Éclairage
La tension monte entre musulmans
et chrétiens en Égypte
le 22 août 2007 à 00h00
Chrétiens qui se plaignent de violences de la part de musulmans, rumeurs de conversions forcées et d’enlèvements de part et d’autre, le fossé se creuse en Égypte entre la minorité copte et la majorité islamique.
«Les choses ne sont plus comme avant, les gens vont moins les uns chez les autres. Des groupes séparés apparaissent même à l’école et à l’université », note le politologue Sameh Faouzi. À l’en croire, les 6 à 10 % de coptes que compte l’Égypte vivent de plus en plus isolés. « Si vous demandez aujourd’hui aux musulmans ce qu’ils pensent des chrétiens, vous entendrez beaucoup d’histoires, comme celle selon laquelle ils viendraient d’une autre planète. Ils ne se rendent pas compte qu’ils vivent ensemble depuis des centaines d’années », ajoute M. Faouzi.
L’actualité est dominée par des sujets illustrant les divisions intercommunautaires : ici, un musulman converti au christianisme passe dans la clandestinité ; là, des chrétiens sont arrêtés pour avoir insulté l’islam.
S’il est impossible d’obtenir des chiffres officiels sur les violences intercommunautaires, « il y a eu une nette augmentation des violences entre musulmans et chrétiens au cours du premier semestre de cette année », affirme Hossam Bahgat, de l’Initiative égyptienne pour les droits individuels. « On parle de conversions forcées, de filles qui auraient été enlevées par des chrétiens ou des musulmans, poursuit-il. Tout cela est à l’origine de violences intercommunautaires. »
Sur l’Internet, le ton monte. Des activistes chrétiens ont créé l’Association des chrétiens du Moyen-Orient à l’acronyme provocateur en anglais (MECA). Deux de ses membres ont été arrêtés en juillet pour « insulte à l’islam ». « Ils brûlent nos églises, tuent nos hommes, violent nos femmes. Nous ne renoncerons ni ne nous séparerons tant que nous serons en vie, tant qu’ils ne nous auront pas tous tués », a déclaré sur Internet après ces interpellations Nader Faouzy, dirigeant en exil de la MECA.
Pour l’intellectuel musulman Gamal al-Banna, une des raisons de cette montée des tensions est à chercher dans l’intransigeance des élites chrétiennes et musulmanes. « Dans un pays de 70 millions d’habitants, il n’est pas étonnant de trouver quelques fanatiques », souligne celui dont le frère Hassan avait fondé dans les années 1920 les Frères musulmans (opposition fondamentaliste). À l’en croire, al-Azhar, plus haute autorité sunnite d’Égypte, conserve en outre une approche « médiévale » du phénomène des conversions : « Les convertis doivent abjurer ou mourir. » En juillet dernier, le mufti de la République, cheikh Ali Gomaa, avait toutefois affirmé que « la question essentielle qui nous est posée est : est-ce qu’un musulman peut choisir une autre religion que l’islam ? La réponse est oui ». Des déclarations que l’imam d’al-Azhar, cheikh Mohammad Sayed Tantaoui, a refusé de commenter.
« Mais le fanatisme est plus complexe dans la chrétienté que dans l’islam car l’Église peut parler au nom de Dieu, estime Gamal al-Banna. Tout le monde peut dire à cheikh Tantaoui qu’il a tort. Personne ne peut dire la même chose au (patriarche, chef de l’Église copte) Chenouda III, au risque d’être excommunié. » Selon lui, « les fanatiques chrétiens sont de plus en plus nombreux ».
Si la tension est perceptible, c’est aussi, selon Bahgat, parce que les chrétiens parlent davantage des injustices dont ils sont victimes et que les intellectuels musulmans sont plus disposés à évoquer le problème. Un tel débat aurait selon lui été « inimaginable il y a cinq ans ».
Plus terre-à-terre, Faouzi avance de son côté que ce regain de violence dans l’actualité est peut-être aussi conjoncturel. « Traiter de l’agitation religieuse est un thème permanent dans les journaux et sur les chaînes par satellite, notamment quand la situation politique est calme, en plein été, explique le politologue. Ces médias vivent de ce genre d’histoires à sensation. Pour eux, c’est comme un match de football : il doit y avoir un gagnant et un perdant. »
Charles ONIANS/AFP
Chrétiens qui se plaignent de violences de la part de musulmans, rumeurs de conversions forcées et d’enlèvements de part et d’autre, le fossé se creuse en Égypte entre la minorité copte et la majorité islamique.
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