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Actualités - CHRONOLOGIE

Colombie Un « commerce » macabre embarrasse Bogota

Dans le sud de la capitale, des jeunes issus de quartiers pauvres sont recrutés pour être exécutés. Une sinistre affaire qui pourrait très vite tourner au scandale dans un pays où la situation des droits de l’homme est loin d’être glorieuse. Fin septembre, des corps de 24 jeunes portés disparus dans les quartiers pauvres de Bogota ont été découverts près de la frontière entre la Colombie et le Venezuela. Selon les témoignages de leurs proches, la plupart ont disparu après avoir reçu d’alléchantes propositions d’emploi à la campagne. Or très peu de temps après leur départ, leur nom s’est retrouvé dans une liste de guérilleros « morts au combat », dressée par l’armée. Que s’est-il passé en seulement quelques jours ? Ont-ils été recrutés par des bandes criminelles qui les remettaient ensuite à la guérilla ? Par des paramilitaires ? Des militaires qui cherchaient à les éliminer ? Toutes ces questions ont fait la une des journaux et pour les enquêteurs l’ensemble des pistes restent ouvertes, d’autant que certaines unités de l’armée colombienne auraient par le passé exécuté des civils pour gonfler les chiffres de guérilleros abattus, une pratique surnommée les « faux positifs » destinée à obtenir des récompenses. Depuis que l’affaire a éclaté, elle ne cesse d’enfler car le gouvernement colombien est régulièrement accusé par les organisations de défense des droits de l’homme de ne rien faire pour s’attaquer au nombre élevé d’exécutions extrajudiciaires. L’ONU a manifesté son inquiétude : si la responsabilité de membres de la force publique dans la mort de ces jeunes, « directe ou par tolérance », était établie, il s’agirait d’une grave violation des droits de l’homme, relevant de « l’exécution extrajudiciaire », indiquait un communiqué du 26 septembre. Le gouvernement s’est empressé de nommer une commission d’enquête et le ministre de la Défense de saisir le parquet général, d’autant que la Colombie sera justement sous la loupe de la commission des Droits de l’homme de l’ONU en décembre, lorsque cet organisme examinera la situation dans le pays. Le médiateur du peuple est pour sa part saisi, désormais, de 300 disparitions inquiétantes de jeunes âgés de 20 à 30 ans pour la seule ville de Bogota. Le président Alvaro Uribe, jusque-là discret, est monté mardi soir au créneau pour affirmer que les jeunes étaient bien morts au combat, citant comme source le procureur général Mario Iguaran qui l’a contredit un peu plus tard : « Nous enquêtons. Pour l’instant le parquet ne peut pas affirmer qu’ils sont morts au combat. » « Mon fils était un gars bien, travailleur, il voulait aller de l’avant, il n’avait jamais eu de problèmes », raconte à l’AFP Flor Hilda Hernandez, dont le fils a été retrouvé le 24 septembre dans une fosse commune de la ville d’Ocana, à environ 650 km au nord-est de Bogota. Début janvier, raconte cette habitante de Simon Bolivar, l’immense quartier pauvre du sud de Bogota, il est parti sans rien dire, en compagnie d’un ami avec qui il travaillait dans une fonderie. Une semaine plus tard, le 13, il l’a appelée : « Il m’a dit qu’il allait très bien et qu’il reviendrait rapidement. » Elle n’a plus jamais eu de nouvelles, jusqu’au jour de septembre où son cadavre a été retrouvé. « Mon fils est parti le 4 mars, dans la matinée. Il a été retrouvé mort le 5, dans l’après-midi, vêtu d’un treillis (...) ce n’est ni possible ni logique », témoigne aussi Ana Garzen, la mère d’un autre jeune. Dans les rues de Simon Bolivar, la présence de groupes armés n’est un mystère pour personne. « Les jeunes patrouillent en armes, avec treillis et chemise noire. Ils pratiquent l’extorsion dans les magasins et les bus », raconte Jaime, professeur d’une école catholique du quartier qui préfère ne pas être identifié.
Dans le sud de la capitale, des jeunes issus de quartiers pauvres sont recrutés pour être
exécutés. Une sinistre affaire qui pourrait très vite tourner au scandale dans un pays où la situation
des droits de l’homme est loin d’être glorieuse.

Fin septembre, des corps de 24 jeunes portés disparus dans les quartiers pauvres de Bogota ont été découverts près de la...