Rechercher
Rechercher

Moyen Orient et Monde - Le point

Feuille de vigne

Ehud Barak pourrait faire sien l'axiome célèbre de Jacques Chirac : « Les promesses n'engagent que ceux qui les reçoivent », lui qui s'était engagé, au soir des récentes législatives, à faire basculer son parti dans le camp de l'opposition. À l'époque, on s'en souvient, la formation qu'il préside avait réalisé un score catastrophique. Treize députés, contre 28 à Kadima et 27 au Likoud : il y avait là une raison au moins de jouer les Achille retirés sous la tente. Il y en a plusieurs, depuis, pour le principal intéressé, de choisir de cultiver son jardin et de méditer, lui « le militaire le plus décoré » de son pays, sur toutes les batailles par lui menées et perdues.
Étrange ménage à trois que celui qui s'apprête à être constitué au lendemain des assises de mardi soir. Plutôt qu'une triplette de vaudeville, il s'agit du mariage de deux carpes et d'un lapin, pacsés comme dans les plus mauvais scénarios politiques. La troïka, on le sait depuis longtemps, cela n'a jamais constitué un attelage idéal, quoi qu'en pensent aujourd'hui - nécessité fait loi - les ultras de gauche et les religieux, ainsi que ce malheureux Labour israélien dont l'acte d'agonie - en attendant le décès - a été signé il y a de cela six semaines. Ces dernières quarante-huit heures, on a insisté sur les résultats du vote intervenu au sein du congrès tenu par ce qui fut longtemps le premier parti d'Israël : 680 « oui » à l'entrée dans le cabinet appelé à voir le jour la semaine prochaine, contre 507 « non ». On a omis cependant de relever que sept des 13 nouveaux législateurs se sont dits défavorables à cette idée. Leur argument est qu'il vaut mieux se résigner à une traversée du désert propice, selon eux, à la réflexion et à une indispensable refondation. L'actuel ministre de la Défense, lui, a fait jouer la fibre patriotique, brandissant l'oriflamme du combat contre la crise économique et pour un règlement pacifique de l'interminable conflit avec les Palestiniens. Son argument-choc, en fait la reprise d'une formule chère à Yitzhak Rabin, assassiné en 1995 : « Nous n'avons pas de patrie de rechange », suivi de cette gasconnade qui a dû faire trembler l'intéressé : « Je n'ai pas peur de Benjamin Netanyahu. »
En ce milieu de semaine, tout le monde à Tel-Aviv parle d'un prochain combat de chefs. Déjà des voix s'élèvent au sein de la formation pour accuser l'ancien général d'avoir bradé les principes pour un maroquin. L'un des critiques les plus lucides - Ophir Pinès-Paz avait été virulent en lançant : « Vous n'avez pas obtenu un mandat pour rejeter le parti dans la poubelle de l'histoire » - reste l'écrivain Eli Amir, qui a vu rien moins que la fin du mouvement fondé par David Ben Gourion et Golda Meir. Coïncidant avec la levée d'un vent de fronde, certains continuent de croire possible un centrage de la nouvelle coalition, une éventualité contredite par la présence de représentants du Shass et d'Israel Beiteinou, par les propos du Premier ministre désigné, enfin par la plate-forme même du Likoud, qui considère les points de peuplement en Cisjordanie et à Gaza comme « une concrétisation des valeurs sionistes » et un acquis essentiel pour la défense des intérêts vitaux de l'État hébreu. Certes, l'accord signé avant-hier par les deux partis évoque l'engagement du gouvernement en gestation en faveur d'un plan de paix exhaustif au Proche-Orient et sa fidélité à tous les accords déjà conclus. Mais nulle mention n'est faite de la présence côte à côte de deux États. Par contre, un accord secret existe bel et bien avec Avigdor Lieberman, révélé par le maire de Maalé Adoumim, pour la construction de 3 000 logements, centres commerciaux et touristiques entre ce point de peuplement et Jérusalem-Est, un projet appelé à provoquer l'ire de l'administration Obama et de l'Union européenne. Comment oublier aussi qu'en 1999, « Bibi » accusait Barak de vouloir « diviser » la capitale israélienne ?
D'un autre côté, le chef du gouvernement désigné se souvient d'avoir dit, lors de son premier passage au pouvoir avec pour partenaires des ultraorthodoxes, que cette alliance représentait « la plus grande erreur de (sa) vie ». C'est dire si l'enrôlement à ses côtés des travaillistes représente pour lui, en même temps qu'une victoire politique, une assurance dont il pourrait se prévaloir devant cet incommode protecteur qu'est le nouveau président US. Ce n'est pas assez, cependant, si l'on songe que les partenaires palestiniens hésitent encore, on les comprend, à traiter avec lui, ainsi que le répète l'ancien négociateur Saëb Erakat. Même s'il prétend qu'ils auraient tout intérêt à le faire, ils ne peuvent oublier que sa demi-victoire électorale du mois dernier est due à l'échec de l'offensive « Plomb fondu », dont le responsable fut le leader du Likoud, ancien et futur ministre de la Défense.
Toute l'ironie de l'histoire est dans de tels raccourcis.
Ehud Barak pourrait faire sien l'axiome célèbre de Jacques Chirac : « Les promesses n'engagent que ceux qui les reçoivent », lui qui s'était engagé, au soir des récentes législatives, à faire basculer son parti dans le camp de l'opposition. À l'époque, on s'en souvient, la formation qu'il...

commentaires (0)

Commentaires (0)

Retour en haut