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Législatives : juin 2009 - Tout le monde en parle

Vers une nouvelle stature morale de la présidence de la République

Les urnes ont parlé. Et ce qui était évaluations et supputations, s'est concrétisé le dimanche 7 juin en un vote sans appel sur le plan macro-politique. La majorité parlementaire sortante a été reconduite et, à peine les premiers résultats publiés, l'opposition a reconnu qu'elle avait perdu le pari de remporter les élections. Mais au-delà de cet exercice électoral jugé périlleux, force est de constater que ce pays, en dépit de toutes les hantises, des risques et des fureurs des hommes, représente, pour peu qu'il soit laissé à lui-même, une belle leçon de démocratie et de conduite politique de la part d'une population qui a été poussée depuis plusieurs mois dans ses derniers retranchements politiques et communautaires.
Cela dit, reste à constater que les urnes, en reconduisant la majorité sortante, ont également reconduit, à notre avis, nombre de problèmes auxquels nous avons dû faire face durant les dernières années. Le décompte des voix est suffisamment expressif à ce sujet : 72 députés pour la majorité dans la Chambre de 2005, 68 députés dans celle de 2009 ; 56 députés pour l'opposition en 2005 et 57 députés en 2009 ; ainsi que trois députés dits centristes.
Est-ce à dire donc que ce vote clôt une période et ouvre une autre ? Rien de moins sûr. En effet, en maintenant la majorité et l'opposition dans les mêmes tranches de sièges à la Chambre des députés, les électeurs ont consacré à nouveau la même problématique politique dont a eu tant à souffrir le Liban durant les dernières années, tant la singularité politique de ce pays est grande par rapport à d'autres. En effet, bien des composantes jugées normales et évidentes dans des systèmes constitutionnels reconnus deviennent vite ici objet de négociations et de compromis qu'il est bien nécessaire d'évaluer au vu des résultats des élections et que nous pensons pouvoir présenter de manière cohérente sous l'angle des trois points suivants, à savoir (1) l'exercice du pouvoir par une majorité parlementaire dans un système multicommunautaire ; (2) la transformation du discours électoral en un discours politique ; et (3) la recomposition du rôle du président de la République en lui reconnaissant politiquement les mutilations constitutionnelles de Taëf.
1) Tout d'abord, l'exercice du pouvoir par une majorité parlementaire. Dans un système parlementaire normal, une seule voix de majorité accorde la capacité à son chef de file et à son groupe de se proposer à la gestion des affaires de la nation sans considération de la minorité. Ce droit incontestable et reconnu devient objet de problèmes quand dans un pays multicommunautaire, comme le Liban, la minorité est constituée par la presque-totalité des représentants d'une ou de plusieurs communautés de la nation, exigeant ainsi un passage reconnu via des compromis pour le choix de ministres représentatifs de ces mêmes communautés dans le gouvernement. Certes, rien n'empêche constitutionnellement, dans l'état actuel des choses, de voir la majorité choisir tous les ministres du gouvernement et bien des esprits excités ou peu alertes l'ont déjà proposé. Mais quelle serait alors la représentativité de ces personnes choisies par rapport à leur communauté, et leur capacité d'exercice du pouvoir ne serait-elle pas entamée ? Et si la majorité, passant outre à ces procédures, venait à se considérer comme constitutionnellement à même de former à elle seule le gouvernement - ce qui est vrai dans ce sens -, cette formation serait-elle à même de gouverner ?
2) La transposition du discours électoral en un discours politique devient ici évidente, car si nous posons ces questions - qui constituent à notre avis des interpellations politiques cruciales -, c'est bien parce que la longue pratique de la politique par les Libanais les pousse instinctivement à se rapprocher de l'adversaire dès lors que le danger direct est écarté. On le voit bien maintenant que le discours politique fait d'ouverture et de tempérance a remplacé le discours électoral excessif et inconsidéré. Les appels du pied de certains leaders de la majorité et de la minorité ne reflètent-ils pas la personnalité politique de base de ce pays, où chacun sent - à défaut de savoir - quelles sont les limites auxquelles il peut tendre et que les exclusions politiques - bien que justifiées constitutionnellement - constituent à moyen et long terme des fautes historiques et politiques.
3) C'est dans le cadre de cette cohérence que se trouve posée la recomposition du rôle du président de la République, car toutes les parties sont nécessairement poussées, bien malgré elles parfois, à vouloir accorder à celui-ci la possibilité d'être, dans la réalité des choses, le garant du fonctionnement équilibré des institutions et des politiques dans cette conjoncture d'indécision régionale et de ses répercussions locales. Ainsi, ce que l'accord de Taëf a voulu transférer constitutionnellement se verrait remis à sa place politiquement avec le nouveau rôle qui est progressivement dévolu au président de la République par les forces politiques, désormais conscientes de leurs limites morales d'exercice du pouvoir sans une référence témoin politique personnifiée par le président de la République. Et c'est bien en cela que réside la formidable originalité morale de la démocratie libanaise dans ce Proche-Orient tourmenté par l'histoire.
Et alors me dira-t-on ? À cela je dirai que le succès des Libanais à ce magnifique examen de passage de l'élection parlementaire doit correspondre une vive compréhension des mécanismes sociologiques et psychologiques de l'exercice du pouvoir dans un pays multicommunautaire, dont en tout premier lieu la reconnaissance de la stature morale de la présidence de la République dans une situation politique aussi significative.
Retour à la case départ, pourraient me rétorquer d'aucuns, en voyant ainsi accorder de nouveau au président de la République, dans la réalité des choses, des fonctions mutilées par l'accord de Taëf.
Oui, parce que les lignes de départ sont toujours attrayantes et parce qu'elles accordent à tous les acteurs courageux et intelligents les chances de partir ensemble vers des objectifs communs.


Les urnes ont parlé. Et ce qui était évaluations et supputations, s'est concrétisé le dimanche 7 juin en un vote sans appel sur le plan macro-politique. La majorité parlementaire sortante a été reconduite et, à peine les premiers résultats publiés, l'opposition a reconnu qu'elle avait perdu le pari de remporter les...