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Actualités - ANALYSE

ANALYSE La politique et la peur vont de pair en Russie

Une vidéo horrible montrant la décapitation de deux hommes par des néonazis, un attentat à la bombe qui a provoqué le déraillement du train le plus populaire du pays : depuis la semaine dernière, la Russie ne se sent plus en sécurité. La politique et la peur sont longtemps allées de pair en Russie et, à l’approche des élections, le Kremlin peut utiliser l’idée d’une menace interne comme sa principale ressource électorale, estiment les analystes. Une vidéo, diffusée dimanche dernier sur le site Internet de vidéos Livejournal.com, montrait des hommes masqués qui semblaient exécuter dans une forêt, sous un drapeau nazi, deux hommes d’origine non russe, dont un par décapitation. Un groupuscule inconnu jusqu’ici, se présentant comme « la branche armée » du mouvement néonazi Société nationale-socialiste, a proclamé dans un communiqué publié sur Internet « le début de la lutte armée contre les colonisateurs de couleur et les bureaucrates russes qui les soutiennent ». Quelques heures plus tard ,survenait un attentat contre le train Nevski Express qui assurait la liaison entre Moscou et Saint-Pétersbourg, faisant des dizaines de blessés. Les enquêteurs ont d’abord soupçonné des militants nationalistes extrémistes, avant d’évoquer la piste tchétchène. Un sentiment permanent de peur, quelle que soit sa source, aide ceux qui sont au pouvoir à garder leur poste, estime Boris Doubine, sociologue du centre Levada basé à Moscou. « Différents partis, dont les nationalistes, vont, bien sûr, essayer d’utiliser cette peur. Mais, en fin de compte, c’est le parti au pouvoir qui en bénéficie, parce qu’il est perçu comme le seul salut face à ces menaces », estime M. Doubine. « Les gens pensent que seul un pouvoir fort, dur et centralisé peut les sauver », précise-t-il. À la suite de l’attentat contre le train, le chef du Service fédéral de sécurité (FSB, ex-KGB), Nikolaï Patrouchev, a déclaré la semaine dernière que « la menace de l’extrémisme et du terrorisme n’avait pas disparu ». Il a précisé que des mesures de sécurité renforcées seraient introduites pour assurer le bon déroulement des élections législatives de décembre et présidentielle de mars en Russie. « La question des élections a surgi à une rapidité incroyable », remarque Maria Lipman, analyste politique du Centre Carnegie de Moscou. « Quand il y a un attentat contre un train », il est peu probable que les gens disent :« Mon Dieu, qu’est-ce qui va se passer avec les élections ? Ils craignent plutôt qu’une autre explosion ne se produise dans un train », dit-elle. Le président russe Vladimir Poutine a lui-même pris le pouvoir après une série d’explosions dans des immeubles d’habitation à Moscou et en province en 1999. Ces attentats, imputés aux Tchétchènes, lui ont assuré un fort soutien lors de la seconde guerre en Tchétchénie et l’ont aidé à projeter son image de dirigeant fort. Ces explosions ont aussi engendré des spéculations selon lesquelles les services secrets russes avaient organisé ces attentats pour garantir l’arrivée de Poutine au pouvoir et, après les événements de la semaine dernière, les théories du complot sont allées bon train de nouveau. Mme Lipman, tout en affirmant ne pas être « une fan des théories du complot », relève que Vladimir Poutine utilise régulièrement la menace de l’extrémisme et du terrorisme pour justifier la centralisation du pouvoir en Russie, comme dans le cas de l’abolition de l’élection directe des gouverneurs après la sanglante prise d’otages dans une école à Beslan en 2004. Stephen BOYKEWICH (AFP)
Une vidéo horrible montrant la décapitation de deux hommes par des néonazis, un attentat à la bombe qui a provoqué le déraillement du train le plus populaire du pays : depuis la semaine dernière, la Russie ne se sent plus en sécurité. La politique et la peur sont longtemps allées de pair en Russie et, à l’approche des élections, le Kremlin peut utiliser l’idée d’une menace...