Dans le champ qui borde sa maison éventrée, Amine Akel Saad désigne les maigres plants de tabac : de sa terre brûlée par les bombes israéliennes, il ne tirera qu’une médiocre récolte, comme tant d’autres agriculteurs du Liban-Sud, rapporte Sylvie Groult de l’AFP.
« Regardez ce champ, les avions israéliens y ont largué 30 bombes », lance le vieil homme. « 70 années de travail anéanties », ajoute-t-il.
Sur ses terres du village de Froun, Amine Akel Saad, 68 ans, cultivait avec ses fils plusieurs lopins de tabac pour une récolte annuelle de 5 000 kilos, de quoi faire vivre les 17 membres de la famille en y ajoutant quelques plantations de blé, maïs, pois chiches et sésame.
Mais la guerre, déclenchée en juillet 2006 entre Israël et le Hezbollah, a anéanti, ou presque, la récolte.
La famille Saad n’a pu en sauver que 800 kilos. Cette année, elle a dû abandonner une partie de ses terres, piégées par les sous-munitions déversées par Israël, en a loué d’autres et a replanté 15 000 mètres carrés de tabac.
Peine perdue : dans les champs bombardés, la terre, brûlée, s’est appauvrie et le rendement de cette récolte 2007 s’annonce très faible.
Amine s’emporte : « Ils ont empoisonné notre terre. Rien n’y fait, pas même l’engrais. Là où nous récoltions vingt kilos, nous ne récoltons plus qu’un kilo. » Il prévoit, pour cette année, « 400 à 500 kilos tout au plus ».
La Régie des tabacs (qui détient le monopole), « achète 5 200 tonnes par an, payées 8 dollars le kilo », avec un plafond de 400 kilos par parcelle, explique Nahla Slim, responsable de la communication de la Régie.
Pour Amine Akel Saad, le calcul est simple : « La récolte rapportera au plus 3 300 dollars. » Une fois soustraits les 1 200 dollars payés pour la location des terres, les engrais, les frais divers, « il ne restera presque rien », se lamente-t-il.
« En moyenne, la récolte sera inférieure de 20 pour cent à une année normale », remarque Hussein Berro, employé de la Régie et cultivateur dans les environs.
« D’habitude, les cultivateurs font des bénéfices. Cette année, ils ont tout juste de quoi s’en sortir. Ceux qui le peuvent prêtent des terres à leurs voisins. Mais la situation est catastrophique pour tout le monde. »
Dans l’un de ses champs, Hussein montre les cercles noirs dans la terre, tracés par les bombes, les plantes décharnées au centre, un peu plus vigoureuses vers l’extérieur.
À Deir Syriane, tout près de la frontière, un autre cultivateur, Hassan Karim, prévoit, lui, « une récolte de 650 kilos, contre 800 habituellement », soit un revenu de 4 300 dollars, amputé par les 2 800 dollars qu’il doit à la banque sur deux ans.
Les feuilles de tabac roussies, à demi séchées, sont déjà enfilées en lourdes grappes odorantes, accrochées dans la maison ou pendues aux arbres, en attendant d’être tassées pour former les balles qui seront ramassées par la Régie.
Mais la terre familiale porte là aussi les stigmates de la guerre.
« Les plantes ne poussent pas, elles sont malades », commente Mouna, la femme de Hassan, en observant les tiges de toutes longueurs, les espaces irréguliers laissés dans le sol par les pousses mortes sitôt sorties de terre.
Hassan possède un autre champ, que les démineurs ont passé au peigne fin pour le débarrasser des sous-munitions. « Mais nous n’osons plus y aller », confie-t-il. « Nous avons entendu parler d’accidents dans des terrains qui pourtant avaient été déminés », conclut-il.
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