Actualités - OPINION
Le point L’autre guerre d’usure Christian MERVILLE
Par MERVILLE Christian, le 28 août 2007 à 00h00
Ouf ! On a eu chaud – à Washington s’entend où on n’en est pas à un paradoxe près dans cette étrange expédition mésopotamienne, George W. Bush a été sauvé non point par les siens, mais par Nouri al-Maliki. Il pourra désormais évoquer l’accord intervenu dimanche soir entre les trois grands groupes irakiens pour maintenir le cap amorcé en janvier dernier, en attendant des jours meilleurs, non plus sur le papier, mais dans une improbable et désespérante réalité. Il y va tout autant du succès des derniers mois de l’actuelle présidence US que de l’issue, en novembre de l’an prochain, du scrutin présidentiel. C’est cela ou bien la Bérézina pour le locataire de la Maison-Blanche d’abord, pour son parti ensuite. On comprend mieux, dès lors, le certificat de bonne conduite décerné lundi « à ces courageux dirigeants et à l’ensemble du peuple dans leurs efforts pour vaincre les forces de la terreur qui cherchent à renverser la démocratie ».
Le Premier ministre irakien peut estimer que justice lui a été rendue après de longues semaines durant lesquelles il avait paru résigné à attendre que soit actionné le siège éjectable sur lequel l’avaient placé ses protecteurs de la veille. Et comme un bonheur ne vient jamais seul, il a obtenu, événement rarissime, des excuses publiques de Bernard Kouchner qui avait suggéré à Condoleezza Rice, quarante-huit heures auparavant, de le remplacer à la tête du gouvernement. Voilà qui aidera à faire passer la lie du calice : effacer d’un trait de plume la « débaassification » ordonnée, dans la foulée de l’entrée triomphale des GI à Bagdad, par L. Paul Bremer III, nommé alors administrateur civil en remplacement de l’éphémère Jay Garner, n’a pas dû représenter une décision facile à prendre. Du coup, les anciens séides de Saddam Hussein se voient autorisés, dans un avenir encore incertain il est vrai, à réclamer leur réintégration au sein de l’armée ou encore un poste dans la fonction publique.
Il était grand temps pour Washington de recevoir des nouvelles réjouissantes du front irakien. Dans moins de deux semaines, le tandem David Petraeus-Ryan Crocker devra présenter un « rapport d’étape » sur les (aléatoires) progrès réalisés depuis que 30 000 hommes de troupe supplémentaires ont été envoyés sur les rives de l’Euphrate. À l’heure actuelle, le corps expéditionnaire US compte un total de 162 000 militaires, le chiffre le plus élevé depuis mars 2003. Cela est dû, a tenté d’expliquer le porte-parole du Pentagone Bryan Whitman, au fait que le IIe régiment de cavalerie est toujours sur place, alors qu’est arrivée la division d’infanterie de la IIIe brigade Stryker chargée d’assurer la relève. Une situation appelée à être normalisée d’ici à quelques semaines, a-t-il cru bon de préciser, oubliant de relever à l’intention des journalistes que ce genre de chevauchement est devenu pratique courante, permettant de disposer sur place, de manière continue, d’un supplément de plusieurs milliers de combattants.
En huit mois, on a eu tout le loisir de constater les limites réelles sur le terrain de cet engagement. Si l’état de la sécurité enregistre un léger mieux depuis un certain temps, c’est surtout en raison de l’impopularité grandissante de l’insurrection auprès d’une population à bout de souffle ; mais aussi grâce à la défection de plusieurs groupes rebelles sunnites, excédés par les inutiles boucheries d’el-Qaëda. C’est que la disproportion est décidément énorme entre les pertes des divers contingents étrangers et ceux de la population autochtone. Le timide début de retour à la raison observé depuis quarante-huit heures – avec son inévitable cortège de soubresauts sécuritaires –, grâce aux contacts préliminaires entrepris entre le chef de l’État, le Kurde Jamal Talabani, le Premier ministre Nouri al-Maliki et ses seconds, le sunnite Tarek al-Hachémi et le chiite Adel Abel Hadi, a conforté ce sentiment de lassitude. Surtout qu’à cette occasion ont été arrêtées des mesures, certes moins spectaculaires mais tout aussi efficaces que l’abolition de facto des décrets Bremer, comme la tenue d’élections dans les dix-huit provinces irakiennes pour former des conseils régionaux, le vote d’une loi destinée à organiser une distribution équitable des revenus générés par le pétrole, ou encore la promesse d’amendements en profondeur à la Constitution et la prochaine libération de prisonniers, sunnites dans leur grande majorité, détenus arbitrairement.
Toujours est-il que si, dans le ciel de Bagdad, les gros nuages noirs commencent à se dissiper, au-dessus de la capitale fédérale ils continuent de s’amonceler, plus menaçants que jamais. Le camp démocrate ne désarme pas, porté par une opinion publique toujours aussi farouchement hostile à une guerre qui jamais n’a été populaire. Et on voit mal comment, privé de l’essentiel de ses conseillers, le président pourrait poursuivre son double combat et espérer gagner sur les deux fronts.
Ouf ! On a eu chaud – à Washington s’entend où on n’en est pas à un paradoxe près dans cette étrange expédition mésopotamienne, George W. Bush a été sauvé non point par les siens, mais par Nouri al-Maliki. Il pourra désormais évoquer l’accord intervenu dimanche soir entre les trois grands groupes irakiens pour maintenir le cap amorcé en janvier dernier, en attendant des jours...
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