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Actualités - OPINION

Tribunal Mission impossible ? Jean ISSA

Cent jours de crise de foie et de foi. Le Liban qui souffre dans ses tripes, et dans son âme. La maladie a un nom : tribunalite. Comment va-t-elle évoluer, que peut-on espérer, que doit-on redouter ? En préambule paradoxal, cette conclusion : l’heure est au diagnostic, à ce qu’il faut démonter pour démontrer. En somme, au CQFD, et c’est bien pourquoi nous retrouverons ce sigle en acrostiche, en ouverture, des modestes paragraphes qui suivent. – Chapitre sept ? Cela constituerait une déclaration de guerre à la Syrie, soutient un éminent juriste. Sans doute simplement pour bien mettre en évidence la gravité de l’éventualité. Car si des sanctions pourraient être prises contre Damas, ce qui n’est même pas du tout certain, il est de toute évidence hors de question, pour la communauté internationale, voire pour les USA, de lui faire la guerre. Il est cependant vrai que, selon toute probabilité, Damas le prendrait très mal. Et encore plus vrai, et plus que jamais, que c’est au Liban qu’elle voudrait en faire payer le prix. C’est bien le seul punching-ball, l’unique bouc émissaire, dont elle dispose pour se défouler. Damas – Quelles inquiétudes la Syrie peut-elle objectivement éprouver ? Le chapitre sept est-il seulement possible ? Théoriquement oui, en « suivant le livre », selon la formule chère au regretté président Chéhab. Mais pratiquement ? Il n’est pas aisé d’imaginer que la Russie et la Chine, membres permanents du Conseil de sécurité, acceptent de se ranger aux côtés des Américains. À l’heure même où Pékin, tout comme Moscou, déploient tous deux une nouvelle stratégie tendant à contester le statut de superpuissance planétaire unique endossé par les États-Unis après la fin de la guerre froide. Sans aller jusqu’au veto, ces deux challengers ont mille moyens de torpiller une séance ou un vote de décision qui requiert, en tout cas, en Conseil de sécurité une majorité de neuf membres sur quinze. Cela sans compter qu’en atermoyant indéfiniment, l’on parviendrait, au bout d’un an ou deux, à cette impasse juridique : le réquisitoire de la commission d’enquête serait terminé, sans qu’il y ait personne à qui le remettre. Encore que l’on se demande, avec la curiosité d’un enfant attendant l’exploit au cirque, comment l’investigation peut aboutir sur des éléments à charge bien concluants judiciairement. Le gouvernement libanais réclame, à juste titre, une rallonge d’un an au mandat Brammertz qui se termine en principe le 15 juin. Mais qu’il y mette, avec son équipe, toute sa compétence et tout le temps qu’il voudra, n’empêche que, techniquement, on voit mal comment il peut établir la vérité, faire totalement la lumière sur l’assassinat du président Hariri. Ou sur les autres crimes. Les indices de terrain, primordiaux, ont été salopés à dessein dans le quart d’heure même qui a suivi l’attentat. Et il n’est pas de témoignage, ni même d’aveux, qu’une bonne défense ne pourrait démolir. Or, pour juger au pénal et à ce niveau-là surtout, les recoupements, les présomptions et les intimes convictions ne suffisent pas. Sévère revers – Faut-il rappeler, en citant notamment Charles Rizk, que le chapitre sept serait encore plus préjudiciable, et bien plus dommageable dans ses contre-effets secondaires, pour le Liban que pour la Syrie ? Supposons qu’il soit appliqué. Cela signifierait quoi ? Que les Libanais seraient disqualifiés. Ne pourraient plus faire partie du tribunal. Et, bien plus grave, qu’il y aurait un déni formel de la reconnaissance internationale, toujours acquise à ce jour, d’un État, d’un gouvernement libanais manifestement incapables d’assumer leur autorité et leur souveraineté. D’où, entre autres lésions possibles, un risque de suspension d’un Paris III qui n’aurait plus, du reste, le puissant soutien d’un Chirac, actuellement en partance. De plus, il faudrait que la justice libanaise fonctionne de son côté, toute seule, comme une grande. Ce qui n’a pratiquement jamais été à ce degré de crime contre la sûreté de l’État et contre la nation. En effet, si notre mémoire ne nous trahit pas, il y a bien peu d’affaires déférées devant la Cour de justice, instance suprême sans appel, qui ont abouti. La diligence la plus remarquée, mais peut-être pas la plus appréciée, a pu être enregistrée sous la tutelle syrienne, quand des parties hostiles à Damas, comme les FL, étaient mises en cause. Une partialité évidente, politisée, vivement dénoncée alors par le patriarche Sfeir. CQFD – Dès lors, les perspectives pour cette véritable quête du Graal qu’est la course à la vérité semblent peu réjouissantes, peu encourageantes. Pour l’heure. Il n’est que de voir avec quelle assurance la Syrie revendique elle-même la posture d’accusée, quand son ministre des AE, Walid Moallem, exige que la loi syrienne soit prise en compte devant le tribunal. Cela alors que nul ne l’a (encore) inculpée. Est-ce à dire que la mission, politique et judiciaire, du Liban, de notre pays, est impossible ? Pas du tout. Il convient, certes, d’être bien lucide, de réaliser que les choses ne se présentent pas vraiment bien. Mais il ne faut jamais oublier que la lutte, quasi vitale, continue. En 1975, il y avait les Palestiniens et nous. Aujourd’hui, il y a nous et les Syriens. Avec ou sans déclaration, avec ou sans chapitre sept, c’est presque une guerre que nous livrons. Ou, plus exactement, que l’on nous impose, alors que nous n’agressons personne. Pas même ceux par qui nous nous faisons tuer.
Cent jours de crise de foie et de foi. Le Liban qui souffre dans ses tripes, et dans son âme. La maladie a un nom : tribunalite. Comment va-t-elle évoluer, que peut-on espérer, que doit-on redouter ? En préambule paradoxal, cette conclusion : l’heure est au diagnostic, à ce qu’il faut démonter pour démontrer. En somme, au CQFD, et c’est bien pourquoi nous retrouverons ce sigle en acrostiche, en ouverture, des modestes paragraphes qui suivent.
– Chapitre sept ? Cela constituerait une déclaration de guerre à la Syrie, soutient un éminent juriste. Sans doute simplement pour bien mettre en évidence la gravité de l’éventualité. Car si des sanctions pourraient être prises contre Damas, ce qui n’est même pas du tout certain, il est de toute évidence hors de question, pour la communauté internationale, voire pour...