Rechercher
Rechercher

Actualités - OPINION

COMMENTAIRE La maison palestinienne divisée

Par Mkhaimar ABOUSADA* La proposition par le président George W. Bush de tenir une nouvelle conférence de paix avec Israël, la Palestine et les pays voisins basée sur une nouvelle solution à deux États est un développement certes tardif, mais bienvenu. Cependant, ces tentatives de redémarrage du processus de paix font désormais face à une nouvelle réalité : deux entités palestiniennes mutuellement hostiles, dans la bande de Gaza (que tient le Hamas) et en Cisjordanie (dirigée par le Fateh), doivent désormais être prises en compte. La confrontation Hamas/Fateh marque un virage radical de la politique palestinienne, dont les priorités premières étaient jusqu’ici de mettre fin à l’occupation israélienne et d’établir un État indépendant. Elle complique aussi énormément les négociations de paix, qui, tant pour les Palestiniens que pour le quartette (États-Unis, Union européenne, Nations unies et Russie), reposaient sur la définition de Gaza et de la Cisjordanie en tant que seul et même territoire. Ironie du sort, c’est par la victoire d’Israël lors de la guerre de 1967 que ces territoires furent réunis après 19 années de séparation. Auparavant, l’Égypte régnait sur Gaza et la Jordanie avait annexé la Cisjordanie. Sous l’occupation israélienne, puis avec l’établissement de l’Autorité palestinienne en 1994, les territoires sont restés séparés géographiquement, mais pas politiquement. La prise de Gaza par le Hamas a – au moins pour l’instant – mis un terme à cette unification politique. Le président palestinien Mahmoud Abbas a désormais posé ses conditions au dialogue. Le Hamas doit retirer ses hommes en armes de tous les bâtiments de sécurité qu’ils occupent, rendre le pouvoir à l’autorité légitime et présenter ses excuses au peuple palestinien. Bien que la division interne nuise à l’intérêt national palestinien, il est peu probable, au milieu des accusations mutuelles et des provocations, que le dialogue entre le Fateh et le Hamas reprenne rapidement. Mais ce que craignent surtout Abbas et le Fateh, c’est que le conflit avec le Hamas s’étende à la Cisjordanie. Pour éviter un tel scénario, Abbas a interdit tous les groupes militaires et toutes les milices en Cisjordanie, y compris les Brigades des martyrs d’al-Aqsa, rattachées au Fateh. Abbas a réussi à convaincre Israël d’accorder l’amnistie à de nombreux fugitifs du Fateh en Cisjordanie, qui vont rejoindre son appareil sécuritaire. Il a également demandé à Israël d’autoriser la Brigade Badr de l’OLP, actuellement stationnée en Jordanie, à entrer en Cisjordanie. Cela fournirait à Abbas un supplément militaire de 3 000 hommes bien équipés et entraînés. Suite à l’intervention du roi Abdallah II de Jordanie, Israël semble avoir donné son accord au transfert de la Brigade Badr avec toutes ses armes et munitions. Si le Fateh doit devenir un partenaire viable pour la paix et regagner le soutien de sa base, il lui faudra se réformer et en finir avec la corruption généralisée qui a mis à mal sa réputation. Abbas doit également partager le pouvoir avec de jeunes leaders plus disciplinés. Israël peut l’aider en relâchant Marwan Barghouti, éminent dirigeant du Fateh, qui purge actuellement cinq peines d’incarcération à perpétuité dans une prison israélienne. En raison de la grande influence de Barghouti sur les milices du Fateh, sa libération pourrait aider Abbas et la direction discréditée du parti, tout en encourageant l’émergence d’une nouvelle génération de dirigeants au Fateh. Israël est divisé sur la méthode à employer avec le Hamas, ce qui compliquera également le lancement des négociations de paix. Certains Israéliens pensent qu’il faudrait encourager le Hamas à rétablir l’ordre à Gaza et à donner des garanties à ses voisins. Si le Hamas peut rétablir l’ordre à Gaza, prévenir les violences contre Israël et arrêter les attaques de missiles contre les villes et villages israéliens, cela pourrait éviter une intervention militaire israélienne. Toutefois, la pensée dominante en Israël est que le Hamas constitue une menace directe, qu’il est réticent à stopper les attaques sur Israël. Pour l’État hébreu, les combats de l’été dernier contre le Hezbollah au Liban ont prouvé qu’il y a un risque à autoriser le renforcement d’islamistes radicaux aux frontières d’Israël. Tôt ou tard, il est probable qu’Israël entre dans une confrontation militaire avec le Hamas, peut-être même en réoccupant Gaza. Les pays voisins pourraient prendre part aux négociations de paix notamment parce que l’Égypte et la Jordanie craignent que le Hamas puisse commencer à soutenir activement les groupes d’opposition islamistes présents sur leur propre territoire. En outre, l’Égypte, la Jordanie et l’Arabie saoudite – les trois principaux régimes sunnites – sont conscients que Gaza pourrait servir de base à l’Iran chiite, leur ennemi régional non arabe. Leur crainte est fondée sur le soutien apporté par l’Iran aux groupes islamistes – sunnites et chiites – en Irak, au Liban et en Palestine, ainsi que sur les relations qu’il entretient avec la Syrie. Si le schisme Hamas-Fateh entraîne une nouvelle partition territoriale, les aspirations nationales palestiniennes connaîtront leur plus grave recul de ces cinquante dernières années. Bien que l’écrasante majorité des Palestiniens soit contre l’usage de la force pour régler cette lutte de pouvoir, beaucoup apprécient le changement opéré à Gaza, où le Hamas a débarrassé les rues des milices armées et restauré la loi et l’ordre. Les Palestiniens sont confrontés à un problème épineux. Quelle que soit l’action qui sera prise contre le Hamas, elle nuira au projet national palestinien. Une maison divisée ne peut pas tenir, avait dit Abraham Lincoln. Une Palestine divisée ne pourra pas plus assurer son indépendance. * Mkhaimar Abousada enseigne les sciences politiques à l’Université al-Azhar de Gaza. © Project Syndicate, 2007. Traduit de l’anglais par Yann Champion.
Par Mkhaimar ABOUSADA*

La proposition par le président George W. Bush de tenir une nouvelle conférence de paix avec Israël, la Palestine et les pays voisins basée sur une nouvelle solution à deux États est un développement certes tardif, mais bienvenu. Cependant, ces tentatives de redémarrage du processus de paix font désormais face à une nouvelle réalité : deux entités...