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Actualités - OPINION

LE POINT Partie remise Christian MERVILLE

Un peu plus que d’autres pays arabes peut-être, l’Irak est un convalescent qui risque la rechute à tout moment. C’est ainsi que la « déferlante » des derniers jours à Bassora menaçait de se transformer en boomerang politique, à Bagdad même, portant le coup de grâce à un gouvernement qui n’en peut mais. Il aurait suffi pour cela que les parlementaires fidèles à Moqtada Sadr et leurs collègues des Brigades Badr passent dans le camp de l’opposition. Si le désastre a été évité de justesse, c’est grâce à l’Iran qui a usé de son (énorme) influence pour assurer un retour au cessez-le-feu qui prévalait, tant bien que mal, depuis l’été. Les mollahs volant au secours d’un homme, Nouri Kaamal al-Maliki, présenté comme une créature des Américains et animé d’une soudaine détermination à en finir avec ses adversaires : la scène irakienne en a vu bien d’autres et la République islamique ne finira décidément pas d’étonner ses amis autant que ses adversaires. Tout s’est joué entre vendredi et dimanche quand débarque dans la capitale iranienne une délégation de haut rang, comprenant des parlementaires représentant les principales formations chiites : Conseil suprême islamique d’Irak (CSII), Dawa, Fadila, Parti indépendant, mouvement sadriste. La poursuite des affrontements, font valoir les visiteurs, se répercutera négativement sur tout le monde, vous-mêmes et nous en premier les Iraniens, qui ont tout fait pour que l’on en arrive là, acquiescent, promettent et passent aussitôt à l’action. Peu après, les miliciens annoncent leur retrait des rues, sans aller toutefois jusqu’à remettre leurs armes, comme le demandait le chef du gouvernement. C’est une demi-victoire pour les deux parties. Le pouvoir central, qui avait grandement besoin d’un succès militaire, donne enfin l’impression d’avoir fait quelque chose. Jusqu’alors, les maigres réalisations sur le terrain étaient à mettre sur le compte des Américains avec leur « surge » et l’enrôlement à leurs côtés – moyennant un salaire mensuel de 500 dollars par combattant – des principales tribus sunnites, revenues de leur emballement des premiers temps pour la cause défendue par el-Qaëda. Jusque-là, la situation est claire – si tant est qu’elle puisse l’être s’agissant des sables mouvants mésopotamiens. Le tableau devient plus complexe quand on l’observe sous l’angle des rapports avec le grand voisin de l’Est. Celui-ci a en Sadr un allié important mais d’une douteuse docilité, car obéissant à des considérations qui ne sont pas toujours celles de ses protecteurs. Le premier cherche surtout à parachever la mise en place de l’ensemble de ses pions. D’où les innombrables dissidences, sous son impulsion au sein du mouvement, la plus notable étant celle des groupes spéciaux qui n’ont pas respecté l’accalmie décrétée en août dans la bataille engagée contre les Américains. Le second aspire à jouer un rôle qu’il estime être le sien depuis l’assassinat de son père, le grand ayatollah Mohammad Sadek al-Sadr, tombé sous les balles des hommes de Saddam Hussein en février 1999. En cela d’ailleurs, il ressemble à ses pairs qui ont en commun avec lui d’avoir passé en Iran les noires années du baassisme mais dans le même temps de se méfier des héritiers de Khomeyni, l’un expliquant l’autre, sans doute. Les hostilités déclenchées unilatéralement mardi dernier par Maliki – sans consultations préalables avec nous, soutiennent les Américains – ne pouvaient pas se poursuivre longtemps. En cinq jours, le bilan des pertes aura été particulièrement lourd : plus de 400 tués, trois fois plus de blessés, un danger de tous les instants sur un oléoduc qui transporte 80 % du pétrole du pays, surtout une incapacité pour les forces de sécurité de venir à bout des insurgés malgré l’appui, à partir de vendredi, de l’aviation US, enfin des débordements qui commençaient à menacer la fameuse « zone verte », un quadrilatère sous haute protection où se trouvent les ambassades et le siège du gouvernement. À l’approche du week-end, on notait par ailleurs un rythme accéléré des défections parmi les forces de l’ordre, dont les membres choisissaient de rester chez eux quand ils ne rejoignaient pas les rangs des miliciens. C’est beaucoup trop pour un régime depuis cinq ans porté à bout de bras, et à un coût exorbitant. Sans pour autant une quelconque amélioration au double plan militaire et de la vie au quotidien. La contrebande sous toutes ses formes – essence, armes, drogue et même produits alimentaires – n’a jamais été aussi florissante, souvent avec la complicité de membres de l’Administration locale. Occupants, occupés, chacun a si bien fait qu’à l’heure présente, bien malin qui s’y retrouverait. Peu après mars 2003, il n’y avait presque plus d’Irakiens mais des sunnites, des chiites et des Kurdes. Désormais, au sein de chacun des trois grands groupes, on retrouve des subdivisions qui ont bien peu à voir avec les convictions des chefs mais beaucoup avec des intérêts particuliers, fluctuant au gré du moment et formant un écheveau que les États-Unis seraient incapables de défaire. Seul l’Iran…
Un peu plus que d’autres pays arabes peut-être, l’Irak est un convalescent qui risque la rechute à tout moment. C’est ainsi que la « déferlante » des derniers jours à Bassora menaçait de se transformer en boomerang politique, à Bagdad même, portant le coup de grâce à un gouvernement qui n’en peut mais. Il aurait suffi pour cela que les parlementaires fidèles à Moqtada Sadr et leurs collègues des Brigades Badr passent dans le camp de l’opposition. Si le désastre a été évité de justesse, c’est grâce à l’Iran qui a usé de son (énorme) influence pour assurer un retour au cessez-le-feu qui prévalait, tant bien que mal, depuis l’été. Les mollahs volant au secours d’un homme, Nouri Kaamal al-Maliki, présenté comme une créature des Américains et animé d’une soudaine détermination à en finir...