historien, sociologue, anthropologue au pied levé, en homme de son temps, Moufarrige déclare comme un manifeste que « nous sommes dans une ère sans âge, où les femmes de toutes générations ont éternellement trente ans. Les adolescentes veulent paraître adultes et les femmes mûres refusent de grandir. Mon choix s'est porté sur Lindsay Lohan parce qu'elle incarne cette image fédératrice où tout le monde peut se reconnaître ». Un flair de lévrier, on vous l'a dit.
L'accent aidant, longtemps il s'est prétendu italien. « J'ai quitté le Liban en 1975, au premier coup de feu. Tout de suite, j'ai senti que le pays était trop petit pour moi », révèle Mounir Moufarrige. Né dans une famille de commerçants spécialisés dans les articles pour fumeurs, son coup d'essai est...

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