L’idée est née dans les cerveaux malades des propriétaires de deux armureries, trois jours avant la tuerie de Blacksburg : tout client qui aurait dépensé plus de 100 dollars chez Bob Moate ou à l’Old Dominion, dans l’État de Virginie, a droit à un billet d’une loterie dont le premier prix est un outil de mort valant 900 dollars. L’événement a été baptisé « la grande braderie Bloomberg », en ironique référence au maire de New York – le propriétaire millionnaire de la chaîne de télévision qui porte son nom – coupable de mener campagne contre la vente d’armes à feu. Dans un pays où la vie au quotidien est régie par la violence, surtout lorsqu’il s’agit d’assurer sa protection, on ne touche pas au sacro-saint Deuxième Amendement. Adopté le 15 décembre 1791, ce texte, un des fondements de la...
Actualités - OPINION
LE POINT Au pays de la violence
Par MERVILLE Christian, le 19 avril 2007 à 00h00
L’idée est née dans les cerveaux malades des propriétaires de deux armureries, trois jours avant la tuerie de Blacksburg : tout client qui aurait dépensé plus de 100 dollars chez Bob Moate ou à l’Old Dominion, dans l’État de Virginie, a droit à un billet d’une loterie dont le premier prix est un outil de mort valant 900 dollars. L’événement a été baptisé « la grande braderie Bloomberg », en ironique référence au maire de New York – le propriétaire millionnaire de la chaîne de télévision qui porte son nom – coupable de mener campagne contre la vente d’armes à feu. Dans un pays où la vie au quotidien est régie par la violence, surtout lorsqu’il s’agit d’assurer sa protection, on ne touche pas au sacro-saint Deuxième Amendement. Adopté le 15 décembre 1791, ce texte, un des fondements de la Constitution, garantissant le droit pour tout citoyen au port des armes, a même fini par faire partie du Bill of Rights.
Question : pourquoi n’existe-t-il pas ailleurs dans le monde de précédent à la tuerie de Virginia Tech ? Question encore : pourquoi l’Amérique possède-t-elle – un peu enviable apanage que nul ne songerait à lui disputer – une véritable culture de la violence ? Et enfin pourquoi rien n’a été fait, lundi, pour prévenir le carnage alors que deux longues heures (7h15-9h15, heure locale) s’étaient écoulées entre l’attaque contre les dortoirs du quatrième étage qui a fait deux victimes, et les tirs de Norris Hall avec leurs 30 morts ? Sans doute la police apportera-t-elle quelque éclaircissement sur ce point qui demeure obscur pour l’instant, mais il est permis de se montrer inquiet devant le temps que cela prendra. Reflétant le point de vue de ses camarades, un étudiant de 18 ans, Bill Bason, a noté que « l’université a du sang sur les mains en raison de son absence de réaction après le premier incident ».
Dimanche dernier, à la veille du terrible lundi noir, la National Rifle Association clôturait à Saint Louis, dans le Missouri, sa 136e assemblée générale. Devant 60 000 membres, le vice-président, Wayne LaPierre, lançait un cri d’alarme. Sa petite phrase, noyée dans un flot de lamentables banalités, mérite d’être citée : « Aujourd’hui, a dit ce brave homme, il n’est pas un seul propriétaire d’arme qui se sente en sécurité. » Et le directeur exécutif de l’honorable organisation mettait en garde, pour ne pas être en reste, contre un éventuel crime qui fournirait un argument supplémentaire aux législateurs désireux d’en finir avec un pseudo-droit qui ne cesse de faire d’innocentes victimes. Les dirigeants de la NRA et leurs partisans peuvent dormir tranquilles, veillés qu’ils sont par un Parti républicain soucieux de ne pas perdre leur soutien financier et électoral. On parle de 200 millions d’armes à feu détenues par des particuliers, dont 65 millions de revolvers. La conséquence de cette débauche ? Par an, 30 000 morts, 300 000 agressions et des pertes évaluées à près de 100 milliards de dollars. Sait-il seulement, par ailleurs, le possesseur d’un pistolet que le risque est 22 fois plus grand de le voir tuer un membre de sa famille plutôt qu’un voleur ou un cambrioleur ? Autant pour un mouvement à but non lucratif, créé en 1871 à New York pour assurer la défense des chasseurs et du droit des citoyens à détenir une arme. Et dont l’un des plus éminents intervenants lors d’une récente convention s’appelait John Bolton, ancien représentant permanent des États-Unis auprès de l’ONU, connu pour ses critiques acerbes des traités internationaux contre les trafics de matériel militaire.
En ces années point si bénies où le Grand Old Party connaît les affres des fins de règne, la loi est bien moins sévère qu’il y a une dizaine d’années, quand l’Administration Clinton avait réussi à faire voter un texte interdisant la vente et la détention de certains modèles de fusils, aboli en 2004 au prétexte qu’il est difficile aux Américains de renoncer à des habitudes datant de l’époque héroïque quand leurs ancêtres trucidaient allègrement les Indiens soupçonnés de s’accrocher, les naïfs, à leurs terres, où les fermes étaient isolées et donc exposées à toutes sortes d’agressions, puis dans l’entre-deux-guerres quand les voyous de tout acabit tenaient le haut du pavé. Le résultat en est que les bavures sanglantes se multiplient non plus dans les rues mais sur les campus universitaires. À la Consolidated High School de Bath (Michigan) il y a 80 ans, plus près de nous en 1999 à Columbine, il y a quelques mois à Nickel Mines en Pennsylvanie dans une école amish… De l’assassinat d’Abraham Lincoln à celui de John et Robert Kennedy, on savait l’Amérique atteinte du cancer de la violence. On est en train de découvrir la profondeur du mal qui la ronge. Et la légèreté avec laquelle il est traité. Effrayantes, l’une comme l’autre.
Christian MERVILLE
L’idée est née dans les cerveaux malades des propriétaires de deux armureries, trois jours avant la tuerie de Blacksburg : tout client qui aurait dépensé plus de 100 dollars chez Bob Moate ou à l’Old Dominion, dans l’État de Virginie, a droit à un billet d’une loterie dont le premier prix est un outil de mort valant 900 dollars. L’événement a été baptisé « la grande braderie Bloomberg », en ironique référence au maire de New York – le propriétaire millionnaire de la chaîne de télévision qui porte son nom – coupable de mener campagne contre la vente d’armes à feu. Dans un pays où la vie au quotidien est régie par la violence, surtout lorsqu’il s’agit d’assurer sa protection, on ne touche pas au sacro-saint Deuxième Amendement. Adopté le 15 décembre 1791, ce texte, un des fondements de la...