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Législatives : juin 2009 - Tout le monde en parle

Pour les beaux yeux de Monsieur Gendre

Homère nous raconte, dans l'Iliade, comment pour les beaux yeux de la légendaire Hélène, épouse infidèle de Ménélas, amante du beau Pâris, Troie fut détruite à jamais.
Les plaines de la Troade reflètent encore aujourd'hui l'atmosphère de triste désolation qui résulta de ce conflit, qui n'aurait eu pour d'autre cause que le charme envoûtant de la belle Hélène. Lundi 17 août 2009, le député Michel Aoun nous annonça, officiellement, que « pour les yeux du gendre du général » le Liban restera sans gouvernement et tant pis pour ceux à qui la chose ne plairait pas. Le « beau-père du beau-fils » leur recommanda d'aller se « taper la tête contre les murs et, si cela ne suffit pas, il leur restera encore la Grande Muraille de Chine ». Afin de bien se faire comprendre, le « beau-père du beau-fils » conseilla à tous ceux qui le contestent, de laisser tranquille la « chose » ou le « machin » de son parti, le Tayyar, et d'aller se faire soigner par des spécialistes des troubles psychiques. La « chose » ou le « machin » en question est une métaphore par laquelle la langue arabe populaire désigne un organe anatomique masculin qu'on évoque fréquemment dans les querelles des fiers-à-bras, chez les charretiers, à l'étal des poissonniers, dans les salles de garde, dans les empoignades de maisons closes, les querelles de caniveau, etc.
La fermeté du ton ainsi que la détermination du « beau-père du beau-fils » étaient impressionnantes. Après son mémorable discours du lundi 17 août 2009, nul ne peut plus mettre en doute l'attachement organique que le beau-père Michel Aoun éprouve à l'égard de son beau-fils Gebran Bassil, ministre en exercice des Télécommunications et qui vient de subir une défaite électorale. Il n'est pas nécessaire, afin de comprendre la réaction du beau-père, d'aller imaginer que ce dernier vit la défaite électorale de son beau-fils comme une offense suprême à l'image de Ménélas à qui Pâris enleva son épouse. L'électorat, sans doute manipulé par les ennemis du beau-père, ne comprend pas son erreur et encore moins les qualités exceptionnelles du beau-fils. Le peuple est désespérément inconscient de son propre intérêt et il appartient donc à un homme public, conscient de ses responsabilités, de corriger une telle insuffisance. Sans le « beau-fils du beau-père » au gouvernement, le Liban est assuré de sombrer entre les mains des mafias, notamment celles de l'horrible corruption organisée par le chef de file du « haririsme politique » (al-haririryya al-siyassiyya) selon la pittoresque formule de Monsieur Gendre lors de sa campagne électorale. Comme Hercule, le beau-père veut nettoyer les écuries d'Augias et, pour ce faire, il n'a confiance que dans son beau-fils. Rompez maintenant.
Les propos du député Michel Aoun justifient, à eux seuls, qu'on rende un hommage vibrant à tous ceux, jeunes et moins jeunes, qui depuis 1988 avaient accordé foi aux slogans du beau-père du ministre sortant Gebran Bassil. Hommage aux femmes et aux hommes courageux qui ont risqué leur vie et leur réputation, qui n'ont pas hésité à affronter les pires humiliations, afin de lutter pour l'indépendance, la souveraineté et la liberté du Liban occupé par la dictature syrienne. Hommage à toutes celles et à tous ceux qui ont mis leurs talents, divers et créateurs, afin de maintenir vivante la flamme de la liberté. Hommage à une jeunesse estudiantine qui  n'a pas hésité à affronter la botte des barbouzes, qui a offert sa chair au martinet de l'oppression, afin de témoigner pour un Liban débarrassé de ses occupants, de ses milices, un Liban gouverné par le seul État national selon les règles démocratiques. Le dernier discours de Michel Aoun tend à accréditer l'idée que, pour le général, la lutte pour un idéal ne suffit pas si elle n'est pas validée par un lien organique avec sa personne. Gebran Bassil est un homme doué et intelligent comme des milliers parmi les membres du CPL qui n'ont pas une relation de lignage avec le chef. Il en est de même au sein du bloc parlementaire que dirige le député Michel Aoun. Plusieurs figures, présentes au sein de ce bloc, font honneur au Liban. On s'étonne que nul parmi eux n'ait jugé opportun de protester contre l'arbitraire du chef. On rappellera seulement que sous Mussolini, toute l'Italie répétait : « Il Duce ha sempre ragione (le Duce a toujours raison). »
Au-delà de ces considérations circonstancielles, les propos du député Michel Aoun modifient substantiellement l'image de marque du chrétien moyen dans le Proche-Orient arabe. De longs siècles de patiente survie avaient permis de forger l'image d'un homme ouvert sur le monde, réservé, non querelleur, retenu dans ses paroles et dans ses gestes, faisant preuve d'une courtoisie patricienne, déterminé, courageux, évitant les grossièretés. À aucun moment de son histoire, le chrétien moyen de cette région n'a donné de lui-même l'image d'un petit minoritaire insignifiant, empêtré dans ses complexes, recroquevillé sur lui-même, qui a pour seule raison de vivre l'équation « Je hais donc je suis », et qui ne trouve pour seul exutoire à son âme torturée que de se comporter en fier-à-bras.
En 1860, le prince Abdel-Kader, un musulman sunnite à la noblesse d'âme exemplaire, avait lui-même protégé des milliers de chrétiens contre la populace de Damas. Rien que pour les « beaux yeux » de ce prince magnanime et en signe de reconnaissance, il appartient à tout chrétien honnête et moralement digne de ne pas sombrer dans l'antisunnisme primaire et de ne pas laisser la haine irrationnelle l'empêcher de voir qu'aujourd'hui il existe un islam sunnite levantin modéré, éclairé, qu'il ne faut pas laisser seul et qu'il ne faut pas poignarder dans le dos. Quand on a eu le courage de s'opposer aux Croisés quand c'était nécessaire, on ne peut pas se permettre, par opportunisme, de devenir la cohorte antisunnite auxiliaire de la Perse dans sa guerre antiarabe.
Les plaines de la Troade reflètent encore aujourd'hui l'atmosphère de triste désolation qui résulta de ce conflit, qui n'aurait eu pour d'autre cause que le charme envoûtant de la belle Hélène. Lundi 17 août 2009, le député Michel Aoun nous annonça, officiellement, que « pour les yeux du gendre du...