Actualités - OPINION
Le point Arabia ex-felix par Christian Merville
Par MERVILLE Christian, le 18 septembre 2008 à 00h00
Édifiante, l’histoire de Jamal al-Badaoui, et comme elle illustre bien l’histoire des rapports entre el-Qaëda et certains régimes arabes. Soupçonné d’être le « cerveau » de l’attentat contre le destroyer américain USS Cole, le 12 octobre 2000 dans le port d’Aden, l’homme est arrêté et condamné à la peine capitale le 29 septembre 2004. Il aurait également été, révélait à l’époque l’enquête menée conjointement par les autorités de Sanaa et le FBI américain, derrière l’attaque manquée contre le lance-missiles USS Sullivan quand l’embarcation à bord de laquelle se trouvait le kamikaze avait coulé, avant d’atteindre son objectif, sous le poids des explosifs qu’elle transportait. Par deux fois, ce trompe-la-mort parvient à s’échapper de prison, en avril 2003 d’abord puis en février 2006, après avoir été repris dans l’intervalle (mars 2004). En octobre de l’an dernier, il bénéficie d’une grâce présidentielle, fruit d’un mystérieux accord conclu avec les responsables de son organisation.
L’affaire vient de ressurgir à la faveur de l’assaut donné hier contre l’ambassade des États-Unis dans la capitale yéménite, très vite revendiqué par le Jihad islamique local, prélude à une autre série d’explosions visant de nouvelles chancelleries, désignées dans un communiqué paru la veille comme étant celles du Royaume-Uni, d’Arabie saoudite et des Émirats arabes unis. En clair, l’agression de mercredi signifie que l’accord tacite conclu en 2003 entre le régime du président Ali Abdallah Saleh et l’organisation d’Oussama Ben Laden est rompu. Il se confirme ainsi que les arguments avancés pour obtenir une sorte de « pacte de non agression » – vos convictions vous appartiennent mais vous faites erreur en vous en prenant à des objectifs situés à l’intérieur du territoire national – n’auront pas tenu longtemps. En cinq ans, le mouvement avait eu le temps, en se rajeunissant, de se radicaliser, se dotant même d’un nouveau chef, Nasser al-Wouhaichy, ancien secrétaire du fondateur historique du mouvement. Cette nomination coïncidait avec la nouvelle de la scission, fruit logique, pourrait-on dire, d’un conflit de générations qui n’avait cessé de s’amplifier au fil des mois. Les jeunes, formés pour la plupart à la rude école de la lutte en Irak, rejetaient jusqu’à l’idée d’un gentleman’s agreement – qualifié de « traîtrise » – avec « les tyrans » et ne faisaient que peu de cas de leurs camarades condamnés à mort et, partant, appelés à devenir des « martyrs ». Les aînés pour leur part prêchaient la patience, dans leur souci de ne pas être victimes d’un bras de fer avec l’État. Malgré tous leurs efforts, la rupture était consommée le 2 juillet de cette année quand un convoi de touristes espagnols fut pris sous un tir nourri dans la province de Ma’rib. Bilan : dix tués, puis, conséquence logique, quatre dirigeants du mouvement abattus un mois plus tard.
Le tournant revêt une importance cruciale, en raison de sa signification profonde et de ses effets pratiques. Désormais, étaient visés tout autant les intérêts étrangers que la vie économique et la sécurité même de l’antique Arabia felix. Reconnaissant implicitement leur défaite – à tout le moins provisoire, voulaient-ils croire – dans le royaume wahhabite, grâce à l’extraordinaire effort entrepris par les services spécialisés, secondés par des effectifs dépêchés sur les lieux par les Américains, les responsables de l’organisation intégriste avaient invité leurs troupes à chercher refuge dans le pays voisin, contrée pauvre – revenu per capita : 2 300 dollars – et frappée de plein fouet par un chômage dont le taux avoisine 40 pour cent. En outre, les frontières sont dangereusement poreuses et le pouvoir ne parvient pas à supplanter l’autorité des chefs tribaux, perméables à l’argent et à l’influence des représentants du Hamas palestinien et du Jihad islamique. Pour leur part, les « Afghans » et les « Albanais », rescapés de la guérilla contre l’Union soviétique, ne sont jamais loin, même si leur présence se fait discrète face à la montée en puissance des Qaëdistes de Ben Laden, dont la famille, il ne faut pas l’oublier, est originaire de la contrée.
Sanaa tente de diviser les rangs de cet étrange ennemi, en jouant la carte de l’âge, pour l’affaiblir, sans grand succès à ce jour. Sous l’égide des officiels un film a été réalisé récemment, destiné à décourager d’éventuels candidats au jihad. Il conte l’histoire de deux Yéménites revenus au pays pour jouer le rôle de sergents recruteurs et qui, en raison de leur extrémisme, entrent en conflit avec les membres de leurs familles qui tentent de subvenir aux besoins des leurs en vendant des objets artisanaux aux touristes. Un peu naïf, le procédé, et portant la griffe d’un scénariste raté de Hollywood. Mais ses auteurs, et le ministère de l’Intérieur, font semblant de croire au message. Une conviction que ne partagent pas les rares spectateurs. La preuve…
Édifiante, l’histoire de Jamal al-Badaoui, et comme elle illustre bien l’histoire des rapports entre el-Qaëda et certains régimes arabes. Soupçonné d’être le « cerveau » de l’attentat contre le destroyer américain USS Cole, le 12 octobre 2000 dans le port d’Aden, l’homme est arrêté et condamné à la peine capitale le 29 septembre 2004. Il aurait également été, révélait à l’époque l’enquête menée conjointement par les autorités de Sanaa et le FBI américain, derrière l’attaque manquée contre le lance-missiles USS Sullivan quand l’embarcation à bord de laquelle se trouvait le kamikaze avait coulé, avant d’atteindre son objectif, sous le poids des explosifs qu’elle transportait. Par deux fois, ce trompe-la-mort parvient à s’échapper de prison, en avril 2003 d’abord puis en février...
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