Oublions bien vite la proposition du journal algérois, qui relève de la galéjade. L’affaire est bien trop sérieuse en...
Actualités - OPINION
LE POINT Bonne inconscience Christian MERVILLE
Par MERVILLE Christian, le 17 juillet 2008 à 00h00
La timbale, c’est Algérie-News qui la décroche. « Donnez-nous Bush, on vous livre al-Bachir », titrait mardi le quotidien au lendemain de la demande adressée à la Cour pénale internationale d’un mandat d’arrêt contre le président soudanais. Gageons qu’il a dû s’en trouver quelques-uns, de par le monde, pour trouver l’idée, sinon réalisable, à tout le moins attrayante. Imaginez la scène l’espace d’un instant : le leader de l’unique superpuissance mondiale comparaissant devant un tribunal qui le jugerait pour tous ses mensonges et ses errements commis au nom d’une démocratie dont les malheureux Irakiens – pour ne citer qu’eux – attendent toujours un semblant de manifestation.
Oublions bien vite la proposition du journal algérois, qui relève de la galéjade. L’affaire est bien trop sérieuse en raison de ses éventuelles retombées, des enjeux qu’elle englobe, des parties impliquées. C’est bien la première fois qu’un chef d’État en exercice fait l’objet de poursuites pour « génocide, crimes contre l’humanité et crimes de guerre » au Darfour, une région sur laquelle, mystérieusement, les feux de l’actualité ne sont plus braqués depuis qu’à Khartoum, un gouvernement dit d’union nationale a été formé dont le monde entier en est encore à guetter les improbables réalisations. À une date qui reste à déterminer – probablement dans le courant de l’automne à venir –, les trois magistrats qui forment l’instance juridique devront statuer sur une démarche sans précédent et tout permet de croire qu’ils y donneront une suite favorable, tout comme ils l’avaient fait, par le passé, pour onze démarches similaires.
Sagement, la communauté internationale préfère pour l’instant ne pas courir de risques : elle a entrepris sans tarder de mettre à l’abri ses diplomates et ses quelque 16 000 travailleurs humanitaires présents en plusieurs points du pays. En la circonstance, de telles précautions ne sont jamais de trop. L’an dernier, le Soudan avait refusé, sans craindre un dérapage toujours possible, de livrer à la CPI deux suspects : Ahmad Haroun, ministre en charge des Affaires humanitaires, et un chef de milice, Ali Khouchayb. D’ailleurs, le Conseil de sécurité s’était révélé incapable de parvenir à un accord sur cette question en raison de l’hostilité marquée de six de ses membres : l’Afrique du Sud, la Russie, la Chine, le Burkina Faso, la Libye et l’Indonésie. Cette fois aussi, peut-on prévoir sans risque de se tromper, il en sera de même, à supposer que l’instance suprême des Nations unies décide de se saisir du dossier.
À l’évidence, l’accusateur public, l’Argentin Luis Moreno-Ocampo, est allé trop loin, trop vite et sans alourdir son frêle esquif des biscuits indispensables pour une traversée sur une mer de tous les dangers. Ainsi, vient de rappeler un ministre soudanais, al-Samani al-Wassila, il n’hésitait pas, il y a quelque temps, à parler du « régime nazi » en place. Dans le document adressé à la justice, il évoque une volonté délibérée d’anéantir trois groupes ethniques : les Fur, les Massalit, les Zaghawa, ajoutant : « Les motivations sont politiques, l’alibi était la contre-insurrection, l’intention était de procéder à un génocide. » Et de citer les 35 000 personnes appartenant à ces trois groupes, abattues lors d’attaques contre leurs localités, venant s’ajouter aux 300 000 tués depuis le déclenchement de la guerre, il y a cinq ans. « Bachir, écrit encore le procureur général, n’avait pas besoin de balles. Il a utilisé d’autres armes, tout aussi efficaces mais silencieuses, comme le viol, la famine, la peur. »
« Génocide » : le terme semble avoir effrayé le club très fermé des dirigeants des pays grands et moins grands. À commencer par George W. Bush lui-même, qui a appelé, sans s’aventurer plus loin, « toutes les parties à garder le calme », tandis que le ministre adjoint sud-africain des Affaires étrangères, Aziz Pahad, s’est interrogé, faussement candide : « Même si la procédure aboutit, que se passera- t-il ? » avant de s’avouer vaincu : « Qui donc va arrêter Bachir ? » Certainement pas, elle encore, la Chine, principal allié du régime en place auquel elle fournit une inestimable aide économique, militaire et diplomatique. En échange, Pékin importe ce précieux pétrole dont ses usines gloutonnes ont tant besoin : trois milliards de dollars importés l’an dernier, à quoi s’ajoutent 8 milliards investis dans la prospection et d’autres milliards dans l’infrastructure. Moscou pourrait en dire (presque) autant et avec elle bien d’autres capitales adoratrices du veau d’or. Cela tisse de précieux liens que l’on peut invoquer, le moment venu, pour échapper aux mailles d’ailleurs bien lâches d’un filet tendu, il faut croire, pour la forme. La bonne conscience a tendance, très souvent, à être élastique. Le Libérien Charles Taylor, le Serbe Slobodan Milosevic, jugés par d’autres instances, auraient pu dire le contraire.
Omar Hassan Ahmad al-Bachir, il faut s’en désoler, n’a pas à s’inquiéter outre mesure
La timbale, c’est Algérie-News qui la décroche. « Donnez-nous Bush, on vous livre al-Bachir », titrait mardi le quotidien au lendemain de la demande adressée à la Cour pénale internationale d’un mandat d’arrêt contre le président soudanais. Gageons qu’il a dû s’en trouver quelques-uns, de par le monde, pour trouver l’idée, sinon réalisable, à tout le moins attrayante. Imaginez la scène l’espace d’un instant : le leader de l’unique superpuissance mondiale comparaissant devant un tribunal qui le jugerait pour tous ses mensonges et ses errements commis au nom d’une démocratie dont les malheureux Irakiens – pour ne citer qu’eux – attendent toujours un semblant de manifestation.
Oublions bien vite la proposition du journal algérois, qui relève de la galéjade. L’affaire est bien trop sérieuse en...
Oublions bien vite la proposition du journal algérois, qui relève de la galéjade. L’affaire est bien trop sérieuse en...